Après les écoles et les enseignants, ce sont maintenant les élèves eux mêmes qui sont pris pour cible par la guérilla séparatiste musulmane dans le sud de la Thaïlande. Trois garçons de 12, 14 et 17 ans sont morts dans une attaque contre une école du Sud musulman et sept autres élèves ont été blessés après une explosion.

Petite précision : il s’agit cette fois d’une école islamique, ce qui laisse planer un doute sur l’origine de l’attentat, même si les écoles et l’enseignement en général sont souvent la cible des islamistes radicaux.

En juin dernier, les rebelles du Sud de la Thaïlande avaient mis le feu dans la même journée à plus d’une douzaine d’écoles de la province de Yala. Certaines écoles avaient été complètement brûlées. Depuis le putsch à Bangkok, les généraux ont multiplié les gestes d’apaisement en direction des habitants du Sud. Mais la violence s’est intensifiée. Selon Srisompob Jitpiromsri, professeur à l’université Prince of Songkhla de Pattani, le pouvoir à Bangkok se concentre trop sur la chasse aux insurgés et pas assez sur les frustrations de la population locale, très majoritairement musulmane et d’ethnie malaise, contrairement au reste de la Thaïlande largement bouddhiste.

Depuis 2004, 2800 personnes ont été tuées dans des violences imputées à la rébellion séparatiste. Ceux qui pensaient qu’un gouvernement militaire serait plus à même de trouver une solution au problème de l’islamisme dans le sud de la Thaïlande ont eu tort. Plus encore, le fait que l’initiateur du coup d’Etat de septembre 2006, le général Sonthi, soit un des rares cadres musulman de haut rang de l’armée, n’a eu aucune influence.

Des écoles incendiées, des professeurs massacrés et les soldats chargés de leur protection décapités : une image bien loin du pays du sourire que fréquentent plus de 15 millions de touristes pas an. Pourtant la guérilla islamiste entre cette année dans sa cinquième année : un échec retentissant pour le gouvernement et les forces de l’ordre. La politique d’ouverture du premier ministre Surayud (nommé en septembre 2006 après le coup d’Etat) en rupture avec celle du gouvernement Thaksin, s’est soldée par un fiasco total : la férocité des attentats commis s’est aggravée en 2007, sans que rien n’indique une quelconque amélioration.

Les professeurs et les écoles sont régulièrement la cible d’attaques ou d’attentats car ils sont perçus par la rébellion musulmane comme le bras du pouvoir à Bangkok qui cherche à imposer au Sud musulman les valeurs de la majorité thaïlandaise bouddhiste. L’école visée samedi soir était cependant un institut islamique religieux.

Les violences se sont récemment accentuées dans cette région longeant la Malaisie musulmane. Le mois dernier, une vague d’attentats à la bombe avait fait neuf morts. Les provinces du sud de la Thaïlande, où la population est à 90% musulmane, sont des régions économiquement déshéritées. Certains habitants de ces régions défavorisées, laissées pour compte du décollage économique, deviennent sensibles aux idées islamistes radicales. Mais comme l’indique justement Philippe Migaux “En réalité, ce sont bien les populations locales – non musulmans et musulmans modérés, – qui sont les premières victimes du terrorisme moujahidin en Asie du Sud Est, et non les occidentaux comme prétendaient l’avoir inscrit dans l’histoire les auteurs des attentats de Bali” (L’islamisme combattant en Asie du Sud-Est). L’attentat d’hier confirme cette opinion, puisqu’il a coûté la vie à trois jeunes musulmans.

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