Les autorités thaïlandaises ont confirmé que, malgré les protestations des groupes des droits de l’homme, ils pourraient renvoyer jusqu’à 1,4 millions de travailleurs migrants. Selon la nouvelle loi promulguée le mois dernier, ils doivent achever les nouvelles procédures de contrôle de leur nationalité d’ici à la fin du mois de février.

Le journal en langue thaïe Thai Rath, a cité Jirisak Sukhonchaat, directeur général du Département de l’emploi du gouvernement thaïlandais, disant que les travailleurs migrants qui ont omis de remplir les formalités de contrôle désormais obligatoires pourront être expulsés. Depuis le mois de janvier, le gouvernement thaïlandais a adopté une résolution prévoyant une prolongation de deux ans des permis de travail d’environ 1,4 million de migrants, mais à condition qu’ils accomplissent des formalités de contrôle, qui impliquent un traitement de leur dossier par leur pays d’origine.

Les migrants –parmi lesquels 80% de Birmans- occupent surtout les emplois généralement délaissés par les Thaïlandais.

Les migrants qui cherchent à travailler légalement en Thaïlande devront d’abord présenter des données personnelles aux autorités de leur pays, en vue d’une procédure de vérification de nationalité, et ensuite revenir vers l’immigration thaïlandaise pour obtenir leur régularisation. Beaucoup, surtout les Birmans, craignent pour leur sécurité, et les possibles répercussions sur les membres de leur famille en Birmanie.

Les groupes de défense des droits de l’homme, pensent qu’en raison d’un manque d’information et de sensibilisation sur le processus de vérification, de nombreux travailleurs migrants ont choisi d’éviter le processus, quite à rester en Thaïlande sans permis.

L’expert des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants, Jorge A. Bustamante, a déclaré que si la résolution du gouvernement thaïlandais sur les travailleurs migrants est considérée comme positive, il était préoccupé par le fait que les «migrants irréguliers» ne sont pas couverts par cette mesure. Environ 50 groupes de défense des droits en Thaïlande ont  appelé le gouvernement thaïlandais le mois dernier à accorder un délai supplémentaire pour permettre aux migrants d’accomplir les formalités requises.

Bustamente, a notamment déclaré:

Parmi les groupes qui pourraient être expulsés, il y en a qui pourraient être sous protection internationale et ne devraient pas être renvoyés vers le pays d’origine.

Mais Jirisak Sukhonchaat a aussi  fait savoir que :

Nous devons avoir un contrôle de ces travailleurs. Ils doivent travailler conformément à la loi. Une décision sera prise plus tard dans le cas de migrants qui ont des difficultés pour prouver leur nationalité, tels que les Rohingyas.

Bon nombre de migrants sont issus de groupes ethniques minoritaires, comme les Mon, Karen et Shan, ont fui l’oppression de l’armée birmane et les atteintes aux droits de l’homme. Environ 80 % des migrants menacés de rapatriement sont d’origine birmane : certains ont quitté la Birmanie pour échapper à la dictature militaire et à la répression, d’autres à la recherche d’un avenir meilleur. En Birmanie le PIB par habitant est de 1200 dollars par an, contre 8700 en Thailande : un niveau de vie plus de sept fois plus élevé, un fossé comparable à celui qui sépare le Maroc de la France. Vu de Birmanie, la Thailande est un pays riche…

Deux à trois millions de migrants birmans vivraient en Thaïlande, mais seulement 1.310.686 sont inscrits en tant que travailleurs migrants. La plupart travaillent donc clandestinement dans l’agriculture, l’industrie du poisson, le bâtiment, les usines de textiles et les emplois domestiques.

Ils occupent surtout les emplois généralement délaissés par les Thaïlandais et qualifiés de «3D» : « dangerous » (dangereux), « dirty » (sale) et « difficult » (difficile). Les « petites mains » birmanes sont aujourd’hui devenues indispensables à l’économie du royaume : d’après un rapport de l’Institut de recherche thaïlandais pour le développement, les migrants –parmi lesquels 80% de Birmans- ont permis d’augmenter le PIB thaïlandais d’1,25% en 2007.

Obtenir un permis de travail  représente souvent un investissement bien trop important pour ces clandestins, déjà rançonnés par les passeurs : près d’un mois de salaire. En conséquence, une minorité de ces travailleurs sont enregistrés et bénéficient d’une couverture sociale. Souvent dénigrés par la population thaïlandaise et ne maîtrisant pas la langue thaïe, ils restent vulnérables aux rackets de la police et à l’exploitation de leurs employeurs. A Mae Sot, un Birman salarié du textile touche environ 70 bahts par jour (moins de 2 euros), soit moins de la moitié du salaire minimum thaïlandais.

Olivier Languepin avec Marie Normand

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