La Birmanie vient d’être accusée de « crime contre l’humanité ». Une accusation grave mise à jour au sein d’un rapport sur la persécution des Rohingyas publié par l’ONG américaine « Fortify Rights ». Mais cette situation humanitaire préoccupante n’impacte pas uniquement l’Etat birman, mais bon nombre de pays de l’Asie du Sud-Est, dont la Thaïlande.

Une minorité persécutée

Minorité musulmane située majoritairement dans l’Etat du Rakhine au Sud-ouest de la Birmanie,  les quelques 800 000 Rohingyas ont la triste réputation d’être l’une des ethnies les plus persécutée du monde d’après les Nations-Unies.

Et pour cause cette population aux origines multiples, mélange turco-arabo-indien, n’est présente dans la région que depuis le milieu du 19ème siècle, époque à laquelle elle a été « importée » par les colons britanniques.

S’ajoute à cela une différence de langue (la minorité parlant un dialecte originaire d’Inde et non le birman) et de religion dans un pays majoritairement bouddhiste.

Ancrage récent, différences culturelles et confessionnelles, trois ingrédients qui sont à la source d’une persécution massive et brutale de la communauté Rohingyas en Birmanie.

Contrôle des naissances, déplacements forcés, sont autant de pressions exercées sur cette communauté, allant même jusqu’à des rafles meurtrières sur des villages faisant des dizaines de victimes.

Le 13 janvier dernier, un village de Rohingyas du Rakhine a été attaqué par des extrémistes bouddhistes entrainant la mort d’au moins 40 personnes.

« Des hommes armés ont fait irruption chez moi et ont commencé à frapper mon fils de 14 ans, Mohamed »

confesse pour le New-York Times une femme du village qui n’a pas revue son fils depuis l’incident.

Face à ce phénomène, nombres de Rohingyas fuient à l’étranger. La  Malaisie ou les Philippines, à forte présence musulmane, sont des destinations de choix, mais la Thaïlande voisine est tout aussi touchée par cet afflux de réfugiés.

La Thaïlande inflexible sur les droits des réfugiés

Le royaume de par son statut de pays frontalier avec la Birmanie subit de plein fouet la persécution des Rohingyas, avec un important flux migratoire.

En 2012, le pays comptait pas moins de 77 240 réfugiés birmans selon l’UNHCR (l’Agence des Nations Unies pour les Refugies), pour la plupart des Rohingyas. Chiffre qui représente quelque 12% des 700 000 réfugiés que compte le royaume.

Face à cet important problème humanitaire la Thaïlande suit une ligne de conduite stricte depuis de nombreuses années. Tous les immigrés Rohingyas, même les demandeurs d’asile, sont considérés comme  illégaux par le gouvernement. A ce titre ils sont placés dans l’un des huit camps d’accueil crée par l’Etat le long de la frontière birmane.

Conformément aux droits internationaux, la Thaïlande « accueille » ainsi ces réfugiés dans les camps. Mais les restrictions de sortie, ou encore l’interdiction d’occuper un emploi font de ces camps de véritables camps de détention de longue durée.

Les conditions de détentions de ces réfugiés sont autant des sources fréquentes d’indignations pour de nombreuses ONG de défense des droits de l’homme. Mais le gouvernement thaïlandais ne semble pas pressé de trouver une solution pour ces réfugiés auxquels elle se refuse à accorder le droit d’asile.

Certains Rohingyas sont ainsi dans ces structures depuis plus de 20 ans en attente d’une hypothétique résolution internationale sur leur statut de citoyen birman. Mais les conditions très restrictives de vie dans les camps ont parfois raisons de leur patience, et certains préfèrent rentrer au pays malgré les risques encourus.

« Ces gens nous disent ne pas voir d’avenir ainsi retenu en Thaïlande, c’est pourquoi ils choisissent de rentrer au Myanmar »

confiait le 13/02/2014, le lieutenant général Pharnu Kerdlarpphon dans les colonnes de la BBC News online.

Une politique de retour volontaire que le gouvernement thaïlandais incite fortement par le biais « d’allocations au retour ». Le royaume ayant investi près de 22 millions d’euros en 2013 dans le cadre de ces aides.

