La légalisation du cannabis a récemment constitué un nouvel enjeu politique en Thaïlande.
Le parti Bhumjaithai, dirigé par Anutin Charnvirakul , a fait de son usage thérapeutique son principal message de campagne lors des élections législatives du 24 mars.
Le petit parti de centre droit s’était retrouvé en position d’arbitre pour former une majorité au Parlement : Anutin Bhumjathai s’était déclaré prêt à rejoindre la coalition qui acceptera sa politique “free kanja”, de légalisation du cannabis.
La société thaïlandaise plutôt conservatrice et assez répressive en ce qui concerne la consommation de stupéfiants, a récemment évolué vers une position plus conciliante.
Un sondage effectué le mois dernier démontre que 86% des Thaïlandais sont favorables à une légalisation du cannabis pour un usage médical.
La légalisation du cannabis thérapeutique en Thaïlande tranche avec les politiques répressives anti-drogues des autres pays de l’ASEAN.
Jusqu’à 15 ans d’emprisonnement
En décembre 2018, la Thaïlande a légalisé l’usage de la marijuana à des fins médicales, de recherche et d’activités industrielle.
Le projet de loi autorise l’utilisation du cannabis ou de la marijuana et du kratom, une plante locale aux propriétés opioïdes originaire d’Asie du Sud-Est.
Six mois après le début de la nouvelle loi, le nombre de patients ayant demandé l’amnistie pour l’usage de marijuana thérapeutique devrait dépasser les 50 000.
L’ancienne loi de 1979 sur les drogues narcotiques définit la marijuana comme un stupéfiant de classe 5, interdisant son utilisation et sa possession. Les personnes voulant tirer profit de la culture ou du commerce du cannabis peuvent encourir de lourdes amendes et une peine allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement.
La marijuana était omniprésente en Thaïlande avant l’interdiction de 1934, mais la criminalisation accrue a donné un statut tabou à cette plante.
Une culture du cannabis très strictement encadrée
La première installation de culture a été ouverte en février dans la province de Panthum Thani, au nord de Bangkok, à l’initiative de l’Organisation Pharmaceutique du Gouvernement (GPO), pour un coût de 100 millions de bahts (2,8 millions d’euros).
Les cultures couvertes s’étendent sur plus de 100 mètres carrés et sont équipées de systèmes aéroponiques, de scanners et gadgets, le tout sous haute sécurité.
Les agences gouvernementales thaïlandaises surveillent et contrôlent la production et la culture du cannabis dans tout le pays. Seules les agences officielles agréées sont autorisées à cultiver du chanvre dans les zones de développement des tribus des provinces de Chiang Mai, Chiang Rai, Nan, Tak, Mae Hong Son et Phetchabun.
La réglementation stricte en matière de culture a finalement entraîné une augmentation des coûts du traitement thérapeutique.
Début mai, le Dr Surachoke Tangwiwat, secrétaire général adjoint de l’administration de la Nourriture et de la Drogue (FDA), a autorisé 175 équipes médicales supplémentaires à prescrire des médicaments à base de marijuana.
Le premier lot de 2500 bouteilles de gouttes d’allergie sublinguales contient cinq millilitres d’huile médicinale de cannabis et sera distribué aux patients dès le mois de juillet.
Le potentiel de la légalisation de la marijuana en Thaïlande est très étendu , du développement d’un commerce d’exportation jusqu’à celui du tourisme médical : le marché du cannabis a été évalué à 21 milliards de bahts.
Politiques anti-drogues de l’ASEAN
Les pays de l’ASEAN sont parmi les plus sévères au monde : en Malaisie et à Singapour, les consommateurs ou détenteurs de cannabis risquent une peine allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. En Indonésie, les passeurs sont exécutés.
Un sondage mené en 2018 par yougov.com a révélé que la majorité des Singapouriens et des Malaisiens considéraient la marijuana comme une plante à valeur médicinale, mais moins de la moitié était en faveur de sa légalisation.
En Malaisie, le gouvernement mène des études sur les propriétés réelles du cannabis. Singapour a autorisé l’utilisation de produits pharmaceutiques cannabinoïdes pour des potentiels traitements thérapeutiques contre les crises épileptiques, mais uniquement dans le cadre de réglementations très strictes.
Néanmoins, le pays reste ferme sur sa position selon laquelle le cannabis devrait rester une drogue illicite.
Au début de cette année, les Philippines ont reconnu les avantages de la marijuana à des fins médicinales pour traiter les maladies chroniques ou débilitantes telles que l’arthrite, l’épilepsie et la sclérose en plaques.
En Thaïlande, la marijuana ne peut pas encore être vendue en vente libre ni administrée sous sa forme brute.
Débat sur les bienfaits réels du cannabis
La marijuana médicinale aurait des bienfaits thérapeutiques pour des maladies telles que la maladie de Parkinson, l’asthme, l’insomnie, l’autisme et le cancer.
La validité de ces revendications est cependant contestée. Le débat porte généralement sur les deux principaux ingrédients de la marijuana : le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD). Les deux substances interagissent avec les récepteurs aux cannabinoïdes présents dans le corps humain et le cerveau, mais leurs effets diffèrent considérablement.
Le THC est le principal constituant psychoactif produisant le facteur de drogue, alors que le CBD est prometteur à des fins médicinales. Son utilisation soulage la gêne ressentie par les patients sans augmenter leur niveau de consommation.
Le THC est également connu pour détendre les vaisseaux sanguins et traiter les douleurs chroniques, les lésions de la colonne vertébrale et la sclérose en plaques. La marijuana thaïlandaise est mondialement connue pour sa haute teneur en THC.
S’il existe des exemples concrets des effets thérapeutiques de cette plante, les preuves concluantes manquent pour soutenir l’efficacité du cannabis.
À ce jour, aucune étude n’a validé les affirmations selon lesquelles la marijuana brute peut être utilisée dans des conditions médicales.
https://theaseanpost.com/article/medical-marijuana-thailand-leads-way