Les médias sont en proie à de profondes difficultés financières, économiques, depuis de nombreuses années et la Thaïlande ne fait pas exception.

Les deux grands groupes de publications anglophones que sont le Post (Bangkok Post) et Nationmultimedia (The Nation) ont tous les deux été déficitaires cette année.

A tel point que lors d’une récente table ronde organisée par le FCCT, Pichai Chuensuksawadi ex éditeur au Bangkok Post s’est interrogé sur la viabilité économique du maintien de deux titres anglophones généralistes en Thaïlande.

Les causes sont multiples : l’essor de la nouvelle économie et notamment l’avènement de l’information gratuite sur Internet, la baisse des recettes publicitaires couplée avec une diminution des ventes papier ont engendré la nécessité de trouver un nouveau modèle économique pour la presse.

Mais ce modèle est difficile à trouver car seules quelques rares publications spécialisées dans le domaine des affaires comme le Wall Street Journal par exemple ont réussi à imposer à leur lectorat un contenu entièrement payant.

Facebook et Google sont devenus pour beaucoup de lecteurs, surtout parmi les plus jeunes, les principales sources d’une information dont la qualité, voire l’authenticité, n’est pas toujours vérifiable.

La culture média moderne ressemble de plus en plus sur celle du zapping, privilégiant le “buzz” sur le contenu avec des articles simples et courts (en symbiose avec l’ère du Tweet de moins de 140 caractères), et se limitant à des analyses succinctes.

Des études ont montré que la majorité des articles sont partagés sur les réseaux sociaux sans être lus au delà du titre, ou au mieux après lecture des quelques lignes d’un chapô. Un article test doté d’un titre accrocheur, mais avec un contenu absurde, a été largement partagé sur Internet.

La Thaïlande, un environnement hostile pour les médias

A ceci s’ajoute les conditions particulières avec lesquelles doivent composer les médias en Thaïlande, à savoir la stricte censure imposée par la dictature militaire qui dispose d’un arsenal législatif très étendu pour faire taire les voix discordantes.

Nous avons été fermé deux fois par la censure gouvernementale, et la dernière fois pendant un mois nous avons perdu 15 millions de bahts de revenus publicitaires

a déclaré Pinpaka Ngamsom, rédactrice en chef de Voice TV lors d’une table ronde sur les médias organisée par le FCCT.

La crise des médias en Thaïlande est aussi en grande partie une blessure auto-infligée, car nous avons perdu notre crédibilité. D’où vient en ce moment l’information qui est sur le point de faire tomber le gouvernement? Ce n’est pas le Post, le Nation ou Khaosod English qui l’a révélée, c’est une page Facebook (CSI LA) éditée de l’étranger.

estime Todd Ruiz éditeur de KhaosodEnglish.

La presse francophone en Thaïlande n’est pas épargnée

Les médias francophones implantés en Thaïlande sont soumis aux mêmes aléas financiers et à la même législation liberticide que leurs homologues thaïlandais.

Chaque jour ils doivent composer avec les règles non écrites de la censure du gouvernement au pouvoir, et avec la menace des lois très strictes qui encadrent la profession de journaliste en Thaïlande.

C’est le cas en ce moment de l’édition de Bangkok du Petit Journal qui est attaqué en diffamation devant la justice thaïlandaise par un Français résidant en Thaïlande.

Cette affaire a pour origine une interview de l’ancien député Thierry Mariani parue le 25 mai 2017 dans l’édition de Bangkok : Monsieur Boudemagh s’est estimé diffamé par des propos assimilés, selon lui, à des injures publiques.

Dans un communiqué publié récemment la section Thaïlande de l’Union Internationale de la Presse Francophone (UPF)

“tient à faire part de sa vive émotion et de sa profonde indignation suite à la plainte émise par Monsieur Yamine Boudemagh, Président de la section Thaïlande de l’association Français du monde-adfe à l’encontre du bureau de Bangkok du média lepetitjournal.com et de son directeur Pierre Queffélec.”

