Même si la fin des cérémonies funéraires est officiellement fixée à la date du 29 octobre, la crémation du roi Rama IX et le transfert final de ses cendres par le roi Rama X hier après-midi marque une étape importante dans l’histoire du royaume.

Dans l’histoire de la monarchie thaïlandaise, les soixante-dix ans de règne du roi Bhumibol resteront sans doute comme une période exceptionnelle, tant pour le pays que pour l’institution. Aujourd’hui seul le roi Rama V, le roi Chulalongkron peut prétendre rivaliser avec la popularité du roi Bhumibol dans le cœur des Thaïlandais.

Plusieurs centaines de milliers de Thaïlandais avaient pris place sur le parcours de l’imposant cortège funèbre du roi Bhumibol Adulyadej, le long des rues de Bangkok qui entourent le Grand Palais jeudi 26 octobre, alors que la plupart des entreprises et des commerces étaient fermés.

La grande majorité des Thaïlandais qui n’a jamais connu qu’un seul roi, le roi Bhumibol ou Rama IX, ont strictement observé les consignes vestimentaires en vigueur pour la période illustrant l’immense popularité du défunt monarque.

Toute la journée les Thaïlandais ont pu apercevoir sur toutes les chaînes de télévision de nombreuses personnalités, chefs d’Etat, ministres et têtes couronnées d’Orient et d’Occident présentes, notamment le roi et la reine du Bhoutan, le prince héritier du Japon, les reines des Pays-Bas, de Belgique, d’Espagne et de Suède.

La France avait envoyé l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault. Les Etats-Unis étaient représentés par le secrétaire à la défense, James Mattis.

Le nouveau roi, Maha Vajiralongkorn, a placé ce vendredi les ossements restants de son père dans six urnes funéraires qui ont ensuite été ramenées au Palais Royal lors d’une ultime procession.

Un site de crémation à la mesure du règne de Rama IX

Le point d’arrivée du cortège est un site de crémation pharaonique, construit spécialement pour l’occasion dans le parc de Sanam Luang dans le centre ville historique de Bangkok.

Le coût des funérailles, estimé à plus de 76 millions d’euros, est aussi l’occasion pour le gouvernement militaire qui a pris le pouvoir en 2014 de réaffirmer la place centrale de la monarchie en Thaïlande.

La monarchie en Thaïlande et les rapports complexes qu’entretiennent les Thaïlandais avec cette institution sont parfois mal compris pas les occidentaux. En particulier l’application très stricte des lois sur le lèse majesté ne permet pas d’évaluer de manière objective la popularité de la royauté thaïlandaise.

Celle-ci risque de ne plus être aussi unanimement vénérée après le couronnement de Rama X, le fils et successeur du roi Bhumibol dont la personnalité et le dévouement pour son peuple pourra difficilement égaler le niveau de popularité atteint par son père.

Le père de la Nation

Pour de très nombreux Thaïlandais, le roi Bhumibol était le Père de la Nation, et son règne se confond souvent avec une vie entière pour une grande majorité de ses sujets.

La vénération du peuple thaïlandais pour leur roi est en grande partie la conséquence de l’autorité morale que le Roi Bhumibol Adulyadej a gagné durant son règne. Elle est aussi le fruit d’un réel engagement sur le terrain du monarque qui a apporté son soutien à de nombreux projets de développement dans les régions rurales de la Thaïlande.

Dans le même temps, la vénération de la monarchie est aussi enracinée dans les attitudes qui peuvent être retracées aux premiers jours de la Thaïlande comme un État-nation, et dans l’attitude de certains des monarques du passé qui continuent à servir de modèles pour la royauté.

Par ailleurs le roi est littéralement considéré comme une sorte de demi dieu, incarnation vivante des vertus bouddhistes. Les concepts de la monarchie thaïlandaise ont leurs origines dans le royaume de Sukhothai, fondé au début du 13ème siècle et généralement considéré comme le premier royaume thaï réellement indépendant.

A cette époque, et particulièrement sous le règne du roi Ramkhamhaeng le Grand (1275-1317), est né l’idéal d’un dirigeant paternaliste attentif aux besoins de son peuple et conscient du fait que son devoir est de les guider.

Cette conviction fait  partie du Dasavidha-rājadhamma, ou les dix préceptes de la royauté, qui – enracinée dans la tradition du bouddhisme Theravada – englobe des vertus telles que la volonté de donner, le sacrifice pour le plus grand bien, la moralité, l’honnêteté, l’ouverture d’esprit, la diligence, la compassion, la persévérance et la droiture.