La Thaïlande bénéficie depuis longtemps d’une solide réputation de destination bon marché. Le cours du baht y est sans doute pour quelque chose même si depuis le début de la crise des subprimes, la monnaie thaïlandaise est restée étonnamment stable, évoluant entre 34 et 36 baht pour un dollar.

Depuis dix ans, les gouvernements des pays d’Asie gèrent leurs monnaies de manière à s’assurer des taux de change compétitifs ( plutôt sous évalué, pour suivre l’exemple chinois) et des excédents commerciaux, source de confortables réserves de change. La première économie émergente asiatique, la Chine, a appliqué cette recette avec une certaine consistance, alors même que le contrôle des capitaux lui avait permis de limiter la spéculation dans les années 1990.

Le cours USD en THB depuis deux ans

Récemment la devise thaïlandaise était orientée encore à la hausse par rapport au dollar (34,2 baht), malgré des mauvais chiffres de croissance pour le premier trimestre 2009. Mais c’est une baisse relative du dollar, car au début de l’année 2008 le dollar cotait 32 baht. Le baht est donc encore en deça de plus de 10% par rapport a ses niveaux de 2008. Les chiffres publiés récemment confirment ceux du dernier trimestre 2008, et que l’économie thaïlandaise est bien entrée en récession. Or la croissance a une grande importance pour le cours d’une devise. Le principe fondamental de tout investisseur consiste à maximiser la rentabilité de ses actifs, or la croissance mesure la création de richesse par les entreprises, qui est un des éléments susceptible d’être redistribué sous  formes de dividendes, ou d’augmentation du cours des actions cotées en bourse.

Les investisseurs et les capitaux étrangers se dirigeront donc d’abord vers les régions créatrices de richesses, et éviteront les pays ayant des croissances négatives en essayant d’anticiper les écarts entre les différentes zones. C’est ce qui explique en grande partie la bonne tenue du baht depuis le début de la crise des subprimes : la croissance a plus de chance de redémarrer rapidement en Asie (notamment grâce à la Chine qui table toujours sur une croissance de 8% ) qu’en Europe ou aux États Unis.

Une autre variable a prendre en compte pour évaluer le cours d’une devise, est le taux d’endettement d’un pays, et le montant de ses réserves de changes.  Un pays très endetté risque de faire tourner la “planche a billet”, qui risque de relancer l’inflation. L’inflation est aussi un élément majeur dans la détermination des taux de change car les investisseurs n’aiment pas voir leurs actifs se déprécier en passant d’une monnaie à une autre. De ce point de vue la Thaïlande est en bonne position : son taux d’endettement devrait atteindre les 60%, une proportion raisonnable par rapport à d’autres pays comme le Royaume Uni, ou les Etats Unis où ce taux approche maintenant les 100%. Les réserves de changes restent élevées, aux alentours de 100 milliards de dollars.

En 1997, les bases de l’économie thaïlandaise étaient bien moins solides : avec un déficit des paiements courants important, le pays était vulnérable aux attaques spéculatives, et le FMI avait recommandé plus de souplesse dans les taux de change. Tout au long du printemps 1997, les marchés avaient engagé un bras de fer avec la banque centrale thaïlandaise sur la valeur du baht. Une fois les réserves de change épuisées, les autorités laissèrent le baht flotter librement sur le marché, c’est à dire couler vers le fond, mettant en péril les banques et les institutions financières qui avaient emprunté en devises convertibles croyant que le baht resterait indexé sur le dollar américain. Ainsi, le dollar était passé quelques mois de 25 à 55 bahts thaïlandais, alors que la chute de la capitalisation boursière avait atteint 84% en Thaïlande, et les firmes immobilières cotées à Bangkok avaient perdu 92% de leur valeur en un an. Aujourd’hui une telle descente aux enfers est impossible car le baht flotte désormais librement, et ajuste chaque jour sa valeur aux conditions du marché.

Le Big Mac index est une manière originale d'apprécier le cours d'une devise

Ce comportement correspond à ce qu’énonce la théorie de la parité du pouvoir d’achat, souvent considérée par les économistes comme la méthode la plus fiable pour prévoir le cours d’une devise sur le long terme.

