L’entreprise française TotalEnergies a fait part de son soutien à des sanctions ciblées sur les revenus du gaz naturel au Myanmar afin d’empêcher la junte militaire birmane de profiter de centaines de millions de dollars de paiements, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

TotalEnergies a exprimé cette évolution dans une réponse à une lettre de Human Rights Watch demandant à l’entreprise de soutenir des sanctions visant à mettre fin aux paiements liés au gaz aux entités contrôlées par les militaires du Myanmar. TotalEnergies exploite depuis les années 1990 le projet gazier de Yadana au Myanmar, qui procure des revenus à la Myanmar Oil and Gas Enterprise, contrôlée par la junte.

“Avec le fait que désormais TotalEnergies et les groupes de défense des droits humains soutiennent les sanctions contre les revenus gaziers du Myanmar, les États-Unis et l’Union européenne n’ont plus d’excuse pour ne pas agir. “

 John Sifton, directeur du plaidoyer pour l’Asie à Human Rights Watch

“Ces gouvernements devraient immédiatement imposer des mesures indispensables pour cibler les fonds qui financent le régime abusif de la junte.”

Dans une lettre datée du 18 janvier 2022 adressée à Human Rights Watch, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a indiqué que la compagnie s’était entretenue avec les autorités françaises et américaines au sujet de la mise en œuvre de sanctions ciblées sur les flux de revenus gaziers et a affirmé que TotalEnergies  « non seulement se conformera à toute décision de sanction provenant des autorités européennes ou américaines mais soutient la mise en œuvre de telles sanctions ciblées.”   

TotalEnergies a également officiellement saisi le Ministère français des Affaires étrangères afin de mettre en place des sanctions qui créeraient “un cadre légal pour répondre aux sollicitations dont nous faisons l’objet de mettre fin aux flux financiers” vers la Myanmar Oil and Gas Enterprise.

Crimes contre l’humanité

Depuis qu’elle a renversé le gouvernement démocratiquement élu le 1er février 2021, l’armée du Myanmar a mené une répression à l’échelle nationale contre les manifestants anti-junte, les activistes, les journalistes et l’opposition politique, faisant plus de 1 400 morts et constituant des crimes contre l’humanité.

Les attaques répétées contre les zones de minorités ethniques ont donné lieu à de nombreux crimes de guerre. Au cours de l’année écoulée, TotalEnergies a fait face à des appels de plus en plus nombreux de la part de la société civile et des organisations syndicales du Myanmar, ainsi qu’à la pression des investisseurs institutionnels, pour qu’elle suspende ses paiements à la junte.

Depuis le coup d’État, les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l’UE ont imposé des sanctions économiques ciblées aux dirigeants de la junte et à plusieurs conglomérats et entreprises détenus ou contrôlés par les militaires du Myanmar, mais pas à la Myanmar Oil and Gas Enterprise ni aux paiements qu’elle reçoit.

Le retard inexcusable de la France

Le gouvernement français du président Emmanuel Macron n’a pas soutenu des mesures sur les paiements liés au gaz. L’administration du président américain Joe Biden n’a pas souhaité imposer de telles mesures unilatéralement sans le soutien de la France et d’autres pays de l’UE.

Les États-Unis et la France devraient maintenant adopter une position commune pour imposer de telles sanctions, a déclaré Human Rights Watch.

Les projets de gaz naturel au Myanmar génèrent chaque année plus d’un milliard de dollars de recettes étrangères pour la junte, ce qui constitue sa principale source de revenus en devises étrangères.

L’argent est transmis en dollars américains à la Myanmar Oil and Gas Enterprise ou à d’autres comptes bancaires contrôlés par les militaires dans des pays étrangers, sous la forme de droits, de taxes, de redevances et de dividendes provenant de l’exportation de gaz naturel, dont la majeure partie est acheminée par gazoduc vers la Thaïlande ou la Chine.

Les plus gros revenus gaziers versés le sont par l’intermédiaire de la société PTT, détenue majoritairement par l’État thaïlandais, qui achète environ 80 % du gaz naturel exporté par le Myanmar auprès de coentreprises (joint-ventures) détenues par TotalEnergies, Chevron et Myanmar Oil and Gas Enterprise. PTT détient séparément des participations dans des coentreprises avec la société sud-coréenne POSCO, qui transporte et vend du gaz à la Chine. Human Rights Watch a précédemment écrit à toutes ces entreprises et à leurs actionnaires, les exhortant à soutenir les sanctions sur les revenus du gaz.

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