Phénomène ancien, les migrations féminines ont connu une hausse importante ces dernières années. Les femmes sont aujourd’hui plus nombreuses que jamais à quitter leur pays pour chercher du travail dans d’autres régions du monde.

C’est notamment le cas en Asie, où la migration féminine représente une part importante des flux migratoires. Les femmes thaïlandaises sont particulièrement touchées par ce phénomène, avec un grand nombre d’entre elles qui part travailler à l’étranger pour soutenir leur famille restée au pays(1).

Dans un document intitulé “Managing Migration: Risks and Remittances among Migrant Thai Women” (2), l’anthropologue Sine Plambech indique que les migrantes thaïlandaises migrent en grand nombre vers le Japon, la Corée du Sud et Taïwan.

Dans ces pays, elles exercent souvent dans les secteurs de l’industrie manufacturière, de l’hôtellerie et des soins aux personnes âgées. Si cette migration offre des opportunités économiques non négligeables, elle reste associée à des risques importants en termes de sécurité, de santé et de droits.

Motivations économiques

La migration des femmes thaïlandaises est souvent motivée par des raisons économiques, car beaucoup d’entre elles cherchent à échapper à la pauvreté et à améliorer leurs conditions de vie, comme le témoigne Leh :

Mon mari ne voulait pas que je rentre chez ma mère, même s’il n’était pas là [dans leur maison commune]. Mais c’est normal, en Thaïlande, c’est le mari qui décide de ce qu’il faut faire et de l’endroit où il faut vivre. J’ai alors décidé que je ne voulais plus qu’il décide. Je pensais que ma vie était trop différente. Je voulais suivre mes propres idées, puisqu’il ne me donnait que peu d’argent. J’en avais assez de lui et de ma vie“.

Par ce témoignage, Leh explique la façon dont les risques sont souvent préférés à un statu quo ou à la certitude de difficultés futures : les emplois disponibles en Thaïlande sont souvent mal rémunérés, précaires et offrent peu de perspectives d’avenir. La migration leur offre donc une opportunité de gagner un revenu plus important et de subvenir aux besoins de leur famille.

Cette migration est facilitée par le mariage avec des étrangers. L’amour est ici rarement la raison de l’émigration matrimoniale : il s’agit plutôt de la nécessité d’avoir des opportunités d’emploi décentes et de l’argent, comme l’explique Nui, jeune thaïlandaise de 17 ans.

Elle a travaillé à Pattaya pendant deux ans comme femme de ménage et a également vendu des services sexuels à des touristes européens. Elle est maintenant enceinte et vit avec sa sœur à Mo Baan. Après l’accouchement, elle émigrera en Allemagne, dans l’espoir de trouver un mari.

Contre les stéréotypes habituels de victimisation

Il est important de souligner que la migration féminine n’est pas un phénomène homogène. Les migrantes peuvent avoir des motivations très diverses, qui peuvent être influencées par des facteurs tels que la recherche de meilleures conditions de travail, l’indépendance financière ou la possibilité de découvrir de nouveaux horizons.

Dans ce contexte, il est crucial de ne pas réduire les migrantes à de simples victimes de la pauvreté et de l’exploitation. Cette vision simpliste ne tient pas compte de la diversité des expériences et des motivations de ces femmes, qui ont des ressources et des compétences qui peuvent être valorisées dans les pays de destination.

Les Thaïlandaises confrontées à de nombreux risques

La migration présente des risques importants pour les Thaïlandaises, notamment en termes de sécurité, de santé et de droits. Ces femmes peuvent être confrontées à des situations de travail précaire, d’exploitation et de violence. Elles peuvent également être exposées à des risques pour leur santé, tels que des maladies transmissibles, en raison de leur environnement de travail et de vie souvent peu hygiénique.    

De plus, si la migration peut offrir aux femmes une opportunité d’émancipation et de libération des contraintes sociales et culturelles de leur pays d’origine, force est de constater que les migrantes – et en particulier celles qui sont économiquement dépendantes -, doivent faire face à une forme d’oppression supplémentaire.

