Sirachai “Shin” Arunrugstichai , un Thaïlandais de 31 ans titulaire d’une maîtrise en écologie de l’Université Prince of Songkhla, est l’un des plus célèbres photographes thaïlandais dans le domaine de la conservation marine.
Sirachai Arunrugstichai, surnommé Shin, est en colère.
Chaque jour Shin est témoin d’atrocités et de mauvaises nouvelles : des bébés requins morts rejetés à la mer tel des déchets par les chalutiers, des animaux coupés en morceaux, des speedboats qui détruisent les coraux, des baleines mortes remplies de plastique…
“Nous prostituons nos ressources pour que d’autres puissent s’en servir. Nous sommes en train de mener le monde à son extinction “, s’énerve Shin
Sirachai Arunrugstichai
La Thaïlande, au carrefour des mers d’Inde, du Pacifique et d’Andaman, devrait regorger de récifs coralliens et d’un incroyable écosystème marin.
Mais en exerçant son activité de photoreporter depuis quatre ans, Shin a été le témoin impuissant d’écosystèmes ravagés par la surpêche et le tourisme de masse
Photos : Sirachai “Shin” Arunrugstichai
Les filets de pêches remontent chaque jours des milliers de poissons, souvent trop petits et qui ne répondent pas aux normes internationales.
“Les filets et les chalutiers capturent les poissons trop jeunes. Ils sont ensuite vendus comme déchets pour 7 bahts le kilo afin d’être utilisés comme nourriture pour les animaux.”
Sirachai Arunrugstichai
Ces bébés animaux (des requins, raies, étoiles de mer et autres poissons) auraient pu obtenir un meilleur prix si on les avait pêchés à l’âge adulte.
“Je comprends que c’est le gagne-pain des pêcheurs et que c’est la loi du commerce “, a-t-il dit. “Mais la surpêche anéanti les populations des espèces, et le déclin des écosystèmes. Nous allons devoir faire face aux conséquences.”
La Thaïlande a commencé la pêche industrielle dans les années 1970. Shin explique que la plupart des pêcheurs et des autorités étatiques concernées n’envisagent pas encore de se tourner vers un commerce durable.
La soupe amère des ailerons de requins
L’une des pratiques les plus nocives est la pêche pour la soupe d’ailerons de requin. Selon un rapport Wildaid de 2017 sur la consommation d’ailerons de requin en Thaïlande, le pays en est le premier exportateur mondial. Près d’un tiers des Bangkokiens ont consommé, ou prévoient de consommer, des ailerons de requin, principalement lors de grands repas festifs comme les mariages.
“Il est très nocif de consommer au sommet de la chaîne alimentaire, comme les requins. Ces derniers ont naturellement un faible taux de natalité, et ne pondent que quelques œufs par saison,” explique Shin.
Ainsi, si vous ne souhaitez pas vous abstenir complètement de manger du poisson, Shin recommande de manger le plus bas possible de la chaîne alimentaire, comme les coquillages ou certains poissons certifiés pour le commerce durable.
La fermeture du spot de « La Plage », une rare victoire pour l’environnement
La célèbre baie de Maya à Koh Phi Phi, envahie par le tourisme, a été fermée en juin 2018. Parfois 5 000 personnes se rendaient sur le célèbre spot du film « La plage », alors que la baie ne pouvait accueillir au maximum que 170 personnes, informe Shin. La baie de Maya était un site de reproduction idéal pour les requins, où autrefois les femelles étaient presque toutes enceintes.
Les experts marins ont plaidé pour des mesures permettant à l’écologie locale de se rétablir.
Six mois plus tard seulement, les autorités ont repéré des requins donnant naissance à des petits, pour le plus grand bonheur de Shin.
Malheureusement, c’est l’industrie du tourisme qui l’emporte la plupart du temps sur la préservation de la nature. La fermeture de la baie est une grande victoire pour l’environnement, mais cette victoire demeure une exception. La préservation des coraux est loin d’être la priorité pour de nombreux opérateurs touristiques.
Quatre gestes simples pour réduire son impact écologique sur les océans : manger le plus bas possible de la chaîne alimentaire, ne pas déranger les écosystèmes, choisir une crème solaire écologique et réduire sa consommation de sacs et pailles en plastique.
Shin préconise aux touristes d’utiliser de la crème solaire respectueuses des coraux, comme la marque ReReef, car certains produits chimiques contenus dans les crèmes solaires peuvent nuire à l’environnement.
Shin recommande également de ne pas aller dans certains endroits hyper touristiques, où les écosystèmes tentent de se régénérer, et de regarder la nature de loin plutôt que de trop près, au risque de l’endommager. Un selfie avec un poisson clown vaut-il vraiment le coup de détruire des coraux ?
Une lueur d’espoir et une prise de conscience
Shin est basé à Bangkok, et poursuit sa lutte en ligne, notamment à travers son site web https://www.shinsphoto.com/, où l’on peut voir ses nombreux projets et photographies. Il fait régulièrement des reportages pour l’édition thaïlandaise du National Geographic, voyageant à travers les provinces dès les premières nouvelles concernant la dégradation de l’environnement.
Le journaliste s’est également exprimé au travers d’un discours sur TEDx et pointe régulièrement du doigt les actions de certaines célébrités contre l’environnement. Il a ainsi défié un célèbre acteur thaïlandais, Poomjai Tangsanga, qui s’était affiché en train de manger du poisson de récif corallien.
Malgré la situation alarmantes et les mauvaises nouvelles, Shin commence à voir une évolution des mentalités. Avant les préoccupations écologiques et environnementales se cantonnaient au cercle restreint des universitaires en écologie, mais maintenant les Thaïlandais et les étrangers prennent conscience de la réalité.
Les drames circulent sur les réseaux sociaux, les gens sont de plus en plus sensibilisés à la cause et commencent également à agir, ne serait-ce qu’en publiant des articles ou en refusant des sacs plastiques en caisse. Les internautes se sentent de plus en plus concernés et s’énervent sur les réseaux sociaux, notamment le 8 juin dernier, lors de la journée mondiale des océans.
Le 6 juin dernier, le Département de la pêche s’est joint à la Police royale thaïlandaise pour organiser à Phuket un atelier de formation sur les lois relatives à la pêche à l’intention d’environ 200 représentants et d’associations de pêcheurs.