Avec l’arrestation du banquier Rakesh Saxena, qui avait été mêlé à la faillite de la Bangkok Bank of Commerce en 1995, la Thaïlande va devoir se pencher sur un passé à haut risques, où hommes d’affaires douteux et hommes politiques en mal de financement étaient souvent très proches

L’affaire Saxena pourrait aussi se révéler embarrassante pour la coalition au pouvoir puisqu’un des bénéficiaires des prêts douteux la BCC n’est autre que Newin Chidchob, qui dirige un des partis dont le soutien est indispensable au Parti Démocrate pour conserver la majorité.

Saxena était conseiller financier à la BCC, et avait prêté des millions de dollars à des personnalités proche de la direction : une pratique qui était en réalité assez répandue avant la crise de 1997. La faillite de la BCC a révélé au grand jour les failles du système financier thaïlandais, qui avait prospéré sans contrôle de régulateurs.

Le procès du banquier Rakesh Saxena est aussi celui de la collusion entre les milieux d'affaires et les hommes politiques

La BBC avait accumulé une liste de clients à risque, dont le marchand d’armes Adnan Khashoggi.  Saxena et d’autres hauts dirigeants de la BBC ont été aussi accusés d’avoir accordé d’énormes emprunts non garantis à des politiciens influents.

La faillite de la BCC intervient peu de temps avant la crise de 1997, mais elle ne l’a pas véritablement déclenchée : elle est plus une conséquence de la collusion entre les milieux d’affaires et politiques qui régnait à l’époque.

Les banques et les sociétés de financement ont historiquement joué un rôle clé dans le financement des élections en Thaïlande. Au moins 1 milliard de dollars ont été dépensés dans les élections de 1996, plus du double du montant dépensé par le Président Clinton dans sa campagne de réélection 1995-96.

La restructuration du système financier de la Thaïlande sera complexe, et douloureuse après la crise de 1997. En Thaïlande – comme dans beaucoup d’économies émergentes de l’époque – une relation intime a longtemps existé entre les dirigeants politiques, les principales banques et les puissantes familles qui dominent l’économie.

Cette collusion est en partie responsable du déclenchement de la crise de 1997 : l’alignement du baht sur le dollar a été prolongé au delà du raisonnable pour des raisons politiques. En 1997, les difficultés de l’économie thaïlandaise étaient visibles : avec un déficit des paiements courants important, le pays était vulnérable aux attaques spéculatives, et le FMI avait recommandé plus de souplesse dans les taux de change. La Thaïlande avait alors refusé.

La perte de confiance des prêteurs étrangers entraîne alors une inversion des flux de capitaux dramatique. En Thaïlande, les sorties de capitaux courts atteignent 12,6% du PIB en 1997. Le baht ne pouvait donc plus rester accroché au dollar comme il l’était : le mécanisme est connu car dès lors que les prêteurs étrangers ont acquis la conviction qu’un taux de change est insoutenable, les sorties de capitaux s’accélèrent et la crise est inévitable.

Certaines grandes familles thaïlandaises qui s’étaient endettées en devises sur les marché étrangers se sont retrouvées prises au piège.

Dix ans plus tard la situation est exactement inversée : durant l’été 2007, le système financier américain, perclus de créances douteuses, s’effondre, tandis que jusqu’à présent l’économie thaïlandaise a fait preuve d’une certaine résilience par rapport à l’effondrement du secteur bancaire américain.

Olivier Languepin