Il continue à monter, et ce malgré les dernières mesures prises par le gouvernement pour taxer les revenus de placements obligataires des étrangers. Le baht est maintenant installé en deçà des 30 baht pour un dollar, soit un cours proche de ses plus hauts niveaux depuis 1997

Mais la situation est en ce moment très différente de celle de 1997: elle est même exactement l’inverse. En 1997 les marchés financiers avaient parié sur la baisse de la devise thaïlandaise, mais le cours du bath était alors un taux fixe décidé par les gouvernement.

En 1997, les difficultés de l’économie thaïlandaise étaient considérables: avec un déficit des paiements courants important, le pays était vulnérable aux attaques spéculatives. Tout au long du printemps 1997, les marchés avaient engagé un bras de fer avec la banque centrale thailandaise sur la valeur du baht. Une fois les réserves de change épuisées, les autorités laissèrent le baht flotter librement sur le marché, c’est à dire couler vers le fond, mettant en péril les banques et les institutions financières qui avaient emprunté en devises convertibles croyant que le baht resterait indexé sur le dollar américain.

dollar decline
A terme c’est bien la question de la place du yuan et du dollar dans le système monétaire mondial qui est posé, face aux incertitudes qui minent la position dominante du dollar.

Suite au traumatisme qui a suivi la crise de 1997, la Thaïlande s’est rallié au système de taux de change flottant qui laisse le cours de la monnaie évoluer librement en fonction de l’offre et de la demande.

En fait la comparaison intéressante serait plutôt avec 2006: le gouvernement post coup d’État avait alors annoncé une mesure similaire de taxation des placements financiers étrangers, qui avait cette fois provoqué une baisse brutale et  immédiate du baht et surtout de la bourse (SET). Ce qui nous rappelle que le cours d’une monnaie est avant tout une question de confiance: le gouvernement de 2006 donnait l’impression de ne pas maîtriser le sujet et d’improviser au jour le jour.

Au delà de la Thaïlande, la confiance dans une monnaie relève aussi de facteurs géopolitiques et mondiaux: c’est pour cette raison que vous trouverez peu d’obligations ou de fonds libellés en Peso cubains ou en Won de Corée du Nord. Une monnaie est avant tout une sorte de créance sur l’économie du pays dont elle dépend: acheter des bath thaïlandais, c’est surtout croire que la Thaïlande est une économie solide et capable de produire de la croissance pour défendre ses équilibres financiers.

Allez savoir pourquoi, les investisseurs pensent que ce genre de scénario (croissance + emploi + équilibre financier) a plus de chance de se réaliser en Asie qu’en Europe ou aux États Unis. Et visiblement, ce n’est pas une petite taxe de 15% sur leurs gains qui est en mesure de leur faire changer d’avis.

La hausse du baht n’est pas un problème en soi, elle permet même de faire des économies sur les importations, mais elle pourrait le devenir pour un certain nombre de secteurs qui reposent sur les exportations, qui deviennent du coup moins compétitives. Le problème de fond reste donc toujours le même: comment passer d’une économie qui repose sur les exportations, a une croissance plus équilibrée, notamment par la demande intérieure.

Un scénario chinois ?

C’est aussi le problème d’un autre pays. En maintenant son taux de change à un niveau faible, la Chine (le plus gros exportateur de la planète) subventionne ses exportations, entraînant une distorsion significative du commerce mondial. L’excédent chinois est loin d’être l’unique explication du déficit américain des comptes courants, mais la politique monétaire chinoise influence fortement celle d’autres pays.

La vérité est que, selon tous les critères, la devise chinoise est sous-évaluée à la fois par rapport au dollar et à l’euro. La Chine enregistre des excédents commerciaux énormes et croissants tant avec l’Europe que les États-Unis ; et, par-dessus le marché, sa balance des paiements est encore plus excédentaire, puisque à son excédent commercial il faut ajouter un afflux massif d’investissements étrangers directs. C’est un peu ce qui se passe en Thaïlande en ce moment, a une plus petite échelle.

A terme c’est bien la question de la place du yuan et du dollar dans le système monétaire mondial qui est posé, face aux incertitudes qui minent la position dominante du dollar.  On peut penser qu’à moyen terme le déclin relatif du dollar pourra profiter à une plus grande utilisation des monnaies asiatiques.  Même si elle s’en défend, la Chine a tout intérêt à ce que le Yuan serve de monnaie de référence dans la région à la place du dollar.

Après être devenu l’usine du monde, la Chine est tranquillement en train de devenir aussi la banque de la planète… Marx avait bien prévu cette évolution du capitalisme mondiale vers un capitalisme monopolistique de l’État, mais personne ne pensait qu’un pays communiste serait le premier a confirmer ses prédictions.

Olivier Languepin