Le général Sonthi Boonyaratglin, leader du coup d’Etat à Bangkok, a déclaré que le putsch était nécessaire pour favoriser l’unité de la Thaïlande, ajoutant que les militaires n’avaient pas l’intention de s’éterniser au pouvoir.

“Nous avons pris le pouvoir”, a annoncé le général Sonthi, 59 ans, dans un discours à la télévision au lendemain du renversement du premier ministre, Thaksin Shinawatra.

Il a confirmé que les militaires avaient mis fin à la Constitution, au Sénat, à la Chambre des représentants, au gouvernement et à la Cour constitutionnelle. “Nous avons estimé que le premier ministre par intérim Thaksin avait provoqué un clivage sans précédent dans la société, une corruption répandue, du népotisme et de l’ingérence dans des agences indépendantes qui n’arrivaient plus à fonctionner”, a-t-il dit, ajoutant : “Si le gouvernement intérimaire était autorisé à fonctionner, il affecterait le pays.”

Et le général Sonthi a poursuivi : “Ils ont insulté le roi de manière répétée. C’est pourquoi le Conseil dirigé par les militaires devait s’emparer du pouvoir pour contrôler la situation, rétablir la normalité et créer l’unité dans les plus brefs délais.” Avant de conclure : “Le Conseil n’a pas l’intention de gouverner mais entend rendre le pouvoir au peuple dès que possible.”

Par ailleurs, les rassemblements de plus de cinq personnes ont été officiellement interdits par les auteurs du coup d’Etat militaire, selon une annonce faite mercredi à la télévision. Ils ont aussi imposé de stricts contrôles sur les médias nationaux et internationaux.

Cet ordre donne au ministère de la communication le droit d’empêcher toute “désinformation” qui serait préjudiciable aux nouvelles autorités militaires, a ajouté un présentateur au nom des auteurs du putsch. “S’il vous plaît, rapportez l’information de manière loyale et constructive afin de favoriser un retour à la normale dans notre pays”, a demandé cette déclaration officielle. Dans les heures qui ont suivi le coup d’Etat en Thaïlande, les programmes des chaînes d’information internationales, comme CNN et BBC, ont été brusquement interrompus.

THAKSIN SHINAWATRA DANS L’INCERTITUDE

Loin de son pays, Thaksin Shinawatra a d’abord assuré avoir encore les affaires en main. Mais alors que les heures passaient, ses conseillers ont bien dû admettre qu’ils perdaient prise sur les événements.

Mardi en fin de journée, un haut responsable thaïlandais a indiqué, sous le couvert de l’anonymat, que le premier ministre prévoyait de quitter les Etats-Unis, sans préciser quelle serait sa destination. Il a ajouté qu’il n’était “pas sûr” que le premier ministre regagne la Thaïlande. Thaksin Shinawatra a annulé le discours qu’il devait prononcer à l’Assemblée générale de l’ONU, après avoir, dans un premier temps, fait avancer l’horaire de son allocution de mercredi à mardi. Son entourage n’a pas voulu indiquer s’il avait pu entrer en contact avec le roi Bhumibol Adulyadej, élément de stabilité d’une démocratie fragilisée par des décennies de troubles politiques et coups d’Etat successifs.

“Le premier ministre thaïlandais est plutôt calme”, assure un responsable s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. “Il pense qu’il est le premier ministre élu et il voudrait préserver la Constitution du pays, ajoute-t-il. Il tente d’évaluer la situation.” Des opposants chantent des slogans anti-Thaksin devant la mission thaïlandaise à l’ONU, et huent dès qu’une fenêtre du bâtiment s’ouvre brièvement. A l’ambassade thaïlandaise à Washington, la confusion est complète. “On regarde ce qui se passe sur CNN”, explique un responsable, demandant aux journalistes de rappeler plus tard.