“A l’avenir, chacun aura son quart d’heure de célébrité.” disait Andy Warhol, qui n’avait pourtant jamais entendu parler de Sompop. Il semble que le quart d’heure de Sompop Sridaranop soit arrivé avec les inondations qui ont ravagé la Thaïlande.
Ceci grâce au miracle de l’Internet, ce formidable outil d’information, que ne connaissait pas non plus Andy Warhol. En effet si vous tapez “Sompop Sridaranop” dans Google.fr, vous obtiendrez plus de 31.000 résultats, pas mal pour un parfait inconnu il y a à peine une semaine.
C’est ainsi que l’on peut suivre les aventures de Sompop, sur les sites des très respectables Nouvel Observateur, Libération, le Point, l’Express ou le Courrier Picard, mais aussi sur jemefaischierautaf.com…
Il y avait eu l’invasion des crocodiles dans Bangkok avant cela, mais Sompop c’est mieux car c’est un “vrai” personnage et l’occasion de faire un portrait vivant et coloré d’un habitant de Bangkok confronté à un problème très concret: les inondations ont provoqué la mise en liberté d’un tas de serpents plus ou moins venimeux. C’est ce qu’on appelle un papier “magazine”, une façon de traiter d’une actualité pourtant tragique, avec un regard humain ou un angle un peu différent.
Sompop, Andy Warhol et Internet
Il y a vingt ans, la célébrité de Sompop serait sans doute restée assez limitée, mais aujourd’hui l’effet potentialisateur d’Internet joue à plein, et permet parfois de faire “tenir” une info assez longtemps uniquement par le volume de ses duplications.
Pas besoin pour ça d’être une agence, un simple post sur un blog peut aussi bien faire l’affaire, à condition qu’il crée un “buzz” suffisant, comme par exemple la distribution de préservatifs aux sinistrés en Thaïlande, ou la fameuse vidéo d’une agence thaïlandaise de communication comparant les inondations à 50 millions de baleines vue plus d’un million de fois sur YouTube.
Cet accès instantané à toute l’information, partout tout le temps, est sans doute la chose qui aura le plus bouleversé le monde des médias: il y a à peine 20 ans cet accès était le privilège d’une petite minorité de professionnels des médias qui payait très cher pour y avoir droit.
Les grandes agences comme Reuters, UPI, AP, AFP, DPA etc… avaient une sorte de monopole de la diffusion mondiale et en temps réel de l’information. Mais aujourd’hui les choses ont un peu changé et avec un abonnement Wanadoo à 29,90 euros par mois, ont a droit à la même chose que le rédacteur en chef de CNN et du New York Times. A vous de faire le tri, et surtout de choisir entre l’avalanche de Sompop qui déferle chaque jour sur la toile.
Il y a bien la concurrence des correspondants et des envoyés spéciaux, mais elle est limitée à quelques médias écrits ou télé qui ont des moyens conséquents, et dont la diffusion ne peut pas rivaliser avec les grosses agences. Aujourd’hui cette concurrence est en voie de disparition pour des raisons économiques: l’information est gratuite, ou du moins en voie de le devenir grâce à Internet, mais la produire coûte cher. D’où un effet de ciseaux qui a déjà mis au tapis plus d’un média traditionnel.
Le célèbre Sompop est bien le résultat d’une double évolution technique et financière: au départ une information (une dépêche de l’AFP signée Rachel O’Brien, en anglais, puis traduite en français) en provenance d’une agence de presse en Thaïlande, et ensuite cette même information reproduite à des milliers d’exemplaires par des médias qui n’ont plus depuis longtemps les moyens de se payer de correspondants à l’étranger, et de présenter à leurs lecteurs autre chose que des dépêches recuites à l’infini.