Ils sont 44 Français au total sur les 300 Suisses les plus riches répertoriés par le magazine Bilan. Un chiffre qui reflète partiellement l’exil fiscal des Français car il ne prend en compte que les fortunes de plus de 100 millions de francs (suisses, soit 81 millions d’euros), et exclut par conséquent les “petits” patrimoines inférieurs à cette somme.
Il y a 10 ans, il n’y avait que 17 familles françaises dans le classement des Suisses le plus riches, mais aujourd’hui, les Français sont la 3e communauté expatriée présente en Suisse, selon le classement du magazine Bilan
On retrouve les héritiers de grandes maisons comme Chanel, Lacoste, Taittinger, Peugeot ou Bic ainsi que quelques grands patrons français comme le coiffeur Jean-Louis David, Roger Zannier ainsi que Serge Kampf qui a fondé la société informatique CapGemini.
La Suisse (grâce au forfait fiscal pratiqué par certains cantons) attire les très grandes fortunes et les professionnels ayant leur revenus hors du pays (sportifs, acteurs, chanteurs)
Pour mémoire, la fameuse liste d’expatriés fiscaux en Suisse dérobée en 2007 par Hervé Falciani, un cadre-informaticien de la HSBC Private Bank à Genève comportait 3000 noms.
La France handicapée par sa fiscalité
La France subit actuellement et de manière de plus en plus accentuée, une importante concurrence fiscale, en raison de sa charge fiscale : impôt de solidarité sur la fortune, impôt sur le revenu au taux de 40% sur la tranche marginale des revenus, plus 12,1% de charges et dettes sociales (dites CSG CRDS), impôt sur les plus-values, droits de succession ainsi que des prélèvements sociaux (sécurité sociale, cotisations retraites…).
Les Français sont la 3e communauté expatriée présente en Suisse
Le rapport Marini évalue à 83,3 millions d’euros sur six ans la perte directe pour l’État à cause de cette expatriation fiscale. Chiffre minimum auquel il faut ajouter les impôts fonciers et les droits de succession, ainsi que la TVA non perçue sur les biens consommés par ces expatriés et les impôts non perçus sur les emplois créés à l’étranger par les entrepreneurs exilés.
Selon l’économiste Christian Saint-Etienne, l’exil fiscal « équivaut à une perte colossale pour l’Etat »: Selon ses calculs, si les capitaux qui ont fui à cause de l’ISF avaient été investis en France, ils auraient rapporté entre 6 et 8 milliards € par an en TVA ou en impôts sur les sociétés. Il déplore qu’« en voulant essayer de gagner 3 milliards € par an le fisc [perde] deux à trois fois plus ». L’économiste Jacques Marseille estime lui ce manque à gagner à 7 milliards d’€ par an. Pour Christian Chavagneux, rédacteur en chef d’Alternatives Economiques, ce sont 10% des recettes fiscales chaque année qui ne sont pas recouvrées, ceux devant les acquitter s’étant exilés
Trois événements au moins pourraient modifier de façon substantielle la présence des Français en Suisse:
- Les incertitudes liées à l’élection présidentielle française avec un possible changement de majorité, lequel peut s’accompagner d’un nouvel afflux de réfugiés fiscaux comme lorsque François Mitterrand était arrivé au pouvoir. Pour l’heure, les ressortissants français représentent 12,5% des plus riches de Suisse. Ce pourcentage ne tient compte que des fortunes supérieures à 100 millions de francs.
- L’éventuelle suppression du forfait fiscal Suisse (dit aussi «impôt à la dépense»). Environ 5450 personnes sont imposées selon ce régime, ce qui rapporte 668 millions de francs rien que en recettes fiscales. Un montant auquel il convient d’ajouter les dépenses dont bénéficient les commerces, les écoles privées, les cliniques, les restaurants, les entreprises du secteur de la construction, etc. L’initiative populaire fédérale intitulée «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires» a été lancée par la gauche en avril dernier. Elle entend interdire l’imposition d’après la dépense après une période transitoire de trois ans. Précisons que si elle obtient 100 000 signatures, elle devrait vraisemblablement être soumise en votation en 2013 au plus tôt.
- Enfin, il y a l’initiative populaire fédérale intitulée «Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS». Lancée par les milieux de gauche cet été, elle dispose d’un délai jusqu’en février 2013 pour aboutir. Elle prévoit d’imposer les héritages dès 2 millions de francs à hauteur de 20% ainsi que les dons de plus de 20 000 francs. De plus, les initiants souhaitent que les donations soient imputées rétroactivement aux legs à partir du 1er janvier 2012. Autant dire que ce dernier objet a d’ores et déjà provoqué un mouvement de panique et une ruée chez les notaires. Sur Vaud, le taux d’imposition actuel est au maximum de 3,5% en ligne directe descendante ou pour le conjoint survivant. A Genève, le droit d’enregistrement (successions et donations) a été supprimé pour le conjoint et les descendants suite à une votation populaire en 2004. En Valais, il n’y a aucun droit de succession prélevé en ligne directe parents-enfants.