Les éditorialistes connaissent le poids des mots. Ceux qui, dans la foulée du coup d’Etat militaire du 19 septembre, ont vu dans ce putsch une nouvelle «révolution thaïlandaise» ont été vite en besogne.

Ce qui s’est passé dans les rues de Bangkok a au contraire tous les attributs d’une «contre-révolution». Ce n’est pas pour promouvoir un certain type de gouvernement, mais pour y mettre fin que les généraux ont donné à leurs troupes l’ordre de sortir des casernes. Tous les mots employés depuis lors par les putschistes pour se justifier vont dans le même sens: il leur fallait empêcher les «dérives» dans lesquelles l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra avait embarqué le royaume. Le commandant en chef de l’Armée de terre, Sonthi Boonyaratklin, a même évoqué un «contre-Coup»: l’armée, en prenant le pouvoir, aurait évité une épreuve de force avec les forces anti-constitutionnelles regroupées autour du parti Thai Rak Thai (TRT).

La façon la plus pertinente de juger ce premier coup d’Etat militaire depuis quinze ans, est donc de s’attarder sur la réalité des «dérives» auxquelles les hommes en uniforme affirment avoir voulu mettre fin. Le règne politique du chef de gouvernement déchu a-t-il vraiment été celui de tous les excès? L’administration du pays, sous sa férule, était-elle si vérolée que seule une intervention militaire pouvait la remettre d’aplomb? Dans les deux cas, les faits ne sont pas aussi limpides que les généraux du Conseil national de sécurité (CNS) le prétendent.

Le reproche le plus grave fait à l’ex-Premier ministre est d’avoir piétiné, grâce à des nominations d’affidés, les institutions indépendantes chargées par la Constitution de 1997 d’assurer le respect de l’Etat de droit. Il en a résulté, affirment ses détracteurs, un flot de corruption au profit de sa famille, et quantité d’abus de pouvoir dommageables. Tout cela est vrai. En politique, Thaksin Shinawatra a utilisé les mêmes ficelles que dans sa fulgurante carrière de magnat des télécommunications – facilitée, ose-t-on le rappeler, par ses juteux contacts… au sein de la police et de l’armée. Plutôt que de chercher à les convaincre, et pour éviter d’avoir à les affronter, le milliardaire a mis dans sa poche ou écarté tous ceux qui risquaient de se trouver sur son passage. Cela se nomme le clientélisme, lit naturel du populisme qui consiste à flatter l’électeur dans le sens du poil au mépris du droit et du respect des libertés pour ses adversaires, les minorités, la presse ou les populations plus fragiles. Une méthode an-tinomique, à terme, avec un exercice démocratique du pouvoir.

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