Voilà maintenant deux ans que le gouvernement militaire du général Prayuth Chan-ocha gouverne la Thaïlande, à la suite du coup d’Etat du 22 mai 2014.

Une des raisons avancées par les militaires lors de la prise de pouvoir de l’armée, fut l’échec économique du précédent gouvernement dirigé par Yingluck Shinawatra.

Mais que reste t-il aujourd’hui des promesses économiques faites en mai 2014 ?

Le 22 mai 2014, en direct à la télévision, le général Prayuth Chan-ocha revendique un coup d’Etat militaire. Une junte appelée Conseil national pour la paix et le maintien de l’ordre prend alors le pouvoir en Thaïlande.

Lors du coup d’état, l’économie thaïlandaise est déjà dans une situation difficile. Voyant la Thaïlande empêtrée dans une crise politique sans fin, les investisseurs étrangers ont préféré geler certains projets, en attendant un retour à la normale.

Le tourisme, une des principales locomotives de l’économie du royaume, est également touché par la crise politique : en 2014 le secteur touristique recule de près de 2 millions de voyageurs par rapport à 2013.

En 2014, la Thaïlande enregistre son plus faible taux de croissance (0,7%) depuis 2011 (0,1%), l’année où les inondations avaient paralysé l’économie.

 

En 2014, la consommation des ménages est en berne, et par conséquent de nombreuses industries voient leurs ventes diminuer. L’industrie automobile, locomotive économique en Thaïlande qui comptait pour 11% du produit intérieur brut en 2013, se voit dans l’obligation de licencier 30.000 ouvriers pour pallier à une baisse de 10% de ses ventes.

Dès son arrivée au pouvoir, la junte a du pain sur la planche pour redresser une économie qui stagne. Mais les résultats se font attendre : en 2016 la Thaïlande a encore reculé de trois places (de la 46e à la 49e) dans le classement “Doing Business” de la Banque Mondiale.

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En 2016 la Thaïlande a encore reculé de trois place dans le classement “Doing Business” de la Banque Mondiale.Source : http://francais.doingbusiness.org/data/exploreeconomies/thailand/

Des dépenses colossales…

Immédiatement, le gouvernement de Prayuth Chan-ocha se fixe des objectifs très clairs. La junte vise d’abord à rétablir la confiance des investisseurs et des ménages, pour relancer les investissement.

Le gouvernement vise également une relance d’un autre moteur de la croissance : les exportations, celles-ci représentent en moyenne 65% du PIB du royaume.

Enfin la junte veut rompre avec les politiques populistes mises en place par les gouvernements précédents et faire table rase des politiques du précédent gouvernement de Yingluck Shinawatra.

Ainsi le gouvernement de Prayuth Chan-ocha va se lancer dans de très nombreuses distributions d’argent, à la police, aux agriculteurs, à l’éducation, etc.

Partout en Thaïlande, des “happiness festival” sont organisés, sortes d’immenses concerts où tout est gratuit.

Ces dépenses et ces événements, loin d’être anodins, ont pour but de rétablir un climat de confiance, et conséquemment, une bonne consommation. Finalement, deux mois après sa prise de pouvoir, le gouvernement aura dépensé près de 4,3 milliards de dollars.

…pour peu de résultats immédiats

En définitive, les dépenses du gouvernement n’ont eu que peu d’effets sur la croissance et la reprise économique à court terme.

En effet, la croissance en 2014 fut de 0,7%, puis de 2,8% en 2015, bien loin de la moyenne des pays de l’Asean (4,6%).

Certains facteurs, comme la baisse des échanges avec plusieurs partenaires commerciaux de la Thaïlande expliquent ces chiffres. C’est le cas de la Chine et du Japon par exemple, qui figurent parmi les deux partenaires commerciaux de la Thaïlande, et qui ont enregistré des performances économiques décevantes depuis 2014.