La parité de pouvoir d’achat (PPA) est un taux de conversion monétaire qui permet d’exprimer dans une unité commune les pouvoirs d’achat des différentes monnaies. Ce taux exprime le rapport entre la quantité d’unités monétaires nécessaire dans des pays différents pour se procurer le même “panier” de biens et de services, mais en essayant d’éliminer l’effet des différences de niveau des prix entre pays.
Par exemple, si un panier de bien vaut 10 euros en France et 500 bath en Thaïlande, le cours euro / baht devrait être de 1 euro pour 50 baht dans l’absolu. Mais 500 baht représentent beaucoup plus d’argent pour un Thaïlandais que 10 euros pour un Français en raison des différences de salaires entre les deux pays, d’où la nécessité de corriger cette valeur par des données locales.

En Thaïlande le salaire minimum est d’environ 200 baht par jour pour un ouvrier, alors qu’en France le SMIC horaire est de 8,7 euros de l’heure soit environ 60 euros pour une journée. La différence de niveau de vie est donc importante : au cours actuel du baht (1 euro = 46 baht) un ouvrier thaïlandais gagne 14 fois moins en valeur absolue que son homologue Français. Mais son pouvoir d’achat est il 14 fois inférieur ? Sûrement pas car 200 baht peuvent sans doute acheter autant que 60 euros en France. Mais sur quels biens peut-on faire cette comparaison ? C’est une difficulté majeure de la théorie du PPA. Si on considère par exemple qu’un repas basique coûte 30 baht en Thaïlande, et disons 5 euros en France (soit 230 baht), le cours actuel du baht semble sur évalué. Mais les résultats des enquêtes prouvent en général le contraire, c’est notamment le cas du fameux Big Mac index.

Pour palier a la difficulté que représente les comparaisons entre pays, The Economist a inventé il y a dix ans, l’indice Big Mac, car le Big Mac est un des rares produits disponibles dans le monde entier et dont la composition est rigoureusement identique. Selon cet indice, la plupart des monnaies asiatique seraient sous évaluées par rapport au dollar. La dernière parution de cet indice date de février 2009, et elle indique une sous évaluation du baht de 50% par rapport au dollar, tandis que l’euro serait surévalué de 24% par rapport a la devise américaine. Bien sur il faut relativiser ces résultats, car si les gérants locaux de Mac Donald sont libres de fixer leurs prix, ils ne prennent pas en compte de la même manière les différences de pouvoir d’achat. Ainsi en Thaïlande, un repas Mac Donald est un produit destiné a une clientèle urbaine et plutôt aisée, ce qui n ‘est pas le cas aux États Unis.

Olivier Languepin

2 comments
  1. Dans l’avant dernier paragraphe, vous écrivez ceci :”Sûrement pas car 200 baht peuvent sans doute acheter autant que 60 euros en France”. Si cela est vrai, considérant que ceci est le salaire d’un ouvrier thaïlandais et d’un smicar français, j’en déduis que l’ouvrier thailandais a autant, voire plus de pouvoir d’achat dans son pays que son homologue français en France. Savez-vous monsieur combien coûte un véhicule neuf en Thaîlande? Et combien coûte un litre de carburant ? Savez-vous que les véhicules d’occasion sont plus chers qu’en France ?(car controlé par une “mafia” et sans contrôle technique obligatoire). Avez-vous songé à tous les produits de consommation qui viennent de l’extérieur et dont tous les jeunes thaïs rêvent? Connaissez-vous le système social thaïlandais ? Le coût d’une hospitalisation, le prix des inscriptions à l’université ? Sans parler de l’absence de bourses, d’aide au logement, etc. Tout ceci est à prendre en compte, car un père de famille y sera confronté un jour où l’autre… Croyez-moi monsieur, il vaut mieux être smicar en France ! Il ne faut pas oublier les écarts de revenus, ultra libéralisme (économique) et corruption ont creusés des écarts énormes, alors bien sûr si on fait du commerce, du business comme on dit, ou si on est médecin dans un hôpital pour les riches (business aussi), officier militaire ou de police alors là oui, en Thaïlande on vit mieux que son équivalent français sans aucun doute. Quant au “Big Mac index” qui a la prétention de comparer quoi ? C’est un outil de publicité et de propagante américaine, un de plus…

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