Pour un pays qui n’a jamais été colonisé, la Thaïlande entretient avec les étrangers des rapports assez …. étranges. Récemment une série d’articles sur le régime de propriété des terres par les étrangers a donné lieu à des polémiques et à des prises de positions contradictoires.

La loi en Thailande en ce qui concerne la terre se résume assez à une règle que l’on peut énoncer simplement : les étrangers n’ont pas le droit de posséder de terres en Thaïlande.

Récemment l’attention des médias s’est concentrée sur une série de nouvelles en rapport avec la propriété de terres agricoles (essentiellement destinées à la riziculture) par de riches investisseurs étrangers en provenance des pays du Golfe. Cette série a suscité une bonne dose d’ardeur nationaliste, bien que des preuves concrètes manquent encore à la démonstration.
Selon ces articles, les étrangers – principalement ceux des pays pétroliers arabes – achètent des rizières dans les campagnes et recrutent des locaux pour cultiver la terre afin d’assurer un approvisionnement en riz suffisant pour leur pays. Les étrangers qui font ce genre d’opération passent par des sociétés qui sont, en théorie, constituées avec un actionnariat majoritairement Thai. En pratique il existe des montages juridiques pour assurer à l’actionnaire minoritaire étranger un contrôle de fait sur son investissement.

Le problème avec ce type de montage, c’est que son utilisation est très répandue dans tous les domaines de l’économie, et que de part son opacité elle alimente tous les fantasmes sur l’invasion des étrangers. A vrai dire la rigidité et le protectionnisme des lois thaïlandaises ne laissent guère d’autre choix que d’en passer par ces procédures complexes.

90% des plages de Phuket serait déjà aux mains des étrangers

Dans le domaine de l’immobilier, ce type de montage est très fréquent. Si la loi thaïlandaise interdit aux étrangers de posséder des terres , les moyens de la contourner sont nombreux, en tête desquels le recours à des prête-noms (nominees) . Afin de mesurer l’ampleur du phénomène, le Fonds de recherche de Thaïlande a conduit une étude dont le Bangkok Post a publié les principales conclusions. Selon cette étude, à Phuket, 90 % des terrains bordant les plages seraient la propriété d’étrangers. La méthode qui a permis d’obtenir ce chiffre, n’est cependant pas précisée, pas plus que la forme juridique de ce droit de propriété.

La règle qui interdit aux étrangers de posséder de la terre, ou d’être actionnaire majoritaire dans une société, ne laisse en fait que deux catégories de choix pour les étrangers qui souhaitent une installation à long terme : la signature d’un lease (location à long terme) dont la durée est limitée à 30 ans, et l’achat d’un appartement en copropriété dans un immeuble (condominium). En pratique, les étrangers se dirigent plutôt vers l’acquisition de condominium, pour lesquels l’acquisition reste légale et de manière assez simple, mais dans la limite de 49% des parts de l’immeuble.

Cependant l’achat d’une maison sur un terrain est aussi une solution, mais elle doit se faire de façon à ne pas enfreindre la loi qui interdit aux étrangers de posséder des terres.

Il y a quelques mois, un fonctionnaire du Land Department avait provoqué une mini panique parmi les expatriés en Thaïlande, en déclarant que les acquisitions de terres par l’épouse Thaïe d’un étranger pourraient être remises en question.

L’interview de ce fonctionnaire précisait, sans vraiment donner de détails, qu’il s’agissait de vérifier si l’argent venait bien de la femme ayant la nationalité thaïlandaise, et qu’elle n’agissait pas en tant que “nominee”. Cette assertion avait provoqué une avalanche de commentaires sur les forums de plusieurs sites internet anglophones consacrés à la Thaïlande (dont celui du Bangkok Post) : d’où sans doute la petite mise au point publiée dans le Bangkok Post, par le directeur du Land Department lui même.

Première précision : le Land Department n’a pas pour politique de contrôler de manière systématique les acquisitions dont l’utilisation illégale de “nominee” thaïlandais pour le compte d’acheteurs étrangers est suspectée, précise le directeur général Anuwat Maytheewibulwut.

Nous devons respecter les droits de la personne et assumer que les gens ne font pas de fausses déclarations aux fonctionnaires. Les cas de révocation de propriété d’un terrain se produisent lorsque une plainte ou un conflit, est portée à l’attention du ministère. Nous n’avons pas de temps de vérifier chaque transaction, mais nous allons enquêter en cas de plainte

La loi est simple : les étrangers n'ont pas le droit de posséder de terres en Thaïlande

Chaque année, le Land Department traite 5,5 millions de transactions liées à des terres et reçoit environ 1000 plaintes. Le code de la propriété thaïlandais prévoit qu’un étranger ne peut détenir de terres en Thaïlande, sauf à de rares exceptions. Un étranger peut cependant être héritier d’une terre transmise par un Thaïlandais (mais il a ensuite obligation de la revendre…), ou devenir lui même propriétaire (1 raï maximum) à condition d’investir au minimum 40 millions de bahts (environ 820000 euros) pendant cinq ans en obligations du trésor thaïlandais, ou dans certains fonds de placements ou valeurs approuvées par le Board of Investment.

Peu de pays ont des conditions aussi restrictives que la Thaïlande concernant les étrangers et la propriété foncière : au Vietnam la durée des lease peut être de 50 ans, et jusqu’à 99 ans au Cambodge.

Ces conditions assez dissuasives visent plus à maintenir les apparences qu’autre chose : en théorie la Thailande est un pays qui appartient à 100% aux Thaïlandais, et elle n’a donc pas besoin du capital et des investissements étrangers. Mais qui peut encore raisonnablement croire à cette fable, surtout dans un pays dont l’économie dépend à 65% des exportations.

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