« La vie, c’est la naissance et la mort avec la souffrance entre les deux » me dit souvent – en riant –  mon « chéri ». Il n’est  jamais à court d’axiomes ou de maximes d’inspiration bouddhiste, comme cette autre  : « khit dee, phout dee, tham dee » (pense bien, parle bien, tu feras bien)… un enchaînement positif de la pensée qui conduit aux mots et des mots aux actes.

La naissance nous condamne automatiquement à mort, c’est inéluctable. Et la mort, elle, nous délivre des souffrances et souvent des souffrances dues à la vieillesse, à  l’isolement, à  la solitude.

La société thaïe a changé de façon significative ces dernières années, suivant le modèle occidental

La Thaïlande, comme la Chine, l’Inde, sont en train de réaliser avec étonnement qu’il y a, ou y aura, plus de vieux que de jeunes dans leur société : une pyramide aux pieds d’argile. En Europe c’est déjà fait. Ces sociétés se croyaient-elles jeunes éternellement ?… Lorsque j’enseignais à Udon Thani il y a quelques annees,  je me souviens avoir souvent eu cette impression  “de vivre dans une cour de récréation”.

Photo: Michèle Jullian. http://michjuly.typepad.com

La société thaïe a changé de façon significative ces dernières années, suivant le modèle occidental, « for good and bad » (pour le meilleur et pour le pire), avec une migration des campagnes vers les villes, des rizières vers le béton, laissant parfois les personnes âgées livrées à elles-mêmes, à la pauvreté, la maladie, l’infirmité, la solitude, l’humiliation et la peur…

Ces personnes âgées ont connu l’époque où les « vieux » (guillemets de respect) mouraient doucement entourés des enfants et petits-enfants. J’en ai rencontré encore beaucoup dans les villages Karen aux alentours de Mae Sariang.

Dans le magazine « Life » d’hier, je lisais le suicide par le feu d’un grand-père. Il avait mis le feu à sa misérable hutte et laissé cette note pathétique :

« Mes petits-enfants ne veulent pas de moi. Si j’ai commis des fautes j’en demande pardon. Personne n’aura plus à s’en faire pour moi, la crémation est faite ».

Il est mort dans le brasier allumé par lui-même.

Lorsque tout va trop vite, boom économique fulgurant, comme en Chine, le social ne suit pas.

Le gouvernement thaïlandais donne 800 bahts (20 euros) aux personnes les plus âgées. Quant aux structures pour les accueillir, n’en parlons pas, elles sont quasiment inexistantes.

Dans mon immeuble de Chiang Mai, les trois quarts des propriétaires sont des bangkokiens qui ont acheté des appartements « pour plus tard ».

Dans mon immeuble de Chiang Mai, les trois quarts des propriétaires sont des bangkokiens qui ont acheté des appartements « pour plus tard ».

Comme mon amie X qui travaille pour une compagnie américaine. Elle a acheté deux appartements dans l’immeuble et possède trois studios dans la capitale. « Pour ma retraite » dit-elle, car à l’inverse des fonctionnaires (armée, police, enseignants), il n’y a pas de retraite assurée lorsqu’on travaille dans le privé.

Ceux qui ont la chance d’avoir des jobs bien payés, empruntent aux banques et  investissent dans l’immobilier comme des fous « pour leurs vieux jours », au risque de constituer une « bulle » comme aux Etats-Unis ou même en Chine. Chiang Mai semble être prise de constructionnisme aiguë.

Immeubles de luxe, malls, centres commerciaux, galeries marchandes…sortent de terre à une vitesse hallucinante. Travail jour et nuit, souvent assuré par une main-d’œuvre venue de Birmanie.

J’expliquais à mon amie thaie, que je pensais toujours à mes enfants en priorité, raison pour laquelle je n’avais pas acheté de maison en Thaïlande (obligation de la mettre au nom d’un tiers thaïlandais, contrairement aux appartements dont on peut être propriétaire).

« Tu penses à tes enfants d’abord ? C’est comme ça en France ? »

J’aurais voulu photographier son étonnement, elle qui possède trois voitures à Bangkok et une Mercedes à Chiang Mai.

« Pourquoi garder pour les enfants, ils vont faire leur vie dans un monde en développement, non ? »

La Thaïlande est un peuple optimiste, elle croit au développement, à l’expansion sans limite, à l’évolution matérielle…. Et nous ?

Vieux pays sans illusion dirigé par des hommes politiques qui n’ont que des promesses à offrir, en quoi croyons-nous encore ? (oui je sais, certains vont me repondre : la révolution… mais pour faire la révolution il faut qu’il y ait encore quelque chose à prendre… et les riches possédants ne sont plus en France depuis des lustres)

Les Thaïlandais ne connaissent pas leur chance : ils croient encore à “l’après-vie” avec son cycle des  renaissances, et ils croient encore à l’amélioration matérielle de la vie par le travail…

5 comments
  1. Pfff…! Sont fous ces Thaïs !
    Mais je les aime beaucoup, tout comme cet article, si, si.
    Quand je dis que j’aime bien les Thaïs, je parle des “normaux”, ceux qui n’ont ni quarante-douze logements, ni cinquante-douze voitures.
    Pour ma part, je suis retraité et j’ai acheté une maison, à Chiang Mai, elle est au nom de ma compagne thaïe ; et j’essaie de lancer une activité sur Internet… pour préparer l’avenir de mes petits-enfants.
    Quant à la révolution, nous avons loupé 68, à mon avis. Mais, si les avoirs sont à l’étranger, nous pourrions au moins couper quelques têtes politiques (à droite, à gauche ;o) ; histoire de (re)mettre un peu de plomb dans la cervelle de leurs successeurs, non ? ;o))
    Bien cordialement,
    Jean-Louis

  2. Excellent article!

    Il est tout à fait compréhensible que les Thaïs (qui le peuvent) achètent des appartements pour se faire une rente pour leurs vieux jours.

    En France majoritairement c’est des fonds de pension américain ou des investisseurs des Émirats qui rachètent ou construisent des immeubles.

    Il suffit entre autres de voir la Rue de la République à Marseille :

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Rue_de_la_R%C3%A9publique_%28Marseille%29

    Mais peut être est-ce aussi pour se faire une rente pour leurs vieux jours??? :-))

    Laurent

  3. justement, est que on n a pas fait un peu trop confiance aux hommes politiques pour notre retraite ? Ca n’a pas l’air tres sur toutes ces caisses qui empilent les deficits depuis des lustres. Qui va payer pour tout ca???? Les Thais, ou bien les Chinois qui ont pris tout l’argent et les emplois de l’Europe. Ca m’etonnerait. Mais chez nous les caisses sont vides et les gens comptent toujours sur l’Etat [pour les sortir de leur m….

    1. OK le gouvernement thailandais ne donne que 800 baht et c’est pas beaucoup. Mais les Thais cotisent aussi très peu, voire pas du tout pour leur retraite. En France on vous taxe 60% de tout de ce que vous gagnez en echange de belles promesses rarement tenues

Comments are closed.