Ainsi, l’émancipation recherchée peut être mise en péril par les stéréotypes de genre et les normes sociales dans le pays d’accueil, qui peuvent limiter l’accès des migrantes à l’éducation et à l’emploi(4).

L’envoi de fonds à la famille restée au pays, une procédure risquée

Les femmes thaïlandaises migrantes font également face à des défis importants en matière d’envois de fonds. Bon nombre d’entre elles envoient une partie de leur revenu à leur famille restée au pays, cherchant à réduire la pauvreté au sein de leur communauté.

Néanmoins, les envois de fonds peuvent être sujets à des fraudes et des arnaques, entraînant bien souvent une perte financière importante pour les travailleuses migrantes et leur famille. Sine Plambech insiste sur la nécessité de garantir que ces envois de fonds parviennent en toute sécurité à la famille des migrantes.

Quelles solutions ? Pour gérer les risques liés à la migration et faciliter les envois de fonds pour les travailleuses migrantes thaïlandaises et leur famille, l’anthropologue Sine Plambech propose les recommandations suivantes :
– Mettre en place des politiques de protection des migrantes, avant, pendant et après la migration.- Améliorer les services de sensibilisation, d’information et d’orientation pour les travailleuses migrantes et leurs familles (notamment en matière de santé, de droits du travail et de sécurité).
– Favoriser l’inclusion financière et l’accès aux services financiers pour les migrantes et leurs familles, en particulier dans les zones rurales.
– Promouvoir la coopération entre les gouvernements, les organisations internationales et les acteurs de la société civile pour soutenir les travailleuses migrantes thaïlandaises et leur famille, notamment en matière de gestion des risques et de développement économique local.


Pour faire face aux défis de la migration, l’élaboration de stratégies par les Thaïlandaises

Malgré ces défis, les thaïlandaises qui migrent mettent en place des stratégies pour gérer les risques liés à la migration. Parmi ces stratégies, l’appui sur des réseaux sociaux et communautaires pour obtenir des informations sur les opportunités d’emploi et pour obtenir de l’aide en cas de besoin apparaît comme la solution privilégiée. Ces femmes ont également tendance à se regrouper pour former des groupes d’entraide, ce qui leur permet de partager les coûts et les risques liés à leur migration.

En somme, la migration des femmes thaïlandaises est un phénomène complexe qui nécessite une approche nuancée. Les migrantes doivent être reconnues comme des actrices à part entière, capables de prendre en charge leur vie et leur avenir, sans victimisation.

Ces dernières mettent en place des stratégies pour faire face aux risques en termes de sécurité, de santé et de droits. Les gouvernements des pays d’origine et de destination doivent travailler ensemble pour garantir que les droits des migrantes soient respectés et protégés tout en prenant en compte les stéréotypes de genre et les normes sociales.

Références

(1) Selon les chiffres de la Banque mondiale, les femmes représentaient 50% des flux migratoires en Asie du Sud-Est en 2022.

(2)https://www.academia.edu/29376439/Managing_Migration_risks_and_Remittances_among_Migrant_Thai_Women

(3) Moujoud, Nassima. « Genre et migration de femmes seules. Entre androcentrisme et prisme de « la culture d’origine » », NAQD, vol. 28, no. 1, 2010, pp. 55-75.

 (4) Morokvasic, Mirjana. « Des femmes au genre en migrations », NAQD, vol. 28, no. 1, 2010, pp. 35-54.

1 comment
  1. Je connaissais deux jeunes filles masseuses toutes les deux à Pattaya qui se sont faites berner par un slave, un albanais qui leur promettaient monts et merveilles en Moldavie.
    Elles se sont retrouvèes toutes les deux dans un “bordel” à Chisinau, la capitale.
    Leurs passeports étant confisqués par leur souteneur, elles ne peuvent plus revenir en Thaïlande.
    Les conséquences de cette migration et aussi de part leur crédulité, elles se sont retrouvées prisonnières de leur geôlier dans ce pays misérable entre l’Ukraine et la Roumanie.

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