La Chine a accordé à la Bangkok Bank, la plus grande banque commerciale de Thaïlande, une licence exclusive pour autoriser des opérations en yuans dans le royaume. Les autorités chinoises contrôlent très strictement le cours de leur monnaie et le yuan n’est pas autorisé à circuler librement en dehors de Chine.

Cette opération fait cependant partie de la tentative de la Chine pour élargir progressivement le rôle de sa monnaie (le renminbi, plus connu comme yuan) en Asie. La Bangkok Bank, la plus grande banque commerciale de Thaïlande en termes d’actifs, dispose de quatre succursales en Chine continentale et d’un réseau de succursales dans tout le Sud-Est asiatique.

La Bangkok Bank pourra désormais gérer des transactions en yuan

En tant que seule banque accréditée par la Chine, elle sera autorisée à collecter des dépôts en yuan à remettre des yuans à l’étranger. Les clients particulier et entreprises qui veulent établir des comptes en yuans à la Bangkok Bank doivent être non-résidents, par exemple des entreprises chinoises qui souhaitent régler leur transaction dans la monnaie chinoise.

L’ ouverture d’un établissement habilité à changer et tenir des comptes en yuan en Thailande est la conséquence logique d’un accord de swap signé récemment entre la Chine et la Thailande qui autorise le règlement de transactions entre les deux pays dans leur monnaie respective. Elle vise aussi à restreindre le rôle du dollar dans le commerce extérieur de la Chine, qui a récemment critiqué sa capacité à demeurer la principale monnaie de réserve sur le marché mondial des changes.

L’Argentine, le Brésil, l’Indonésie, le Bélarus, la Corée du Sud, la Malaisie et Hong Kong ont déjà signé des accords de swap de devises avec la Chine. La taille de ces accords, toutefois, reste faible par rapport au volume total des échanges. Ces accords permettent aux exportateurs et aux importateurs de régler leurs transactions commerciales dans leurs monnaies locales au lieu du billet vert.

Ils indiquent que l’influence sur l’économie mondiale de la Chine, notamment dans ses aspects financiers sont de plus en plus importants, même s’il ne faut pas en exagérer les conséquences. Ces swaps visent à injecter dans le système financier des yuans, une monnaie dont le taux de change est strictement contrôlé et la convertibilité trop limité pour lui permettre de jouer le rôle de monnaie internationale.

La Chine a accumulé plus de 2 trillions de dollars de réserves de change
La Chine a accumulé plus de 2 trillions de dollars de réserves de change

Une parité quasi-fixe (± 0,3%) avec le dollar a longtemps été la règle, elle a été remplacée le 21 juillet 2005 par une indexation sur un panier de monnaies où figurent les principales devises de la planète (avec toujours très majoritairement le dollar) et le yuan a été dévalué de 2 % par rapport à la monnaie américaine. Des pressions, émanant notamment de parlementaires américains, veulent rendre le yuan davantage flexible, c’est à dire plus fort par rapport au dollar, sans succès pour le moment.

Depuis dix ans, les gouvernements des pays d’Asie gèrent leurs monnaies de manière à s’assurer des taux de change compétitifs ( plutôt sous évalué, pour suivre l’exemple chinois) et des excédents commerciaux, source de confortables réserves de change.

Dans le cas particulier de la Chine, cette gestion dirigiste aboutit à un paradoxe : la Chine est aujourd’hui un géant économique, mais reste un nain monétaire. Elle est assise sur un trésor de guerre de près de 2000 milliards de dollars, dont plus de 70% seraient placés dans les bons du trésor américain.

Or depuis quelques temps le dollar inspire moins confiance avec la montagne de dette accumulées par les États-Unis, et la fragilité de son système bancaire qui est au centre de la crise actuelle. Que se passerait t-il si le dollar cessait d’être la monnaie de référence pour les échanges internationaux  ? C’est à dire si on retirait aux États-Unis le droit exorbitant de battre monnaie pour l’économie mondiale.

On peut penser qu’à terme le déclin relatif du dollar pourrait favoriser une plus grande utilisation des monnaies asiatiques par le biais d’une accélération des échanges commerciaux et financiers dans le cadre de l’intégration régionale constitué par les pays d’Asie regroupés au sein de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du sud Est).

Une telle évolution ne pourrait que favoriser une place plus importante des devises asiatiques dans le monde, et devrait logiquement profiter au baht thaïlandais et au yuan, parmi les monnaies les plus solides de la région.

Olivier Languepin

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