L’Institut de recherche pour les langues et les cultures d’Asie de l’Université Mahidol de Thaïlande s’est vu décerner le prix récompensant son programme « Projet d’éducation bilingue/multilingue malaise-pattani (PMT-MLE) ».

Le malais pattani est la langue maternelle d’une communauté minoritaire regroupant environ un million de personnes du sud de la Thaïlande. En 2004, la montée des craintes d’assimilation forcée au sein de la société thaïe traditionnelle a conduit à de violents incidents pour la préservation de cette identité pattani.

Suwilai Premsrirat, Professeur de linguistique à l’Institut et chef du projet a déclaré :

« Il s’agit d’une communauté musulmane dans un pays majoritairement bouddhiste, qui parle son propre dialecte malais.

Le fait que la plupart des malais pattani ne parlent pas le thaï signifie qu’ils ont mal réussi dans le système scolaire monolingue thaïlandais et qu’ils n’ont pas toujours pu accéder à l’enseignement supérieur. Ils se trouvent donc confrontés à des problèmes dans la recherche d’emploi, ce qui conduit parfois les jeunes à être entraînés dans le conflit.

« Maintenant, non seulement ils peuvent apprendre dans leur propre langue, mais ils peuvent aussi améliorer leur connaissance du thaï, ce qui facilite aussi leur insertion ».

Offrir en même temps égalité sociale et égalité linguistique

Selon elle, le programme a porté ses fruits, il y a davantage de filles que de garçons inscrits et les apprenants deviennent ensuite enseignants eux-mêmes.

« Une de nos enseignantes a eu ce type de problème et elle se souvient combien elle appréciait qu’un enseignant utilise un peu sa propre langue dans son enseignement. Elle a ensuite maîtrisé le thaï et maintenant qu’elle est revenue, elle travaille comme enseignante de maternelle dans sa propre communauté ».

Mme Premsrirat a dit qu’elle est ravie d’avoir reçu ce prix. « Notre équipe coopère depuis neuf ans et recevoir ce prix est un honneur pour nous, mais surtout pour le programme. Il va devenir plus visible aux yeux du gouvernement et des autorités de Bangkok et il contribuera à dissiper les soupçons qui peuvent exister vis-à-vis du programme ».

Le programme PMT-MLE prend appui sur le pouvoir de la langue maternelle pour lutter contre les mauvais résultats scolaires à répétition, apportant à la fois l’égalité sociale et l’égalité linguistique.

« Non seulement les enfants sont fiers de leur langue maternelle, mais ils ont aussi appris à vivre avec des enfants qui parlent d’autres langues.

Les populations thaïes et malaises devraient pouvoir communiquer véritablement puisque nous vivons dans le même pays » a indiqué Mme Tuanyoh Nisani, enseignante du préscolaire et ancienne combattante dans le sud de la Thaïlande.

Le projet a été intégré dans deux années d’enseignement préscolaire et six années du primaire, le premier groupe d’élèves achevant le cycle du PMT-MLE en 2016. Il a été d’abord introduit en 2006 dans des écoles pilotes, dans chacune des quatre provinces de la frontière sud, avant d’être étendu à 15 écoles supplémentaires.

Des universitaires, des parents, des enseignants et des artistes ont tous pris un risque personnel en continuant à soutenir les Malais pattani, mais les résultats sont nettement positifs.

Une étude a déjà démontré que les élèves des écoles du projet réussissaient mieux que les élèves des écoles monolingues, les filles réussissant même plus que les garçons dans toutes les matières.

Les enseignants, cibles privilégiés des insurgés

Les forces séparatistes ont tué au moins 171 enseignants, et ont incendié et fait exploser plus de 300 écoles publiques en 10 ans dans les provinces frontalières du sud.

Selon les auteurs de ces crimes, les attaques envers les enseignants seraient en fait une forme de représailles envers les violences commises par les forces de sécurité thaïlandaises et les milices pro-gouvernementales contre les musulmans malais.

De plus, les écoles étant un fort symbole de l’Etat, les populations musulmanes s’y attaquent afin d’éradiquer tout signe fort du royaume, dans le but de faire fuir les populations bouddhistes thaïlandaises de ce qu’ils appellent la terre des Musulmans malais.

Source : http://www.hrw.org/news/2014/03/30/thailand-separatists-targeting-teachers-south