La disparité des revenus entre les plus  riches et les plus pauvres est devenu l’un des motifs principaux des manifestations qui agitent la Thailande depuis plusieurs mois. Pour tenter de réduire les écarts de revenus dans le royaume, le gouvernement thaïlandais a prévu l’application d’un impôt foncier, maintes fois reporté, dans l’espoir de réduire les inégalités et d’ améliorer les moyens de subsistance pour les personnes à faible revenu.

Le gouvernement a présenté hier à la Chambre des Représentants un budget de 2 milliards de baht (50 millions d’euros) visant à réduire les disparités sociales et les écarts de revenus dans le pays. Le Premier ministre Abhisit Vejjajiva a déclaré hier à la Chambre que le projet de loi de budget 2011 visait deux objectifs principaux: mettre de côté des fonds pour le développement national durable, assurer  la sécurité économique du pays  et réduire les disparités sociales en Thailande.

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Le taux de la nouvelle taxe foncière serait de 0,1% pour les unités résidentielles

La réduction des inégalités n’a pas progressé depuis 1986

Le Premier ministre a cité des statistiques datant de 2008, affirmant que le revenu des 20% de la population dans la tranche supérieure des revenus était 12,7 fois supérieur à celui de ceux des 20% de la tranche inférieure de revenu. C’est à peu près le même écart de revenu que pour l’année 1986, toujours selon M. Abhisit

Nous avons pris conscience des problèmes de revenus dans les campagnes et nous avons commencé un programme de soutien qui est un changement complet par rapport à ce qui se faisait auparavant.
-Kiat Sittheeamorn, membre du Parti Démocrate.

Le Rapport mondial 2009 sur le développement humain publié par les Nations unies rapporte que la Thaïlande est l’une des sociétés les plus inégalitaires d’Asie. Les 20 % de la population en haut de l’échelle touchent 55 % du revenu national comparé aux 4,3 % du quintile le plus pauvre, soit près de 13 fois plus, par rapport à un écart de 5 à 8 fois en Europe ou en Amérique du Nord, et entre 9 à 11 fois pour le reste de l’Asie du Sud-Est. La reprise économique en Thailande qui repose surtout sur une reprise des exportations, profite peu aux couches les plus défavorisées, dont les ressources restent tributaires du cours de matières premières et agricoles comme le riz.

Les ruraux ont peu bénéficié de l’essor économique des années 1980 et 1990, qui ont transformé Bangkok d’ une ville de canaux et de marchés flottants en une capitale de tours de bureaux, de mega shopping center et de cafés internet. Ce n’est donc pas complètement un hasard si l’assaut final des chemises rouges a eu lieu précisément au coeur du quartier ou se trouvent les shopping Center les plus luxueux et les plus chers de Bangkok.

Les ruraux ont peu bénéficié de l’essor économique de la Thaïlande

Économie mondialisée, la Thaïlande s’est rapidement développée au prix d’une plus grande inégalité entre ceux qui profitent du commerce et des investissements et ceux, dans la campagne, qui en sont tenu le plus souvent à l’écart. Il faut maintenant intégrer le fait que les ruraux pauvres ne retourneront plus jamais à l’époque où ils ont simplement accepté la loi de Bangkok sans broncher. Ceci étant, les écarts de revenus en Thailande ne sont pas inhabituels pour un pays en développement en forte croissance, et la pauvreté absolue a globalement fortement reculé en Thailande depuis les années 80.

Selon Kiat Sittheeamorn, président des conseil des chambres de commerce de Thaïlande et membre influent du Parti Démocrate actuellement au pouvoir:

Au lieu de soutenir artificiellement le prix du riz, nous allons faire arriver les subventions directement dans la poche des agriculteurs. Les études des économistes ont montré que le système d’intervention sur les prix était peu efficace : seulement 33% d’une hausse des prix profite aux agriculteurs, et le reste termine dans la poche des intermédiaires.

Le ressentiment face à l’évincement par l’armée du gouvernement Thaksin s’est transformé en hostilité générale envers les élites traditionnelles du pays, et l’armée, accusée de s’approprier les richesses du pays de manière injuste. Comme l’a dit au New York Times une manifestante jeudi : « Cela fait des centaines d’années, voire même des milliers d’années que nous sommes pauvres et eux, ils vivent dans des lieux de rêves et des manoirs. Cela fait longtemps qu’ils nous imposent ça. »

Le taux de la nouvelle taxe serait de 0,1% pour les unités résidentielles

Le Conseil des ministres a donc approuvé le principe d’une taxe sur la propriété foncière. L’impôt foncier aura une incidence sur les propriétaires de terres et les propriétaires de maisons. Le taux plafond de cet impot  devrait être révisé tous les quatre ans. Les taux sont de 0,05% pour les terres agricoles et 0,1% pour les unités résidentielles. Les propriétaires ont trois ans pour faire usage de la terre qu’ils possèdent avant que le taux d’imposition sur les terres inutilisées  ne soit doublé. Les taux n’ont pas encore été approuvé par le Cabinet, mais ces mesures fiscales devraient stimuler l’utilisation des terres, la prévention de la corruption et la spéculation sur les terres à but lucratif. Le prix des maisons risquent aussi d’augmenter.

Selon le ministre des Finances Korn Chatikavanij, la nouvelle taxe ne sera pas appliquée aux agriculteurs et personnes à faible revenu qui possèdent un petit lopin de terre. M. Korn a expliqué que les agriculteurs qui sont inscrits au titre du régime public de garantie de revenu n’auront pas à payer cet impôt, que le projet d’impôt foncier ne sera pas un impôt pour les pauvres. Même si le projet de loi aura une incidence sur la majorité des individus fortunés, M. Korn est persuadé que la loi recevra une réponse positive, car elle favorise l’équité dont la Thailande a besoin ce moment.

La pauvreté en Thaïlande n’est pas tant un problème, de pauvreté absolue (un nombre croissant de familles incapables de subvenir à leurs besoins les plus fondamentaux), mais un problème lié à l’énorme différence de revenus entre la partie supérieure des population à hauts revenus et le reste de la population. La Thaïlande a enregistré une impressionnante croissance économique dans les années 1980 et 1990 qui a amélioré les conditions de vie de l’ensemble de la population, mais les bénéfices de cette richesse nationale n’ont pas été répartis équitablement.

Olivier Languepin avec  Kritayapimonporn Dolsinee (NNT)

Voire aussi : New Property Tax in Thailand hopes to narrow income disparity

Thailand Poverty and wealth, Information about Poverty and wealth in Thailand

3 comments
  1. @Roger : Il existe déjà une taxe sur le transfert des biens immobiliers en Thaïlande. Celle nouvelle taxe s’apparente plutôt à une taxe foncière (France) ou Property Tax (US) qui sera réglée tous les ans à partir de la valeur déclarée du bien au Land Department.

  2. 0,1% sur quoi: sur quelle valeur, déterminé par qui? A payer quand: à la vente du bien? Annuellement?

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