Ampon Tangnoppakul, 62 ans, serait-il encore vivant s’il n’avait pas été emprisonné pour avoir envoyé un SMS jugé insultant pour la famille royale ? C’est très probable quand on connait le délabrement, la surpopulation et l’insalubrité qui règnent dans les prisons thaïlandaises. Sans parler des ravages psychologiques que peut provoquer une condamnation à 20 ans prison pour un homme de 61 ans: c’est l’équivalent d’une condamnation à perpétuité.

La loi réprimant les crimes de lèse majesté en Thaïlande a abouti à une nouvelle et très lourde injustice: la mort d’un homme dont la culpabilité n’a pas été clairement établie, et dont la seule faute serait d’avoir envoyé quatre SMS dont personne ne connait le contenu.

Ampon Tangnoppakul avec sa femme, mort en prison pour un texto. Photo: www.facebook.com/Prachatai/

En tout état de cause, comment justifier le refus de la justice thaïlandaise d’accorder une liberté sous caution, alors que le détenu âgé avait déjà été opéré pour un cancer et avait besoin de soins intensifs ?

20 ans de prison pour un texto

Le sexagénaire thaïlandais, surnommé par les médias “uncle SMS”, avait été condamné à vingt ans de prison pour avoir envoyé des SMS jugés insultants envers la monarchie, en vertu d’une des lois les plus sévères du monde. Ampon Tangnoppakul, 61 ans, avait été arrêté en août 2010 pour avoir envoyé au mois de mai précédent quatre messages au secrétaire personnel du Premier ministre de l’époque, Abhisit Vejjajiva. Des SMS que la police avait estimés « inappropriés » et « insultants envers la monarchie ».

Il n’y a pas d’estimation précise et officielle du nombre de personnes actuellement en prison pour avoir diffamé les membres de la famille royale thaïlandaise, en raison de l’article 112, mais le professeur Streckfuss estime que le nombre pourrait dépasser les 200. La Commission nationale des droits de l’homme (NHRC), un organisme indépendant établi par le gouvernement, affirme avoir récemment fait une demande officielle à la police et à d’autres organismes, pour obtenir un décompte précis du nombre des détenus accusés de lèse-majesté.

Dès l’annonce de sa mort, des photos de Ampon Tangnoppakul (connu aussi sous le nom de Akong) et des commentaires de solidarité pour sa famille ont afflué sur les réseaux sociaux thaïlandais. Un rassemblement à également eu lieu devant l’hôpital de la prison où il est décédé. La presse thaïlandaise est par contre restée assez discrète sur la question, qui reste traitée avec beaucoup de prudence dans les médias du royaume: la menace d’une condamnation rend l’autocensure très présente dans l’esprit des journalistes qui travaillent en Thaïlande.

“Il a mis en lumière l’énorme injustice que représente cette loi (…) alors qu’il ne voulait rien d’autre qu’être un grand-père qui profite de son grand âge”, a dénoncé Benjamin Zawacki, d’Amnesty International.

“S’il avait été libre, il aurait pu voir un médecin à temps”, estimait de son côté Chiranuch Premchaiporn, responsable du très populaire site d’informations Prachatai, elle même poursuivie pour lèse-majesté pour avoir laissé paraitre des commentaires jugés insultants sur son site, et qui risque 20 ans de prison.

La loi sur la lèse majesté divise la Thaïlande

La loi ne fait plus l’unanimité, même en Thaïlande où le roi bénéficie pourtant d’une grande popularité: dans un éditorial, le Bangkok Post écrit:

«Il est temps de regarder de plus près nos lois sur le lèse majesté. La loi doit être révisée et mise à jour pour être adaptée à notre époque comme les autres lois. La loi actuelle permet à n’importe qui de signaler à la police une accusation de lèse majesté, et elle est souvent utilisée pour nuire à l’accusé plutôt que pour protéger la monarchie.»

Les peines sont trop lourdes, conclut l’éditorialiste »

En mai 2011, un Américain a été arrêté en Thaïlande pour avoir, crée un lien sur son blog (en 2007 !) vers une biographie non autorisée du roi Bhumibol Adulyadej, qui est interdite de diffusion en Thaïlande, et d’avoir traduit certains passage en Thaï.
Le 28 juin 2010, Bhumibol Adulyadej, roi de Thaïlande, a gracié Suwicha Thakor. Ce simple internaute avait été condamné à dix ans de prison par la Cour criminelle de Ratchada (nord-est de Bangkok), le 3 avril 2009, pour “crime de lèse-majesté”. Suwicha Thakor avait été arrêté en février 2009 dans la province de Nakhon Phanom (Nord-Est). Il était accusé d’avoir utilisé un logiciel pour modifier des photos de la famille royale avant de les diffuser sur le Web.
Ampon Tangnoppakul avait pour sa part renoncé à faire appel de sa condamnation, espérant lui aussi bénéficier d’une grâce royale.
1 comment
  1. “Mort pour un texto ?”

    Vraiment, son cancer lui a été inoculé par les juges ?

    Avec mon mauvais esprit partisan habituel, et contrairement à votre bien-pensance habituelle, je dirais moi que la personne qui a utilisé le portable de ce pauvre type, sachant que son propriétaire était de toute façon condamné, a “oublié” de se dénoncer …

    Mais c’est sûr que cette hypothèse, si elle est fort plausible, n’a pas de valeur “militante” !

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