Une aventure unique, plus économique et plus écologique, le train en Thaïlande est un incontournable. À la lumière du soleil et de la lune, l’expérience olfactive, visuelle et auditive réserve bien des surprises à ceux qui la vivent…

Si on disait aux voyageurs qu’ils sont dans la gare de Bangkok, une des villes les plus visitées au monde, ils n’y croiraient même pas. Vitraux jaunes et hangar froid, la gare centrale de la capitale thaïlandaise de Hua Lamphong est restée dans son jus.

Dans l’enceinte du bâtiment, deux petits stands proposent quelques boissons et des plats emballés dans des boîtes en plastique pour se remplir le ventre avant le départ. Cinq minutes suffisent pour se procurer un billet, et deux autres seront nécessaires pour arriver sur le quai numéro 8. 

L’aventure commence

Une fois entrés dans le train, les voyageurs s’installent sur les sièges peu confortables sur lesquels ils seront assis pendant plusieurs heures. Au fond du dernier wagon, les moines parés de robes oranges s’assoient sur les fauteuils qui leurs sont réservés.

Un livre à la main ou le regard au loin, ils sont silencieux et attendent – comme les autres passagers – le départ du train. Devant les fenêtres, les employés de la gare s’activent. Les aiguilles de la grande horloge indiquent 9h25, le sifflet retentit sur le quai, l’aventure commence.

“Oh, un farang”

Sur le bord des rails, les habitants des “bidons villes” regardent les voyageurs avec leurs yeux qui semblent dire : “Oh, un farang*”. Ce n’est qu’un constat, ni négatif, ni positif, mais depuis la pandémie, les touristes se font rares, et ce, même à Bangkok. 

Les odeurs du café et du riz achetés à la gare se mélangent désormais avec l’air extérieur qui pénètre par les fenêtres carrées. Il n’est pas encore 11 heures du matin que la ville crie par ces ouvertures de verre et de métal alors que le silence règne dans le wagon.

Au centre, un moine est assis, il regarde l’horizon comme si ses yeux pouvaient voir au-delà des arbres, des maisons de fortunes et des buildings des plus fortunés de Bangkok. 

La chaleur s’installe dans le wagon

Sortir de la capitale semble durer une éternité. Le train cesse d’avancer, puis repart, laissant passer les voitures et entrer les voyageurs et les moines qui s’installent silencieusement sur les sièges qui leurs sont destinés. Il s’est arrêté à plusieurs gares, parfois pendant une dizaine de minutes, laissant la chaleur s’installer dans le wagon.

Petite nouveauté avec le masque chirurgical qui n’arrange pas les choses ! Les sièges bleus et gris sont raides, mais bien moins que ce que l’on peut s’imaginer. Les paysages tout autour valent bien mieux qu’un fauteuil de 1ère classe de la SNCF…

La faune et la flore à bord

Après plus d’une heure de trajet, les buildings et les habitations ont laissé place aux roseaux et bananiers qui côtoient toutefois des petites usines. Les ventilateurs fixés au plafond apportent un semblant d’air, impossible de ne pas leur être reconnaissant.

À gauche, les buffles s’enfoncent dans les rizières immergées, à droite, une nouvelle ville industrielle offre sa gare. Pollens et insectes s’invitent à bord par les fenêtres grandes ouvertes.

Plus que quelques kilomètres avant d’arriver à l’ancienne capitale thaïlandaise qui laisse déjà entrevoir, au loin, le haut de ses temples riches en histoire. Ayutthaya marque une pause de quelques jours entre les deux trains, le deuxième voyage est bien plus long et fort différent…

Le train du sommeil

Il est 21:00 à Ayutthaya, la nuit est tombée depuis maintenant près de 3 heures. Les moines, les voyageurs et les backpackers** sont assis sur les bancs du quai numéro 1. Devant le portrait du Roi Rama X, tous attendent impatiemment l’arrivée du train en direction de Chiang Mai. 21h07, il n’est toujours pas là, il arrive finalement avec dix bonnes minutes de retard.

Le bruit du train se rapproche, les voyageurs se lèvent, saisissent leurs sacs et sortent leur billet. Voiture 5. Le contrôleur s’assure que tous les passagers trouvent leur wagon. Une fois dans le couloir étroit, il est difficile de se faufiler avec son sac de voyage sans ouvrir les rideaux de ceux qui dorment déjà depuis leur départ de Bangkok. 