Le coup d’Etat a également une influence négative sur les relations avec l’Europe. En effet, les pays européens, n’appréciant pas certains actes du gouvernement thaï, trop liberticides à leur goût, on réduit leurs échanges commerciaux avec la Thaïlande et se sont tournés vers d’autres pays d’Asie de l’Est.

De même les relations avec les Etats-Unis ont enregistré un net refroidissement après la condamnation du coup d’Etat par Washington, qui ne cesse de demander le rétablissement de la démocratie et des élections libres.

Cette nouvelle donne a notamment eu comme conséquence l’absence de la Thaïlande dans le traité de libre échange avec les Etats-Unis, ou Partenariat Transpacifique (TPP) qui réunit 12 pays dont la Malaisie et le Vietnam et Singapour.

Ainsi les exportations thaïlandaises, qui représentent près des deux tiers du PIB du pays, ont fortement baissé depuis 2014, enregistrant une chute de 5,8% en 2015.

Le tourisme au secours de la croissance ?

En 2014, le nombre de touristes, notamment asiatiques, avait également chuté à la suite du coup d’Etat et des manifestations. En effet, 59 états avaient émis des avertissement concernant les voyages en Thaïlande, déconseillant à leurs concitoyens de se rendre dans le pays.

Ainsi en 2014, la Thaïlande comptait 2 millions de touristes de moins par rapport à l’année précédente.

Néanmoins, dès 2015 le tourisme a rapidement repris, battant par la même occasion son record avec près de 30 millions de visiteurs.

Le tourisme est à cette occasion devenu le point dominant de l’économie actuelle en Thaïlande, représentant environ 15% du produit intérieur brut du pays et rapportant toujours plus d’année en année.

Entre 2014 et 2015, la junte militaire a annoncé une série de réformes fiscales visant à stimuler la croissance, mais surtout Somkid Jatusripitak fut nommé au gouvernement.

Cet ancien ministre des finances du gouvernement du très controversé Thaksin s’occupe désormais des finances et de la politique économique du royaume.

Ainsi la junte a choisi de s’entourer d’anciens hommes politiques globalement appréciés, comme pour envoyer des signaux positifs aux investisseurs, et aux électeurs.

Et maintenant ?

En 2015 les 2,5% de la croissance thaïlandaise étaient essentiellement dus au tourisme, principal moteur économique du pays.

Cette année, au premier trimestre, l’économie du pays affiche une croissance de 3,2%, plus haute de 0,4% par rapports aux estimations annoncées auparavant par Bloomberg et le FMI. Le pays atteint ainsi sa plus forte croissance depuis 2014.

Encore une fois, il semble que cette reprise soit pour l’essentiel due au secteur du tourisme qui tire la croissance vers le haut, mais il semblerait également que les dépenses de l’Etat commencent à porter leurs fruits.

Néanmoins, ce chiffre de 3,2% de croissance est largement en dessous du potentiel économique du pays, et de la moyenne des autres pays de l’Asean (4,5%).

Malgré tout, la Thaïlande possède toujours de gros avantages, comme son taux de chômage très bas (moins de 1%) et un taux d’inflation et un endettement public encore bien maîtrisé.

L’incertitude politique quant à elle règne toujours, les futures élections étant souvent repoussées et l’écriture de la constitution, sur fond de censure politique, est plus longue que prévue.

Ces atermoiements entraînent une méfiance croissante des investisseurs étrangers et de la communauté internationale.

Si jamais la croissance économique ne reprenait pas à un niveau proche des autres pays de la région, le gouvernement militaire en place risquerait de perdre aussi l’appui des classes moyennes et supérieures, qui l’avaient jusqu’alors soutenu.

Mais les ménages thaïlandais étant pour la plupart sur-endettés, leur consommation ne risque pas de repartir à la hausse cette année, et les prévisions de croissance pour 2016 sont en général assez modestes, comprises entre 2,7 et 3%, contre une moyenne de 4,6% pour les 10 pays de l’Asean.

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