Cette fois la rupture est consommée entre Médecins Sans Frontières et la Thaïlande. L’ONG française a officiellement annoncé qu’elle évacuerait un camp de réfugiés dans lequel elle intervenait en aide aux quelque 8 000 réfugiés laotiens Hmongs, depuis juillet 2005 .

Depuis plus d’un an, la tension était perceptible entre les responsables de l’ONG présents dans le camp de Huai Nam Khao et les autorités thaïlandaises. En Février 2008, le ministre thaïlandais des affaires étrangères Noppadon Pattama avait déclaré que les gouvernements de la Thaïlande et du Laos avaient conclu un accord pour organiser le rapatriement de tous les Hmongs, soit environ 8000 personnes, réfugiés dans le camp de Huai Nam Khao d’ici la fin de 2008.

Depuis la situation n’a cessé d’empirer, car cet accord est intervenu en dehors de toute intervention des organisations internationales, qui auraient du logiquement superviser une telle opération.

Au mois de juin2008 le camp de réfugiés était au bord de l’émeute: 5 000 réfugiés avaient entamé une marche pour protester contre l’accord de rapatriement conclu entre les gouvernements thaïlandais et laotien. Ces manifestants ont été encerclés par l’armée thaïlandaise deux jours plus tard près du village de Kek Noi et MSF estime que depuis lors, 1 300 personnes n’ont pas rejoint le camp de Huai Nam Khao. Peut de temps plus tard, 800 réfugiés hmongs renvoyés de force au Laos, faisaient comme par hasard partie de ce groupe de manifestants.

Aujourd’hui rien ne garantit leur sécurité à leur retour au Laos. Malgré cela, le gouvernement thaïlandais, qui considère les Hmongs comme des migrants illégaux et non des réfugiés, a annoncé son souhait de tous les y renvoyer d’ici à septembre 2009.

Estime MSF.

Depuis le début de l’année, le rythme des rapatriements s’est intensifié : environ 200 personnes par mois, jusqu’à 500 au mois de mars. De plus en plus souvent, les réfugiés témoignent d’arrestations arbitraires pour les contraindre à un retour au Laos.

Des réfugiés Hmongs montrent des traces de blessures Photo : MSF

De plus, les pressions des autorités thaïlandaises pour empêcher MSF de leur venir en aide se multipliaient.

Depuis avril, par exemple, les patients devaient subir un contrôle militaire pour accéder à notre dispensaire. Du coup, certains refusaient de venir, par peur d’être arrêtés par l’armée.

Confrontée à cette obstruction croissante aux secours, MSF a décidé de cesser ses activités auprès de Huai Nam Khao.

A l’occasion de son départ, MSF renouvelle sa demande aux autorités thaïlandaises et laotiennes d’arrêter le processus de rapatriement tant qu’une tierce partie indépendante ne sera pas présente pour s’assurer qu’il s’agit bien de retours volontaires, et que les Hmongs sont en sécurité quand ils arrivent au Laos. Il reste 5 000 réfugiés dans le camp de Huai Nam Khao.

« Nous ne pouvons plus travailler dans un camp où l’armée emprisonne arbitrairement des réfugiés hmongs influents afin de faire pression sur les autres réfugiés pour qu’ils acceptent de retourner « volontairement » au Laos et où elle oblige nos patients à passer par des postes de contrôle militaires pour accéder à notre dispensaire »,

explique Gilles Isard, chef de mission en Thaïlande.

MSF réitère encore une fois sa demande aux gouvernements thaïlandais et laotien :

  • de suspendre les procédures de rapatriement forcé des réfugiés hmongs de Huai Nam Khao jusqu’à ce qu’une organisation tiers internationale, comme le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) puisse contrôler la légitimité des demandes des réfugiés ;
  • de permettre à une organisation tiers internationale d’évaluer les zones de retour et le l’assistance offerte, de surveiller tous les rapatriements, de vérifier le caractère volontaire des retours et la sécurité des rapatriés à plus long terme.

Parce que certains d’entre eux ont servi comme auxiliaires de l’armée américaine et ont travaillé pour la CIA, les Hmongs sont pourchassés et persécutés par le gouvernement communiste du Laos. Plusieurs milliers d’entre eux ont réussi à fuir leur pays et à se réfugier en Thaïlande, notamment dans la région de Petchabun, mais les autorités thaïlandaises ne leur ont jamais accordé le statut de réfugiés politiques, et les considèrent toujours comme des immigrants illégaux.

Depuis plusieurs années MSF réclame que le HCR intervienne au camp de Huai Nam Khao et prenne en charge la question des rapatriements, c’est à dire de l’examen individuel des dossiers. Mais la Thaïlande considère par principe que le Hmongs sont des immigrants illégaux pour des raisons économiques. Le HCR n’a donc jamais eu le droit de pénétrer dans le camp, et malgré de nombreuses demandes officielles, cet organisme n’a pas été autorisé à évaluer les conditions matérielles des réfugiés, ni à examiner leur dossier de façon objective.