Le bath toujours plus haut, les réserves de change qui explosent et des investisseurs qui affluent à un rythme soutenu : le risque d’une bulle en Thaïlande, et dans d’autres pays asiatiques est t-il de nouveau à l’horizon ?

Aujourd’hui la Banque mondiale met en garde contre le risque de bulle financière : avec la hausse des flux de capitaux en direction de l’Asie, elle appelle les autorités locales à éviter une redite de la crise asiatique de la fin des années 1990. Le bas niveau des taux d’intérêt dans les pays développés siphonne d’importants volumes de capitaux en direction de l’Asie, où les devises tendent en conséquence à s’apprécier, souligne la Banque mondiale. Le retour de l’inflation est dès lors à craindre, suivie d’un phénomène de bulle financière dangereux pour le secteur bancaire.

Les interventions visant à juguler l’appréciation des devises ont eu un succès mitigé et leur caractère non coordonné n’a fait qu’accroître le flux de liquidités, constate l’institution de prêt.

Nous voyons que les pays en développement d’Asie orientale s’efforcent de gérer les forts volumes de liquidités générés en grande partie par l’assouplissement de la politique monétaire des États-Unis

a déclaré mardi Vikram Nehru, économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Asie-Pacifique.

Les marchés émergents ne représentent que 10% de la capitalisation boursière mondiale

Cependant certains économistes font valoir que les fondamentaux qui sous tendent la hausse des bourses des marchés émergents restent encore relativement solides. Les émergents ne représentent que 10% de la capitalisation boursière mondiale, mais 40% du PIB mondial.

L’inflation est maîtrisée dans la plupart des pays émergents, ce qui n’était pas le cas avant la crise de 1997.

Le PER des pays émergents (rapport prix/bénéfices des actions) est de 11 en moyenne (15 pour la bourse thaïlandaise) alors qu’au début de la crise de 1997, il était de 20. Cependant, même si les bases sont nettement plus saines que pendant les années 1990, l’afflux de capitaux en provenance notamment des États-Unis, provoque des inquiétudes.
Selon Supavud Saicheua, directeur général et chef de la recherche de Phatra Securities Thailand,

La nouvelle injection de 600 milliards de dollars de liquidités par la Réserve fédérale américaine dans le système économique favoriserait les entrées de capitaux étrangers en Asie parce que les économies des pays de la région devraient croître de 7,7 % en moyenne cette année.

2 milliards de dollars par jour

Depuis avril 2009, l’Asie a enregistré des entrées de capital étranger au rythme de 2 milliards de dollars par jour. En conséquence, les réserves internationales des banques centrales d’Asie ont grimpé de 962 milliards de dollars, soit 13% du produit intérieur brut.

Korn Chatikavanij, le ministre des finances thaïlandais
«La réalité est que nous devons nous adapter à une monnaie plus forte", a déclaré Korn, 46 ans, qui a travaillé pour JPMorgan Chase, et étudié à Oxford University avant de devenir ministre de l’économie de la Thaïlande

Depuis le début de cette année, les monnaies de l’Asie ont augmenté en moyenne de 6 % par rapport au dollar. Le Brésil, dont la monnaie a augmenté de 48 % depuis décembre 2008, tout comme la Thaïlande ont déjà décidé un impôt plus élevé sur le capital étranger investi dans leurs valeurs mobilières à revenu fixe. La Corée du Sud est également en train de réfléchir à des mesures visant à freiner l’afflux de capitaux.

La situation en Thaïlande est également tendue, car le baht a franchi la barre des 30 baht pour un dollar, un niveau jamais vu au cours des 13 dernières années. Les autorités thaïlandaises sont aux prises avec un afflux de capitaux agissant comme un pari à sens unique sur l’appréciation de baht.

Mais la crise de 1997 a été un tel choc que des mesures ont été prises depuis longtemps pour éviter qu’elle ne se reproduise. Pendant le printemps 1997, Bangkok est un chantier à ciel ouvert : un boom immobilier sans précédent est en cours alimenté notamment par des capitaux en provenance de Hong Kong, qui craint la rétrocession à la Chine.

L’offre est trop abondante engendrant des milliers de mètres carrés inoccupés, et des propriétaires souvent endettés grâce à leur relation influente auprès de banques, elles-mêmes financées grâce aux capitaux étrangers volatils et en quête de rendement élevés et à court terme. Le baht est alors indexé sur le dollar sur la base d’un taux fixe décidé par le gouvernement qui oscille autour de 25 baht pour un dollar. Un cours qui semble assez surévalué compte tenu de l’endettement important de la Thaïlande à l’époque.

Le 2 juillet 1997, la Thaïlande décide de laisser flotter sa monnaie: le baht s’effondre jusqu’à toucher les 55 baht pour un dollar, une chute vertigineuse qui déclenchait une crise sans précédent entraînant d’abord les pays voisins d’Asie du sud est, puis l’ensemble des marchés financiers des pays émergents.

Olivier Languepin