La Thaïlande est en pleine effervescence, mais son avenir incertain. La crise politique et le blocage des institutions durant l’opposition des Chemises jaunes et des Chemises rouges ont montré les limites du développement social et économique tant vanté : le « modèle thaïlandais ».

Le modèle socioéconomique thaïlandais est original, basé sur un laisser-faire mais aussi sur un centralisme strict. Ses « fondamentaux » économiques (réserves monétaires, confiance internationale, industrialisation, secteur agricole) sont solides. Le pays s’est d’abord affirmé dans la région comme un leader puis dans le monde comme une puissance émergente, mais cela en sacrifiant des pans entiers de son environnement géographique, culturel et social.

La Thaïlande s’est construit une image internationale sur des réalités qu’il voulait croire intangibles, inventées lors de la bipolarisation du monde. Cette dernière tolérait des archaïsmes culturels et économiques, la « politique du roseau » (qui permettait la survie), le respect de l’homme fort (qui maintenait le pays dans « le bon camp »), le culte voué à l’identité nationale (et donc à l’unité), la volonté d’un développement économique à tout prix, considéré comme le rempart contre le communisme et sous-entendant que le corps social suivrait, de gré – c’est l’art du consensus – ou de force – c’est l’intervention de l’armée.

Coups d’États et hésitations démocratiques

Car les archaïsmes politico-militaires sont nés avec les coups d’États et les hésitations démocratiques. A. Leveau et Thongchai Winichakul notent que les années 1950-1960 n’ont pas seulement été celles de l’enchaînement des dictatures militaires. Elles ont aussi consacré un cercle vicieux caractéristique dans lequel les militaires conduisent des coups d’État, abrogent les constitutions en vigueur, rétablissent un semblant d’institutions démocratiques, organisent des scrutins électoraux dont le résultat leur échappe et orchestrent de nouveaux un coup d’État.

Face à ces récurrences, la réactivité, la compétitivité et l’intégration de la différence sociale constituent autant d’enjeux pour l’État. Il ne peut plus aujourd’hui se contenter de nourrir ses politiciens et de maintenir un consensus. Pour l’aider dans sa métamorphose, une prise en charge par la société civile de certaines questions sociales est inévitable.

Il convient donc d’adapter les pratiques, particulièrement celles qui conditionnent les rapports de la société à ses élites et leur mode de gouvernance. Société civile, élites, modèle de gouvernance, etc., la Thaïlande s’attaque à sa modernisation avec son originalité, dont « l’arc-en-ciel » social actuel est le meilleur exemple. Celui-ci incarne l’éventail des revendications, représentant une large partie du spectre sociopolitique, mais aussi du potentiel de violence du pays.

Pour l’heure, les blocages politiques et institutionnels qui ralentissent l’activité économique dans un moment incertain de sortie de crise imposent à la Thaïlande et à toutes ses composantes (salariés, paysans, acteurs économiques, universitaires) de réfléchir. Ce livre se veut l’écho de cette réflexion qui conduit à considérer deux principes essentiels :

– il ne peut y avoir de développement économique sans une évolution sociale adéquate ;

– la Thaïlande doit revoir son histoire, prendre conscience de ses limites, de celles de sa construction nationale pour avancer positivement dans le troisième millénaire.

Thaïlande contemporaine

Thailande Contemporaine 2011
Comment la Thaïlande est-elle devenue socialement un pays « à problème » et économiquement un pays « à risque ».

En analysant les fondamentaux historiques et économiques du pays mais aussi en observant son système éducatif et ses forces culturelles latentes, Thaïlande contemporaine offre un regard critique, moderne et original pour comprendre ce qui fait de la Thaïlande un pays unique et contrasté.

Cette monographie nationale réunit 21 auteurs qui abordent sans tabous la structuration d’une idéologie nationale, permettant une réévaluation de la question complexe de l’identité thaïlandaise en prise avec la mondialisation.

Cet article a été rédigé a partir d’extraits de la préface de « Thailande contemporaine », publié sous la direction de Stéphane Dovert et Jacques Ivanoff par l’Irasec

Disponible en librairie ainsi que sur fnac.fr et amazon.fr

1 comment
  1. Il y a une petite quinzaine de jours, j’avais été surpris du poids du paquet lors de sa réception. Pas étonnant, le livre contient 624 pages !
    Selon mon avis, cet ouvrage collectif a la même démarche que <>, numéro dirigé par Guido Franco, de la série Monde des éditions Autrement ( No épuisé à ce jour) sans le cliché sexe.

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