Il y a un an, la Thaïlande était embourbée dans un conflit interminable et destructeur : une impasse politique violente et inextricable qui menaçait la stabilité du pays.

Le coup d’Etat du 22 mai a bouleversé  le paysage politique, apportant un soulagement à de nombreuses personnes lassées des manifestations et des attentats, mais provoquant aussi une immense frustration chez les partisans de la famille Shinawatra.

Un an après le coup d’Etat, les partisans comme les détracteurs du putsch seront sans doute d’accord pour reconnaître que la Thaïlande est devenu un pays beaucoup plus pacifique et facile à vivre.

Les manifestations de rue sans fin qui ont paralysé Bangkok en 2014 et réduit la croissance à 0,7%, une quasi stagnation économique, ont été éliminées du paysage politique.

Les touristes sont de retour, et même si la croissance peine à repartir, les investisseurs étrangers n’ont pas déserté le royaume : la récession a été évitée, et les tensions financières dues aux pertes colossales du précédent gouvernement ont été contenues.

La “Pax Prayut”

De fait ce sont les militaires qui dirigent la Thaïlande depuis un an, sous la direction du général Premier ministre Prayut Chan-o-cha.

La loi martiale a été levée, mais aussitôt remplacée par l’application de l’article 44 de la constitution provisoire, qui donne de très larges pouvoirs à l’armée.

Jusqu’à présent les différentes forces politiques en présence ont plus ou moins respecté la “Pax Prayut”, mais le prix à payer pour cette paix commence à devenir exorbitant, sous forme de censure, de restrictions sur les droits et libertés, et de sanctions de la communauté internationale.

Les rassemblements politiques de plus de cinq personnes ou plus sont toujours interdits, et même si les petites manifestations de dissidence contre le coup ont été facilement réprimées, le mécontentement gronde dans un partie de la population, et menace de déborder.

La condamnation des pays occidentaux

Sans surprise, le coup d’Etat a suscité une vive réaction d’une partie de la communauté internationale, la partie occidentale surtout.

Depuis le coup d’Etat du 22 mai la plupart des pays occidentaux ont mis la pression sur la Thaïlande, appelant à un retour rapide à la démocratie. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont suspendu leur coopération économique, et militaire avec le Royaume.

Les États-Unis ont gelé leur aide et militaire et suspendu leur coopération financière à de nombreux programmes.

L’Union européenne a publiquement condamné le Coup, suspendant toutes les visites officielles et rencontres de coopération : les négociations qui étaient en cours sur un accord de libre-échange ont également été interrompues.

Le Japon et l’Australie ont eux aussi condamné le coup d’Etat dans un premier temps, mais ils ont rapidement renoué des relations diplomatiques et économiques avec la Thaïlande.

Contrairement à l’UE ou les Etats-Unis,  l’approche des pays d’Asie a été beaucoup plus pragmatique : ils ont en général approuvé la reprise en main des militaires, et la feuille de route vers une la réforme politique, la démocratie et de la réconciliation.

La Thaïlande a répondu à la critique occidentale en se rapprochant de la Chine et de la Russie : la visite du premier ministre russe Dmitri Medvedev en Thaïlande,  et la visite du premier ministre thaïlandais en Chine et au Japon sont des exemples du rééquilibrage  vers l’Est de la politique extérieure du royaume.

L’économie au ralenti

Depuis son arrivée au pouvoir en mai, l’armée a fait de la croissance économique l’une de ses principales priorités, avec la lutte contre la corruption.

A très court terme, la stabilisation de la situation politique et les mesures annoncées ont contribué à relancer  l’activité économique dans la deuxième moitié de 2014, mais la reprise de la croissance se fait attendre depuis le début de 2015.

Seules des réformes structurelles et une véritable résolution de la crise politique permettront au pays de retrouver sa place en tant que chef de file régional, à la fois économiquement et politiquement.

Une récente analyse de Bloomberg a montré que, depuis 2010, le taux de croissance du PIB de la Thaïlande été environ 50% inférieur à ceux de la Malaisie, de l’Indonésie, et des Philippines.

Près de dix ans d’instabilité politique ont érodé les forces de l’économie thaïlandaise et la santé financière de ses entreprises, notamment les PME.

L’échec de la réconciliation

Si la partie retour à l’ordre du gouvernement militaire est un succès incontestable, il n’en est pas de même pour le volet réconciliation du programme.

Il semble que le gouvernement n’ait pas réussi  à obtenir un rapprochement entre les divers groupes de pression qui sont en conflit.

Non seulement ils refusent toujours de négocier, mais ils continuent souvent de déverser des discours haineux sur les réseaux sociaux.

Sans cet effort de réconciliation, les efforts de l’armée pour instaurer un nouveau régime démocratique risquent d’être de nouveau réduits à néant.

La procès pénal intenté contre l’ex Premier ministre Yingluck Shinawatra, alors qu’elle est déjà interdite de vie politique pour cinq années, démontre que la réconciliation nationale n’est plus une priorité du gouvernement.

Un procès à hauts risques

Quelques soient les fautes et les erreurs commises par le précédent gouvernement, et elles sont nombreuses, une condamnation trop sévère sera immanquablement perçu par les partisans du clan Shinawatra comme un forme de revanche.

Pour être crédible, il faudrait que la justice puisse prouver à l’encontre de la famille Shinawatra des faits de corruption avérée, c’est à dire que Yingluck Shinawatra et ses proches se sont personnellement enrichis pendant la gestion désastreuse des subventions au riz.

Pour le moment ce n’est pas le cas : les accusations contre Yingluck sont centrées sur les pertes colossales infligées à l’Etat à cause du programme d’achat gouvernemental de riz.

Bref on lui reproche pour l’essentiel sa mauvaise gestion du programme de subvention du riz, au point de d’avoir compromis la stabilité financière du pays, mais pas d’avoir détourné l’argent public à son profit.

De ce point de vue on ne peut pas reprocher à Yingluck d’avoir copié ce qui sert actuellement de modèle pour bon nombre de démocraties occidentales : une politique démagogique de court terme visant à récompenser son électorat, et désastreuse pour les finances de son pays.