Un tribunal de Bangkok a reporté au 31 mai son verdict dans l’affaire du webmestre de Prachatai, site d’information en ligne thaïlandais. La Webmestre est accusée de ne pas avoir retiré suffisamment rapidement  des commentaires supposés insultants à l’égard de la monarchie.

Un verdict dans le cas de Chiranuch Premchaiporn avait été prévu lundi, mais a été repoussé au 30 mai. Elle risque jusqu’à 20 ans de prison et est accusée de ne pas avoir agi assez rapidement pour retirer des commentaires ds lecteurs qui ont été jugés insultants à la famille royale du pays. Les commentaires ont été affichés sur le site de son journal, Prachatai.

Les poursuites contre Chiranuch – plus connue par son surnom, Jiew – ont attiré l’attention des nombreux médias non seulement en Thaïlande mais partout dans le monde. L’année dernière, elle figurait parmi l’une des trois gagnantes du prix du Courage en journalisme décerné par la Fondation internationale de la femme et des médias, et aussi l’un des 48 journalistes qui a bénéficié des subventions de Human Rights Watch pour leur engagement en faveur de la liberté d’expression et leur courage face à la persécution.

Les cinq témoignages de la défense ont joué en faveur de Jiew, selon son avocat.
Chiranuch a d'abord été détenue, mais a été libéré sous caution avec la liberté de voyager à l'étranger. Dans la plupart des cas de lèse-majesté, la liberté sous caution a été refusée.

 

Le 14 février dernier, la cour avait auditionné Kittiphum Juthasmit, modérateur du site Prachatai, Sawatree Suksri, enseignante en droit à l’université Thammassat, et Jittat Facckaroenphol, enseignant en informatique de l’université Kasetsart, qui a exposé les difficultés de la modération d’un forum.

Kittiphum Juthasmit a témoigné que la direction de Prachatai avait constitué une équipe d’une douzaine de modérateurs bénévoles, composée, entre autres, d’internautes, et chargée de supprimer tout commentaire jugé illégal. Après le coup d’Etat du 19 septembre 2006, en raison de la multiplication exponentielle des commentaires, la mission des modérateurs est devenue impossible, et tous les messages n’ont pu être vérifiés.

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Reporters sans frontières s’est inquiété à plusieurs reprises du sort de la directrice du site d’information PrachataiChiranuch Premchaiporn, plus connue sous le nom de Jiew, dont le procès pour violation des articles 14 et 15 du Computer Crime Act devait connaître son aboutissement aujourd’hui.

“Nous sommes très préoccupés du sort de Chiranuch Premchaiporn, une victime de plus de l’utilisation abusive des lois draconiennes que sont le Computer Crimes Act et le paragraphe 112 du code pénal. Le nouveau gouvernement du Premier ministre Yingluck Shinawatra doit mettre un terme aux restrictions à la liberté d’expression sous couvert de “protection de l’image du roi”. Nous attendons le signe d’une réelle volonté politique de reformer ces lois répressives”,

avait déclaré Reporters sans frontières.

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Au cours d’une conférence universitaires consacrée au crime de lèse-majesté, un expert en la matière le professeur David Streckfuss a noté que si la loi elle-même est resté inchangée, son application est de plus en plus caractérisée par une augmentation spectaculaire des accusations individuelles.

« Si vous regardez le nombre de cas lèse-majesté, de 1990 à 2005, il y avait une moyenne de cinq ou six cas par an. Après cela, il y a eu entre 2006 et 2009, 397 cas qui ont été devant la justice »,

a expliqué le professeur Streckfuss. «Environ 1500% d’augmentation, selon la façon dont vous faites le calcul. »

Il n’y a pas d’estimation précise et officielle du nombre de personnes actuellement en prison pour avoir diffamé les membres de la famille royale thaïlandaise, en raison de l’article 112, mais le professeur Streckfuss estime que le nombre pourrait dépasser les 200. La Commission nationale des droits de l’homme (NHRC), un organisme indépendant établi par le gouvernement, affirme avoir récemment fait une demande officielle à la police et à d’autres organismes, pour obtenir un décompte précis du nombre des détenus accusés de lèse-majesté.

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