Mais face à une immigration croissante, le gouvernement prend aussi des mesures radicales avec des renvois purs et simples de migrants. Ce fut le cas entre septembre et novembre 2013, période durant laquelle la Thaïlande a renvoyé 1300 réfugiés Rohingyas dans leur pays

Une immigration rentable pour la Thaïlande

Alors que le gouvernement thaïlandais essaye de juguler l’afflux de migrant, certains voient dans les Rohingyas une source de profit importante. Un véritable trafic d’être humain s’est ainsi mis en place.

De nombreux passeurs piègent ainsi ces illégaux sans droits, les forçant à travailler gratuitement afin de rembourser leur passage en Thaïlande. Les plus chanceux sont libres de travailler clandestinement dans des bars, des bordels ou des exploitations agricoles, pour des salaires très faibles.

« Nous avons été vendu 430$ par personnes »

témoigne Myo Zha Do, un migrant Birman libéré d’un trafic d’être humain en mars dernier.

La vente de migrants est une autre facette de cette économie informelle de réfugiés. Le nord côtier de la Thaïlande est le 3ème exportateur mondial de produits de la mer. A ce titre certains armateurs peu scrupuleux sont tentés par l’achat d’une main d’œuvre docile et peu coûteuse à destination des métiers les plus pénibles.

Entre un gouvernement ne désirant pas ces réfugiés, traitant ainsi le problème à la limite du respect des droits de l’homme, et une véritable économie « dépendante » de cette situation humanitaire (trafic, exploitation, pêche…), la question des Rohingyas demeure un sujet épineux dans le royaume.

Récemment l’armée thaïlandaise a entamé des poursuites judiciaires pour diffamation, contre deux journalistes du site Phuketwan, suite à la publication d’une enquête sur une possible implication de la marine thaïlandaise dans le trafic de Rohingyas.

Ainsi malgré des annonces fréquentes du gouvernement sur la fermeture des camps et le renvoi des réfugiés, ou même les plaintes d’ONG, il semble que ce problème soit appelé à perdurer.

3 comments
  1. Les thailandais du sud sont issue de l’annexion du nord malais par la thailande durant l’occupation anglaise.
    Le radicalisme du sud vient de la repression du gouvernement thaksin qui a fait 3000 morts innocents.

    1. L’intégration de l’ancien Sultanat de Patani dans l’ensemble administratif siamois a suivi la conclusion du traité anglo-siamois sur le partage des Sultanats de 1909. Dans les années 1960, la volonté des gouvernements autocratiques de Bangkok de contrôler les écoles coraniques du sud a provoqué une série de rébellions séparatistes (PULO, GMIP…). Cette vague d’insurrection s’est calmée au milieu des années 1980, quand elle a viré au banditisme. Une résurgence de la rébellion séparatiste est intervenue en 2003, appuyée sur une nouvelle génération de militants formée par quelques anciens. L’attaque du camp militaire de Narathiwat du 4 janvier 2004 a été le signal d’alarme. Deux graves dérapages violents ont eu lieu sous la première administration Thaksin : le massacre de la mosquée Kruze (32 morts à la mosquée elle-même), puis, plus important, le massacre de Tak Bai (82 morts) en octobre 2004. C’est surtout Tak Bai qui alimente la propagande des Pemuda, les jeunes militants séparatistes.

  2. Je comprends bien le gouvernement thaï à ce niveau. La Thaïlande rencontre de gros problèmes dans le sud du pays avec une présence de musulmans qui apportent, on s’en doute, un tas d’attentats, de meurtres etc., comme partout où ils sont. L’armée et la police sont présents, tentent de contenir les violences et sont pris à partie quotidiennement, ce qui n’est pas crié trop fort sur les antennes.

    S’ils laissent ces mêmes phénomènes s’installer dans le nord du pays , ils vont être pris dans un étau musulman qui sera d’autant plus difficile à gérer…

    Je pense que pour faire plaisir aux ONG et autres associations heurtées par la non acceptations des thaïs de ces populations, ils n’ont qu’à les déplacer et les regrouper toutes dans le sud, ou les contraindre à adopter une religion plus humaine!!!

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