Le 28 et 29 janvier, la Thaïlande fêtera le Nouvel An chinois. 389 000 touristes afflueront de Chine, préférant Bangkok à Pékin pour le célébrer.

Selon le gouverneur de l’Autorité du tourisme de Thaïlande, Yutthasak Suparsorn, Bangkok est la destination préférée des visiteurs à cette occasion, devant les États-Unis, Singapour, l’Australie et la Malaisie.

Cette fête est aussi importante pour les Thaïlandais que le nouvel an du 31 décembre et presque aussi importante que Songkran, le nouvel an thaï traditionnel qui se déroule au mois d’avril.

Elle l’est particulièrement pour les sino-thaïlandais et la communauté chinoise, la plus nombreuse, la plus ancienne et la mieux intégrée du monde.

Thaïlande : la plus grande des communautés chinoises

En 2012, celle-ci comptait 9 millions de personnes, soit 14% de la population et on estime que entre le tiers et la moitié des thaïlandais auraient des origines chinoises.

La Chine est le premier partenaire économique du royaume. Les liens entre les deux pays se sont resserrés d’autant plus depuis le coup d’État de 2014, la Thaïlande s’étant détournée des États-Unis.

Une histoire ancienne

Avant même l’établissement du Royaume d’Ayutthaya, le commerce sino-thaïlandais débute.

Au XIIIe siècle, les commerçants chinois sont entre 3 et 4000 à Ayutthaya, selon Arnaud Leveau, docteur en sciences politiques et spécialistes de géopolitique en Asie du Sud-Est.

Dans son livre, “L’influence de la communauté chinoise au Vietnam et en Thaïlande”, il explique que certains d’entre eux « obtinrent la gestion des intérêts économiques de la famille royale et gérèrent la plupart des monopoles du royaume », lorsque celui-ci vit le jour.

Très vite, une élite chinoise se forme dans le secteur des affaires et de la politique. Ainsi, la plupart des anciens Premiers ministres et la majorité des députés ont un ancêtre chinois.

La dynastie des Chakri, dont le roi est le dixième du nom, est elle-même en partie originaire de l’Empire du milieu.

La quartier chinois de Bangkok (Yaowarat) dans les années 20
La quartier chinois de Bangkok (Yaowarat) dans les années 20

Si le nombre de sino-thaïlandais est aussi élevé, c’est que les hommes qui émigrèrent de Chine vers le Siam pour chercher du travail, arrivèrent seuls.

En 1821, un diplomate britannique nommé John Crawford mentionne dans son journal que:

« La plupart des Chinois au Siam émigrèrent des côtes du Kwang Tung et du Fukien sans emmener de femmes et se marièrent par la suite avec des Siamoises.  Certains se convertirent au Bouddhisme en s’adaptant à la vie siamoise.  Mais ils portaient encore leur costume national  ».

Ce n’est qu’à partir du XXe siècle que ces intermariages déclinent. Les femmes migrent à leur tour, fuyant la dynastie des Qing, les guerres civiles et les multiples tensions politiques, tout au long du siècle.

Les juifs d’Orient

Leur arrivée en nombre, ils représentaient déjà 12% de la population au début du siècle dernier, provoque la méfiance du gouvernement. En 1917, le roi Rama VI publie un pamphlet, intitulé « Les juifs d’Orient ».

En 1938, les ultranationalistes prennent le pouvoir. Sous le mandat de Phibun Songkhram, 27 métiers leur sont interdits ainsi que les journaux en mandarin, et des écoles chinoises sont fermées.

Ces mesures ont cependant peu d’écho au sein de la population. L’ethnologue Bernard Formose considère que trois facteurs ont contribué à l’essor de la communauté chinoise :

« Une stabilité politique et une croissance économique durables qui ont limité les poussées xénophobes à de courtes périodes historiques; l’esprit de tolérance que prêche le bouddhisme; enfin, l’intérêt très mesuré des Thaïs pour les activités capitalistes, qui, là encore, renvoie à l’emprise du bouddhisme sur les mentalités ».

L’influence des triades

L’influence de la communauté s’étend grâce notamment aux triades. Dès le début du XIXe siècle, celles-ci ont un rôle d’association structurante dans la société.

Elles sont à la fois syndicats, agences pour l’emploi, sociétés d’entraide, organisations politiques et entreprises.

Dans les années 1980, elles donnent lieu à de nombreux faits divers : trafic d’argent, fausse monnaie, racket et trafic d’êtres humains. Dans les années 1990, ces triades commettent de nombreux crimes à Bangkok.

Aujourd’hui la communauté sino-thaïe occupe une place prépondérante dans le milieux des affaires, et on estime qu’elle contrôle près de 80% des capitaux du royaume (1).

[1] Arnaud Leveau.  Le destin des fils du dragon.  (Paris :L’Harmattan, 2003), 147.