Section Thaïlande de l’Union Internationale de la Presse Francophone (UPF)

Logiquement cette affaire aurait du être traitée par la justice française (rappelons que la justice française est compétente pour toute publication accessible en France par Internet) ne serait-ce que pour des raisons pratiques.

Un litige franco-français devant la justice thaïlandaise

En effet pour être recevable devant la justice thaïlandaise, la plainte ainsi que les termes et les propos à l’origine du différent ont été traduits en thaï.

Le jugement risque donc de manquer de clarté, car on demande à des juges thaïlandais d’apprécier le caractère diffamatoire de termes rapportés à partir d’une traduction issue d’une langue qu’ils ne maîtrisent pas.

Les peines encourues en Thaïlande pour diffamation sont aussi beaucoup plus lourdes qu’en France : jusqu’à deux ans de prison.

La collaboration de M.Boudemagh avec la justice thaïlandaise risque donc d’avoir des conséquences qui vont bien au delà des sanctions habituelles dans les affaires de diffamation jugées à l’encontre de la presse française.

De fait la loi sur la diffamation en Thaïlande est principalement utilisée pour intimider ou faire pression sur les médias : en 2014 la marine militaire thaïlandaise avait engagé une procédure en diffamation contre deux journalistes du site Phuketwan qui avaient mis en cause le rôle de l’armée thaïlandaise dans un trafic humain impliquant des réfugiés Rohingyas.

Après des années de procédure les journalistes ont finalement été acquittés en 2016, mais la lourdeur des frais judiciaires a provoqué la fermeture de Phuketwan.

Le correspondant de la BBC Jonathan Head a été inculpé le 23 février 2017, accusé de diffamation et de violation de la loi sur les crimes informatiques alors qu’il avait mené une enquête sur des fraudes immobilières de propriétés privées à Phuket.

La diffamation est également régulièrement utilisée contre les journalistes spécialistes de l’environnement. La chaîne Thai Public Broadcasting Service (Thai PBS) et quatre de ses employés ont été accusés de diffamation par une entreprise minière entre 2015 et 2016.

Depuis le coup d’État militaire de mai 2014, la liberté de la presse est sévèrement réprimée en Thaïlande, qui se situe à la 142e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2017 de RSF.

2 comments
  1. Michel Desmer aurait été comme un poisson dans l’eau pendant le régime de Vichy s’il trouve la démarche de Mr Boudemagh et Mr Queffélec légitime.
    Passons sur la faiblesse de caractère d’aller chouiner auprès de la justice à cause de propos déplaisant.
    Passons sur la stupidité de la démarche, qui n’aura comme unique conséquence de rendre cet interview, passé complètement inaperçu, visible par l’intégralité de la communauté expat.
    Ici, la lâcheté de la démarche est ahurissante : utiliser une loi liberticide qui n’a rien à faire dans une pays moderne, non pas pour attaquer l’auteur de la prétendue diffamation, mais le média qui l’a publiée.
    C’est tout simplement pitoyable.

  2. C’est un peu fort de cafe! vous deguisez votre “plaidoirie” dans l’affaire qui vous oppose a M,Boudemagh, sous un titre accrocheur au sujet de la situation de la presse en Thailande.
    Avant toute chose, peut etre, etant donne que vous vivez en Thailande, auriez du vous etre au courant de la loi locale. Et la suivre scrupuleusement. Sans faire de commentaire public.
    Un peu facile de raconter n’importe quoi, d’insulter ou diffamer des personnes et de se croire au dessus des lois alors que comme dit plus haut vous vivez et travaillez ici en Thaialnde!
    Ceci dit sans connaitre du tout les details de l’affaire ou avoir de sympathie pour l’un ou l’autre.
    Dura Lex sed Lex comme disait l’autre.

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