La longue allée de lits semble s’étendre à l’infini, de chaque côté, le train dispose de 2 couchettes. L’une en haut, plus étroite et sans fenêtre, l’autre en bas, plus large et avec une vue privilégiée durant les 12 heures de trajet qui offrent des paysages à couper le souffle, même à la lumière de la lune.

Une couverture et un oreiller sont mis à disposition, une odeur de lessive s’échappe des sacs plastiques dans lesquels ils étaient rangés. C’est primaire, mais bien mieux que dans certaines auberges de Thaïlande !

Il est 21h45, après quelques minutes d’installation, c’est enfin le moment de fermer le rideau. Lecture ou film, chacun vaque à ses occupations dans son nouveau cocon. La “capsule” est aussi confortable qu’un hôtel premier prix, toutefois, celui-là est en mouvement, un sommeil lourd est donc préférable…

Nuit agitée et réveil brutal…

Parfois, le train s’arrête, puis redémarre, sans aucune raison, en tout cas à la connaissance des voyageurs. Si ce trajet est le plus long, il est pourtant le moins pénible.

Les mouvements du train bercent les voyageurs, et il ne faudra que quelques dizaines de minutes pour que le silence total s’installe dans le wagon. Désormais, seuls les bruits du train et de la climatisation se font entendre. Les yeux se ferment, se rouvriront quelques fois pendant la nuit par la faute des secousses, puis s’ouvriront pour de bon aux alentours de 8 heures du matin après le réveil un peu brutal du contrôleur. 

“Wake up, wake up, it’s 8 in the morning”***. Un peu agacé, l’homme tente de réveiller les retardataires au sommeil lourd, aidés par les boules quies et le masque de sommeil. C’est le moment de se changer, de passer une lingette sur le visage, puis de sortir du lit afin que le contrôleur puisse les ramasser et installer les banquettes classiques. 

Les odeurs des saucisses et du sticky rice se font sentir, ce parfum n’est pas le plus agréable au réveil, mais cela ne semble pas déranger les voyageurs locaux. Dehors, les montagnes et petits villages se dessinent. Le soleil brûle les vitres et la peau, il tape sur le dos des paysans qui s’activent au loin dans les champs, il annonce une belle journée. 

Un café d’adrénaline

“No, thank you”. La vieille dame au dos courbé et à la peau ridée vend des saucisses et propose ses produits à tous les passagers. Les farangs ne semblent pas séduits par l’idée de ce petit déjeuner et refusent son offre. Certains se déplacent alors jusqu’au wagon où il est possible d’acheter des cafés.

Entre chaque bloc, il faut enjamber le vide en tenant les barres placées de chaque côté des portes. Le train, lancé à pleine vitesse, semble vouloir engloutir ceux qui s’aventurent jusqu’au stand pour obtenir le fameux café.

Le bruit assourdissant, le vent, l’odeur étrange des roues en acier sur les rails, il ne faut pas rater son coup… Certains font demi-tour devant cette épreuve, d’autres demandent à un employé d’aller chercher la fameuse boisson. Ce dernier accepte et ne daigne même pas regarder le vide sous ses pieds.

Il est 8:40, le contrôleur prévient que le train va arriver incessamment sous peu à Chiang Mai, près de 700 km au Nord d’où les passagers se sont endormis la veille au soir. Après 12 heures de voyage, dont 8 heures de sommeil, le bruit des freins se fait entendre, puis le silence. Les voyageurs rêveurs saisissent leurs affaires, il est temps de descendre du train pour de nouvelles expériences.

* Expression utilisée par les Thailandais pour désigner les occidentaux. 

**Ceux qui voyagent avec seulement un sac à dos.

***”On se réveille, on se réveille, il est 8 heures du matin !”

1 comment
  1. Ça rappelle bien des souvenirs. L’expérience est à peu près la même qu’en 93 sur Bangkok- Butterworth. La voiture restaurant de l’époque, en bois, avec le cuisinier qui faisait des stir fry flambants dans son wok aux saveurs pimentées et la plateforme d’observation en queue de train nous transportait dans un roman d’Agatha Christie.

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