Le 29 avril 2019, disparaissait à Bangkok le journaliste indépendant et correspondant de nombreux médias francophones Arnaud Dubus.

Ancien correspondant de Libération, de RFI et du quotidien Suisse  “Le Temps », Arnaud Dubus a aussi publié de nombreux ouvrages sur la Thaïlande dont un Guide de la Thaïlande aux Editions La Découverte, et de nombreuses contributions aux éditions de l’Irasec.

C’est même lui, avec Jean-Claude Pomonti, qui est à l’origine de la publication annuelle de l’Irasec “Asie du Sud-Est – Bilan, enjeux et perspectives” dont la dernière édition vient de sortir.

Aujourd’hui, ce n’est pas faire injure aux autres journalistes qui travaillent à Bangkok, de constater que son décès a laissé un grand vide dans la profession.

Une profession en voie de disparition

Avec Arnaud Dubus c’est tout un pan de la mémoire et de l’histoire de la Thaïlande qui a disparu, en même temps qu’un grand journaliste que tout le monde admirait.

Sur la photo qui illustre cet article, on le vois serrer la main de “Khun Sa”, le plus célèbre trafiquant d’opium du Triangle d’or, celui que beaucoup considéraient comme «le Pablo Escobar du Sud-Est asiatique». Dans les années 80, “Khun Sa” commandait la Mong Tai Army (MTA), une armée privée forte de 20 000 combattants, et bras armé des indépendantistes shan.

Arnaud Dubus était le seul d’entre nous à maîtriser le Thaï parfaitement, à pouvoir le parler et le lire quotidiennement : ses qualités et sa profonde connaissance de son pays d’adoption ainsi que du bouddhisme en faisait une référence indispensable.

Arnaud n’est pas “disparu” à Bangkok : il s’est suicidé en se jetant du haut d’une passerelle du métro aérien de Bangkok, le BTS.

Il serait futile et présomptueux de vouloir expliquer ici les raisons de son geste, mais il méritait sans doute mieux que les incessantes difficultés financières qu’il rencontrait depuis quelques années auprès de ses employeurs.

Tout se passait comme si Arnaud Dubus devait s’avérer heureux de pouvoir encore récolter sa maigre pitance de pigiste, – de 600 à 1500 euros dans les bons mois – lui, ce spécialiste d’un monde exotique et périphérique pour lequel il ne valait pas la peine qu’on lui paie ses frais de reportage.

Laure Siegel pour Mediapart

Rappelons au passage qu’une pige dans un grand quotidien français est rémunérée en moyenne 60 euros le feuillet (1500 caractères), un tarif plancher qui n’a pas augmenté depuis une quinzaine d’années.

Même s’il savait toujours dissimuler son amertume derrière un sens de l’humour et une auto dérision inaltérable, l’inexorable dégradation de ses conditions de travail avait fini par saper la confiance d’Arnaud dans cette profession qu’il a toujours exercée avec rigueur et passion.

Car en plus de son travail de correspondant, Arnaud était toujours partant pour s’associer à de nouveaux projets, avec souvent des perspectives de rémunération hypothétiques, voire inexistantes.

Lors de nos rituels cafés de voisinage, je m’étonnais toujours de le voir mis à contribution par des sites web flambants neufs affichant parfois des ressources conséquentes, ou par des membres éminents d’instituts entretenus par de confortables subventions, sans le moindre espoir d’être payé.

Secrètement meurtri par l’indifférence que certains lui témoignaient dans les rédactions, épuisé par des décennies à courir après les piges et écœuré par le manque de reconnaissance financière, Arnaud Dubus avait fini par abandonner la profession, comme nombre de ses confrères, et accepter une proposition de l’ambassade de France : devenir attaché de presse adjoint, pour un salaire de 1500 euros, en contrat local.

Laure Siegel pour Mediapart

Malheureusement Arnaud n’a pas supporté d’être obligé d’abandonner la profession à la quelle il avait dédié tout sa vie, et il a mis fin à ses jours en nous laissant seuls face à notre tristesse et à nos interrogations.

4 comments
  1. Arnaud était une source extraordinaire et généreuse de connaissances sur la Thaïlande et l’Asie du Sud-Est, mais surtout il avait une formidable curiosité et une intuition qui lui permettait d’aller plus loin dans la compréhension des événements. Son oeil acéré, son analyse fine, son audace (je me souviens de la fameuse enquête sur la traductrice mongole en Malaisie dont les autorités françaises craignaient les conclusions). C’était enfin une personne excessivement sensible, une sensibilité exacerbée que nous ne prenions pas toujours le soin de rassurer quand on venait en passant, en courant…
    Arnaud était une belle personne, écorchée et souriante

  2. Hommage très émouvant, et plein de vérités glaçantes…

  3. « Arnaud Dubus était le seul d’entre nous à maîtriser le Thaï parfaitement… » Vous avez raison de souligner cette qualité car elle est en effet très rare chez les farangs. Combien de fois ai-je vu des personnes qui pensaient maîtriser cette langue, alors qu’en fait leur Thaï se résumait à un charabia incompréhensible. La palme revenant à ce français de Pattaya, qui se permettait de donner des cours de langue Thaï bien que lui-même le parlait mal.

  4. Il faut etre fort mentalement . Paix a sont âme

    Ma copine gagne 14000 Baht = 400€ avec une fille de 10 ans en charge elle travail dans le centre commercial emporium entant que vendeuse

    De 9:30 a 18h avec 30 min pour manger
    Mais elle fait 9:30 jusqu’à 22:00 pour pouvoir gagné 21000 Baht =600€
    1500€ avec un contrat local avec une vie normale on vie très bien en Thaïlande.

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