Il y a moins d’un mois, Songkran sonnait le début du nouvel an Thaï : cinq jours de fête copieusement arrosés comme le veut la tradition. Une tradition qui repose sur une consommation outrancière d’eau, et qui commence à poser problème alors que certaines régions sont confrontées à une sécheresse dramatique.

Un gaspillage légitimé par le caractère festif et exceptionnel de l’événement mais qui tend à occulter une Thaïlande aux réserves hydrique de plus en plus limitées.

2014 : la pire sécheresse depuis 10 ans

Cette année 2014, marque pour le royaume la pire sécheresse qu’il a connu depuis une décennie. Une situation causée par une année particulièrement chaude (avec plus de 40°C à l’ombre certains jour dans Bangkok) et une saison des pluies qui peine à arriver.

En effet, survenant habituellement fin avril, les premières pluies, encore très timides, ne font leurs apparitions que les premiers jours de mai.

« C’est toujours sec en cette période de l’année mais il n’a pas plu autant que les années précédente, de plus la saison chaude à commencé très tôt »

témoigne Somyod, fermier thaïlandais, pour la Nikkei Asian Review.

Un état de sécheresse qui touche de nombreuses régions, comme en témoigne l’alerte à la sécheresse lancée par le département de l’irrigation thaïlandais à l’adresse de plus de 30 provinces.

Un manque d’eau bien réel avec certains réservoirs du nord du royaume, affichant seulement 20% de leurs capacités à la fin mars, soit un bon mois avant le début des premières pluies.

Des conséquences économiques importantes

Avec plus de 70% des ressources en eau du pays utilisées pour l’agriculture, les faibles quantités d’eau disponible cette année ont eu une conséquence directe sur la production de denrées alimentaires.

De nombreux cultivateurs de riz du nord et du nord-est ont ainsi renoncé à leurs secondes récoltes de riz annuel, entraînant une diminution de 5% en volume de la production du royaume.

La culture du riz n’est pas la seule touchée, on enregistre une diminution globale des productions agricoles : moins 25% sur la canne à sucre ou encore une perte de 6 point pour la production de caoutchouc. Une perte cependant amortie par la faible présence de l’agriculture dans le PIB du pays, représentant moins de 8%.

Une situation prévisible

Si une partie de l’état des ressources en eau du pays est directement influencée par les modifications climatiques à l’échelle mondiale, la Thaïlande est en grande partie responsable de sa situation actuelle.

Le territoire thaïlandais connait une massive déforestation depuis les années70_ IIllustration: Philippe Rekacewicz, UNEP/GRID-Arendal
Le territoire thaïlandais connait une massive déforestation depuis les années70_ IIllustration: Philippe Rekacewicz, UNEP/GRID-Arendal

La production agricole est en tête des causes et cela pour deux raisons. La première est qu’elle consomme les trois quarts des ressources en eau du pays avec des cultures essentiellement exportatrices.

Une consommation qui surpasse largement l’apport de 10% au PIB qu’elle représente.

Ensuite, l’explosion des surfaces agricoles a entraîné une déforestation massive du territoire, avec moins de 28% de forêt sur le territoire thaïlandais contre près de 60% en 1970.

En l’absence de ces grandes zones humides, l’eau s’évapore donc plus facilement, rechargeant moins les sols et les nappes phréatiques.

La construction immobilière intensive dans les centres urbains et les périphéries est aussi un facteur aggravant. Elle entraîne tout à la fois une pollution de la ressource par son développement anarchique et non planifiée, mais aussi une imperméabilisation des sols avec l’augmentation des zones bitumées (quartiers résidentiels, autoroutes…).

A l’échelle de Bangkok, la ressource en eau douce est déjà une problématique d’actualité avec le nombre croissant d’habitants et l’urbanisation accélérée sous forme de condominiums.

Une diminution de la ressource hydrique qui pose un problème structurel à la capitale, rendant le sol plus meuble, augmentant ainsi le risque de glissement de terrain potentiel et l’enfoncement de la ville.

Un problème qui touche d’autres pays en Asie

Pour autant cette problématique du manque d’eau n’est pas unique à la Thaïlande. Le niveau du Mékong, au plus bas cette année depuis 50 ans, impactant des millions de pécheurs et d’agriculteurs au Vietnam, Laos ou encore au Cambodge, en est l’exemple le plus frappant.

Une grande majorité des pays d'asie est sujet au risque de sécheresse (cartographie nation unie)
Une majorité des pays d’Asie est sujet au risque de sécheresse (cartographie nation unie)

C’est l’ensemble du bassin Asiatique qui est touché par cette pénurie en cours et à venir, et qui a des causes similaires à celles évoquées plus haut : rapide urbanisation, croissance des populations, mauvaise gestion des ressources disponibles, importance des surfaces cultivées qui consomment beaucoup d’eau sous forme d’irrigation….

A l’instar de la Thaïlande, c’est la culture des sols qui est la principale source de pénurie en eau. A elle seule, elle représente 80% de la consommation annuelle de la région, et avec l’augmentation démographique ce pourcentage est amené à croître dans les années à venir.

A ces problèmes, on peut aussi ajouter l’inégale répartition de la ressource comme origine du phénomène de pénurie en eau et ceci à l’échelle locale.

La Chine en est l’exemple le plus flagrant, d’immenses régions du centre et du nord du pays sont régulièrement sujets aux sécheresses alors que le sud où 80% des réserves hydriques sont concentrés est excédentaire.

Avec une diminution de 1,6% de la quantité d’eau disponible par habitants dans le monde chaque année, la gestion de la ressource hydrique va devenir l’un des enjeux majeurs du 21 ème  siècle. Un problème particulièrement crucial en Thaïlande, comme dans le reste de l’Asie compte tenu de l’importante croissance économique que connait la région.

2 comments
  1. Bonjour à Toutes et à tous,
    Le manque d’eau est un problème évident en Thaïlande et chacun, thaïlandais ou touristes, devrait prendre conscience de ce fait et participé tant soit peu à l’économie de ce bien indispensable: l’EAU”!
    Personnellement, ayant une petit propriété à la campagne, à 20kms de Hua Hin, j’ai renoncé à construire une piscine par respect des agriculteurs qui m’entourent et de la difficulté qu’ils ont à irriguer leurs différentes cultures(ananas, aloévera, cannes à sucre etc). Pour l’avenir, j’envisage donc la récolte et le stockage des eaux de pluie par divers systèmes d’entonnoirs géants ainsi que le creusement d’une surface pour un étang pouvant faire office de stock d’eau d’arrosage.

  2. Très bon article de fond qui montre que l’évolution non raisonnée de ce pays pose de véritables problèmes en dehors de la vision angéliste qu’en ont certains.
    Je me rappelle il y a trois ans une conversation avec un groupe de paysans payés par l’état thaïlandais pour déforester et produire, qui voyait la forêt et sa biodiversité comme un mal. Ils ne comprenaient pas que les rizières posaient plus de problèmes sanitaires (virus, bactéries et autres parasites). Il fallait produire, construire et détruire les vraies richesses du pays…
    Bien sûr, ils étaient grassement payés (ce qui ne les empêchaient pas d’envoyer leurs enfants dans les lieux touristiques pour, au mieux, faire le serveur ou la serveuse) ou du moins on leur promettait d’être bien payés et un avenir bien meilleur.
    Excellent article qui devrait être lu et interroge sur la catastrophe écologique qu’est le gaspillage de la fête de Songkran, surtout faite pour amuser le touriste…
    Bravo M. Cuzin !

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