La justice thaïlandaise a rendu coup sur coup deux décisions de justice en faveur des défenseurs de l’environnement, et des communautés locales qui avaient porté plainte contre des industriels pollueurs. Fait remarquable, l’EGAT (Electricity Generating Authority of Thailand) figure parmi les pollueurs condamnés à cause de la plus grosse de ses centrales de production électrique au charbon.

La croissance économique de la Thaïlande au cours des trois dernières décennies a été accompagnée et alimentée par une rapide industrialisation, une urbanisation intense et par une intensification de la production, souvent faite sans trop se soucier des conditions environnementales.  Cette croissance, a dégradé la qualité de l’air et de l’eau, causé la perte des habitats naturels, et a généré une augmentation des niveaux de pollution de l’air et de de l’eau.

Pendant cette période d’expansion industrielle, la priorité a nettement été donnée à la croissance économique, l’environnement étant considéré comme une donnée secondaire. Les capacités de gestion environnementales des pouvoirs publics ont rapidement été dépassées, entraînant une forte augmentation des niveaux de pollution. Par exemple, la concentration de particules fines dans l’air à Bangkok, est en moyenne deux fois supérieure aux normes de l’OMS.  Les volumes d’eaux usées domestiques non traitées, eaux usées industrielles et déchets solides dangereux ont augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières années, et le résultat n’a pas tardé à se faire sentir sur les populations proches des zones industrielles.

Aujourd’hui il semble que la justice thaïlandaise ait pris la mesure de l’ampleur du problème, et accorde davantage d’importance aux plaintes déposées par les associations, contre les industriels pollueurs. La semaine dernière, les tribunaux administratifs de Rayong et de Chiang Mai, ont pris la décision de créer des zones de pollution contrôlée, dans deux endroits particulièrement touchés par les rejets industriels. Ces décisions opposent défenseurs de l’environnement et industriels, qui pensent que ces jugements risquent d’éloigner les investisseurs.

La centrale électrique au charbon de Mae Moh est la plus importante de Thailande

La semaine dernière, à Chiang Mai, l’autorité chargée de la production de l’électricité en Thailande (Electricity Generating Authority of Thailand, EGAT) a été condamnée à verser 246 000 baths, plus des intérêts en compensation à 130 villageois de Mae Moh, dans la province de Lampang, à cause des émissions toxiques de la centrale électrique et de son impact sur l’environnement.

Un golf au lieu d’un forêt

La centrale de production électrique de Mae Moh est la plus grosse centrale de production électrique de Thaïlande, et représente environ 20% de sa production totale d’électricité . Elle comprend 13 générateurs d’une capacité de 2600 méga watts, alimentés par une mine de charbon adjacente à ciel ouvert qui s’étend sur 135 Km2, et produit près de 40000 tonnes par jour. Les problèmes de pollution aux alentours de centrale sont récurrents depuis sa mise en service en 1996.

La cour de Chiang Mai a aussi ordonné à EGAT de prendre en charge la re localisation des villageois affectés à au moins cinq kilomètres de la centrale énergétique. Fait exceptionnel, le tribunal administratif de Chiang Mai a aussi condamné EGAT pour la construction d’un terrain de golf, alors que la reconversion des zones exploitées de la mine de lignite (charbon) aurait du être une forêt…. Le tribunal a estimé qu’une forêt atténuerait les impacts du vent et de l’écoulement des eaux, alors que que le golf avait détruit l’habitat des espèces sauvages et ne peut être utilisé comme rétention d’eau.

Dans une autre décision prise la même semaine, le tribunal Administratif de Rayong, a donné 60 jours au Ministère de l’environnement pour désigner la municipalité de Map Tah Phut zone de pollution contrôlée. La Cour s’est fondée sur un rapport du département chargé de contrôler la pollution affirmant que l’air de la ville comporte une vingtaine de corps volatiles cancérigènes. D’autre part, l’Institut National du Cancer à découvert que le nombre de cancers était de 2 à 3 fois plus élevé dans cette province de Thaïlande. Enfin une étude du département scientifique de l’université de Silpakorn à rendu compte de mutations génétiques de certaines espèces animales.

Le ministère de l’environnement critiqué

Selon la Cour, le ministère de l’environnement n’a pas su protéger l’intérêt public en ne désignant pas la zone industrielle de Map Ta Phut zones de pollution contrôlée déclarées, alors que la Thailande en compte déjà 17 autres. Cette décision devrait faire date, car pour une fois ce n’est pas une entreprise, mais un ministère qui a été condamné pour ne pas avoir fait son devoir de protection.

Le Premier Ministre Thaïlandais, Abhisit Vejjajiva, en tant que Président du conseil National de l’environnement a déclaré que les décisions doivent être appliquées, et à demandé au Ministre de l’environnement et des Ressources naturelles, de ne pas faire appel et de préparer un rapport sur les impacts de ces décisions.

Le Président du Conseil Industriel de Rayong, Suvit Chuenpiyavaja, s’est quant à lui inquiété que ces jugements puissent éloigner les investisseurs industriels.

Les décisions administratives des tribunaux de Rayong et de Chiang Mai ne doivent pas être considérées comme une menace pour les investisseurs industriels et leurs projets. Ils sont toujours les bienvenus à condition qu’ils ne polluent pas l’environnement et ne menacent pas la santé des habitants de la région.

observe un commentateur du Bangkok Post.

Bien que ces décisions soient reconnues comme une victoire pour les habitants dont l’air et l’eau ont été contaminés pendant des années, de nombreux industriels s’inquiètent d’une diminution du nombre d’investissements et de touristes à Rayong. Mais en tant que zone propre Rayong, peut aussi attirer plus de touristes et d’investisseurs, qui pourront aussi se satisfaire de la sécurité qu’apporte ces zones de pollution contrôlée en matière d’environnement.

Aurélie Auger