À l’heure  où les États-Unis entreprennent une reconsolidation de leurs liens avec les pays de l’ASEAN, la Thaïlande semble repenser la distribution de ses priorités diplomatiques et  se tourner davantage vers la Chine.

Si les Etats-Unis demeurent l’allié privilégié du royaume depuis la guerre froide, le rapprochement des deux puissances asiatiques laisse paraître un recentrage de la politique extérieure thaïlandaise vers l’est, relativisant un peu ce partenariat historique.

Un « rééquilibrage » diplomatique à sens unique ?

Alors que Barack Obama recevait le 15 février dernier les dirigeants des dix pays de l’Asean en Californie, l’absence du géant chinois autour de la table est révélatrice d’une offensive diplomatique américaine vers l’Asie du Sud Est, zone longtemps délaissée par la Maison Blanche.

Les Etats-Unis ont investi 201 milliards d’euros en Asie du sud-est en 2014, un chiffre supérieur à la totalité de l’investissement cumulé américain en Chine, en Corée du Sud et au Japon.

Le pivotement vers l’Asie de la politique étrangère américaine, annoncée en décembre 2015 par Washington, doit cependant faire face à des réticences de la part de certains États, dont la Thaïlande, de plus en plus convaincus par l’alternative chinoise.

La tentation chinoise de la Thaïlande

La Thaïlande et la Chine possèdent des liens socio-économiques et culturels très anciens, qui ne cessent de se renforcer depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire en mai 2014.

Alors que les puissances occidentales ont brusquement gelé les relations bilatérales en appelant à une régulation immédiate de la situation thaïlandaise, la Chine a quant à elle multiplié les visites ministérielles et les plans d’action économique avec le royaume.

C’est une des conséquences du coup d’Etat du mois de mai 2014 : contrairement à l’Europe et aux Etats-Unis, la Chine s’est prudemment abstenu de tout commentaire négatifs lorsque l’armée a pris le pouvoir en Thaïlande.

Le premier ministre chinois Li Keqiang a été, de manière assez symbolique, le premier dirigeant étranger de haut rang à se rendre à Bangkok en visite officielle à Bangkok en décembre 2014, après que l’armée a pris le pouvoir le 22 mai 2014.

Crédits photo : Prachatai, Flickr
Le Premier ministre thaïlandais Prayuth Chan-Ocha , avec son homologue Li Keqiang Premier ministre de la République populaire de Chine. Crédits photo : Prachatai, Flickr, https://www.flickr.com/photos/prachatai/

Les deux pays avaient alors annoncé la conclusion d’un partenariat sans précédent pour la construction d’une ligne à grande vitesse reliant Nong Khai – Bangkok – Map Ta Phut, qui permettrait à la Chine d’avoir une voie d’accès au royaume de Siam.

Des relations ancestrales ravivées par des accords plurisectoriels

Depuis 2013, ce ne sont pas moins de six mémorandums d’entente qui ont été signés entre la Chine et la Thaïlande.  Parmi eux, on retrouve des accords de coopération énergétique, scientifique, maritime, universitaire ou encore agricole.

Des accords alléchants pour l’économie thaïlandaise qui se remet peu à peu du scandale économique provoqué par le gouvernement de Yingluck Shinawatra. En 2015, la croissance thaïlandaise a atteint 2,8% seulement, contre 4,5% en moyenne pour les pays de l’Asean.

Un plan d’achat de 2 millions de tonnes de riz et de 200 000 tonnes de caoutchouc a d’ailleurs été entériné par la Chine et devrait prendre effet cette année.

C’est grâce à une politique économique et commerciale offensive que la Chine espère fidéliser son partenaire thaïlandais. Les flux d’IDE chinois en Thaïlande n’ont jamais été aussi élevés, bien qu’encore inférieurs aux américains, atteignant 1,1 milliards de dollars américains en 2014 contre seulement 11 millions en 2005.

Huit millions de touristes chinois

D’autres secteurs connaissent également un développement exponentiel, et particulièrement le secteur touristique. Les Chinois représentent en effet le premier contingent de touristes en Thaïlande, avec près de 8 millions de visiteurs chinois sur 29,8 millions d’entrées au total pour 2015, de quoi conforter le royaume dans ses perspectives de rapprochement diplomatique avec la Chine.

La multiplicité des accords récemment signés entre les puissances chinoises et thaïlandaises préfigure ainsi une remise en perspective  des relations entre les Etats-Unis et la Thaïlande.

Au moment où les tensions sont vives en mer de Chine, un exemple révélateur est celui de la politique sécuritaire de la Thaïlande.

Si le Vietnam ou les Philippines ont en effet exprimé leur volonté d’accroître les coopérations militaires avec les américains, le ministre de la défense thaïlandais, Prawit Wangsuwan, a quant à lui annoncé l’intention d’acheter trois sous-marins à la Chine.