Un homme de 61 ans, a été condamné récemment pour crime de lèse majesté pour avoir envoyé des SMS jugés offensant pour la famille royale.
Cinq années de réclusion ont été requis pour chacun des messages envoyés, soit un total de vingt années de prison. Un nouvel exemple de l’application, et des conséquences parfois excessives, de l’application très stricte de la loi qui protège le roi et la famille royale en Thaïlande.
Maintes fois critiquées par les ONG de défense de la liberté d’expression et même par l’ONU, la loi a résisté à tous les changements gouvernementaux qu’a connu récemment la Thaïlande, et continue d’être appliquée aussi bien pour des cas absurdes (comme celui des SMS), que pour réduire au silence des médias hostiles au gouvernement.
L’auto censure est de règle sur les sujets qui concernent la monarchie
Comble de l’absurdité: on ne sait jamais vraiment ce que contiennent les sites ou messages à l’origine des poursuites. Les messages ne sont jamais publiés nulle part pour ne pas risquer de reproduire le délit de lèse-majesté.
Il existe ainsi en Thaïlande une ligne rouge à ne pas franchir, mais personne ne sait exactement où elle se situe.
En théorie, la monarchie n’ a plus aucun pouvoir en Thaïlande depuis 1932. En pratique les choses sont un peu plus compliquées, mais évoquer le sujet de manière trop explicite est fortement déconseillé. Dans les médias thaïlandais, et présents en Thaïlande, l’auto censure est de règle sur les sujets qui concernent la monarchie.
La loi ne fait plus l’unanimité, même en Thaïlande où le roi bénéficie pourtant d’une grande popularité: dans son dernier éditorial, le Bangkok Post écrit:
«Il est temps de regarder de plus près nos lois sur le lèse majesté. La loi doit être révisée et mise à jour pour être adaptée à notre époque comme les autres lois. La loi actuelle permet à n’importe qui de signaler à la police une accusation de lèse majesté, et elle est souvent utilisée pour nuire à l’accusé plutôt que pour protéger la monarchie.»
Le roi lui même a déclaré il y six ans “Le roi peut se tromper, et en réalité je dois aussi être critiqué”
L’espoir d’une grâce royale
La sentence sur les SMS est l’une des plus lourdes prononcées en vertu de la loi sur le crime de lèse-majesté et le présumé coupable, un homme de 61 ans, est accusé d’avoir adressé en mai 2010 quatre textos offensants à l’égard de la Reine (la famille royale est protégée par la loi au même titre que le roi). Il a nié les faits, expliquant qu’il ne sait même pas envoyer un texto et que son téléphone était alors en réparation. Son seul espoir maintenant pour éviter une sentence qui s’apparente à la prison à vie, est celui d’une grâce royale.
Le 28 juin 2010, Bhumibol Adulyadej, roi de Thaïlande, a gracié Suwicha Thakor. Ce simple internaute avait été condamné à dix ans de prison par la Cour criminelle de Ratchada (nord-est de Bangkok), le 3 avril 2009, pour “crime de lèse-majesté”. Suwicha Thakor avait été arrêté en février 2009 dans la province de Nakhon Phanom (Nord-Est). Il était accusé d’avoir utilisé un logiciel pour modifier des photos de la famille royale avant de les diffuser sur le Web.
Le 17 juin, le nouveau ministre thaïlandais des TIC a annoncé avoir dressé une liste noire de 200 personnes auxquelles il est interdit d’écrire sur Internet.
En mai 2011, un Américain a été arrêté en Thaïlande pour avoir, crée un lien sur son blog (en 2007 !) vers une biographie non autorisée du roi Bhumibol Adulyadej, qui est interdite de diffusion en Thaïlande, et d’avoir traduit certains passage en Thaï.
15 ans de prison pour un “like” sur Facebook ?
Les autorités ont décidé de se montrer plus intraitables que jamais à l’encontre des critiques de la monarchie.
Le ministre de la technologie et des communications, Anudith Nakornthap, a déclaré que si des utilisateurs “partagent” ou “like” des articles sur Facebook qui sont considérés comme insultant pour la famille royale thaïlandaise, ils pourraient encourir des peines allant de trois à 15 ans de prison – comme prévu dans le Computer Crimes Act.
Selon le Rapport de situation sur le ”contrôle et la censure des médias en ligne”, entre 2007 et 2010, sous le régime du gouvernement démocrate, le Ministère de la technologie et des communications (ICT) a bloqué près de 75.000 sites web, en majorité pour des raisons de lèse-majesté, le reste pour contenu pornographique.
En novembre 2011, selon Human Rights Watch, le ministre de la technologie et des communications, Anudith Nakornthap a demandé à Facebook de bloquer les comptes avec du contenu tombant sous le coup de la loi de lèse-majesté. Quelques 26 000 adresses URL ont ainsi été bloqués en août-septembre, tandis que 60.000 l’étaient en octobre et novembre.
La communauté internationale divisée
Alors que les représentants d’une douzaine de pays, dont la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Australie ont dénoncé une atteinte à la liberté d’expression sous couvert de respect du monarque, d’autres voix importantes de la communauté internationale sont demeurées silencieuses.
Bien que des pays tels que la Suisse, la Nouvelle-Zélande, l’Espagne, le Brésil ou la Suède aient joint le consensus tendant à critiquer les entraves à la liberté d’expression, les absences remarquées des États-Unis, de la Chine, ou de la Syrie dans la formulation d’une critique commune ont affaibli la position de la communauté internationale.
La Norvège, qui dispose également d’une telle infraction, a suggéré une modification du texte thaïlandais en invoquant sont propre exemple : en Norvège, un justiciable ne peut être poursuivi qu’avec l’aval personnel du roi.