Un nouveau sondage d’opinion publié vendredi montre qu’un nouveau leader de l’opposition pourrait devenir le prochain Premier ministre de la Thaïlande, à quelques jours d’une élection qui devrait mettre fin à neuf ans de gouvernement autoritaire soutenu par les militaires.

Pita Limjaroenrat est le leader du parti Move Forward, un parti politique progressiste en Thaïlande. Il est né en 1980 à Bangkok, dans une famille d’origine chinoise. Il a fait ses études à l’université de Chulalongkorn, où il a obtenu un diplôme en génie électrique. Il a ensuite poursuivi ses études aux États-Unis, à l’université de Stanford, où il a décroché un master en administration des affaires.

Au total, 500 sièges à la chambre basse du parlement thaïlandais seront à répartir lors du vote du 14 mai prochain : plus de 52 millions de Thaïlandais âgés de 18 ans et plus sont en droit de voter.

En février 2020, le parti Future Forward a été dissous par la Cour constitutionnelle, qui l’a accusé d’avoir violé la loi sur le financement des partis politiques. Pita Limjaroenrat et les autres membres du parti ont alors créé le parti Move Forward, qui se veut le successeur du parti dissous. Pita Limjaroenrat en est devenu le leader, avec pour objectif de continuer le combat pour la démocratie et la justice sociale en Thaïlande.

Associé à la couleur orange, Move Forward est bien parti pour peser dans la vie politique du royaume, dans la lancée des manifestations massives de 2020, dont il reprend les demandes pro-démocratie : il est devenu le principal parti de Thaïlande au lendemain du scrutin du 14 mai avec plus de 14 millions de voix, loin devant l’autre force de l’opposition, le Pheu Thai (10,8 millions).

Le parti de la génération Z

Les jeunes électeurs ont largement contribué à la création d’une dynamique en faveur du parti Move Forward et de son candidat Pita Limjaroenrat, qui a bénéficié du soutien de 50% des électeurs de la génération Z âgés de 18 à 25 ans d’après le sondage effectué par NIDA.

Move Forward se distingue des autres partis d’opposition en Thaïlande, notamment le Pheu Thai, soutenu par l’ancien Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, par son refus de toute alliance avec le parti au pouvoir Palang Pracharath, dirigé par l’actuel Premier ministre Prayuth Chan-ocha, un ancien chef de l’armée qui a pris le pouvoir par un coup d’État en 2014.

Move Forward propose également des politiques plus audacieuses que ses rivaux, comme la légalisation du cannabis à des fins récréatives, la dépénalisation de l’avortement et la réduction du nombre de généraux et du budget de la défense.

Des réformes audacieuses et une révision de la Constitution

Move Forward a également ouvert la voie à des réformes plus radicales que ses concurrents, notamment en promettant de modifier les lois strictes de lèse-majesté de la Thaïlande qui criminalisent l’insulte à la monarchie.

Un sujet sensible en Thaïlande ou toute atteinte, réelle ou soupçonnée puisque la matérialité des faits n’est jamais rendue publique, à la monarchie peut être punie par des peines allant jusqu’à 15 années d’emprisonnement.

Cependant, la priorité affichée de Move Forward reste la révision de la Constitution actuelle, qu’il considère comme antidémocratique et favorable au statu quo. Le parti souhaite organiser un référendum sur une nouvelle constitution dans les six mois suivant son arrivée au pouvoir, en impliquant davantage la société civile.

Il veut également abolir le Sénat nommé par les militaires, qui a joué un rôle clé dans la réélection de Prayuth en 2019, et réformer les organismes gouvernementaux chargés de surveiller les élections, la concurrence, et la corruption.

L’héritier du parti Future Forward

Move Forward se présente comme l’héritier du parti Future Forward, dissous en février 2020 par la Cour constitutionnelle pour avoir reçu un prêt illégal de son fondateur milliardaire Thanathorn Juangroongruangkit. Le parti avait créé la surprise lors des élections de 2019 en remportant plus de 6 millions de voix, principalement auprès des jeunes électeurs urbains.

Move Forward a repris une partie des membres de Future Forward et de ses électeurs potentiels, mais il doit faire face à la concurrence d’autres partis d’opposition et à la menace d’une nouvelle dissolution, toujours possible en Thaïlande…

Un profil atypique

Pita Limjaroenrat est né le 5 septembre 1980 à Bangkok, dans une famille influente du monde politique et des affaires. Son père était conseiller du ministre de l’Agriculture et son oncle était secrétaire du ministre de l’Intérieur et proche du Premier ministre Thaksin Shinawatra. Pita a fait ses études de finance à l’université de Thammasat, puis aux États-Unis, où il a obtenu un master en politique publique à Harvard et un master en administration des affaires au MIT.

À l’âge de 25 ans, il a dû rentrer en Thaïlande pour reprendre l’entreprise familiale après le décès de son père. Il a réussi à redresser la situation financière de la société en deux ans, puis il est retourné aux États-Unis pour terminer ses études. Il a ensuite travaillé comme directeur exécutif de Grab Thaïlande, une plateforme de transport et de livraison.

En 2018, il a rejoint le parti Future Forward, fondé par Thanathorn Juangroongruangkit, un autre homme d’affaires progressiste qui voulait réformer la Thaïlande et mettre fin à la domination de l’armée et de la monarchie. Pita a été élu député en 2019 et s’est fait remarquer par ses discours sur les politiques agricoles, l’éducation, la santé et la démocratie.

Pita Limjaroenrat incarne donc une nouvelle génération de leaders thaïlandais, qui veulent rompre avec le système autoritaire et inégalitaire qui prévaut dans le pays. Il propose une vision plus moderne et progressiste de la Thaïlande, fondée davantage sur le respect des droits humains, la justice sociale et le développement durable.