Parce qu’elle occupe une position centrale dans une région au passé mouvementé, la Thaïlande a servi, et sert encore, de terre d’asile à un grand nombre de minorités souvent persécutées dans leur propre pays. Aujourd’hui encore, les populations proche des frontières thaïlandaises avec le Laos ou la Birmanie regardent vers la Thaïlande pour échapper à la répression, ou à la pauvreté.

La question des réfugiés apatrides sur le territoire thaïlandais a récemment fait la une des médias thaïlandais grâce à un avion….  en papier. C’est un petit garçon né d’un couple de réfugiés birmans en Thaïlande qui l’a fabriqué, et grâce à un vol plané de 12 secondes, il a pu se qualifier pour un concours d’origami ayant lieu au Japon.

Petit problème : comme tous les enfants de réfugiés nés en Thaïlande, il n’a pas la nationalité thaïlandaise (le droit du sol n’existe pas en Thaïlande). Il a fallu l”intervention du Premier ministre lui même, pas moins, pour qu’il puisse obtenir des papiers provisoires afin d’effectuer un court séjour à l’étranger, ou le jeune Mong Thongdee a remporté la troisième place. Bien que anecdotique à souhait, cette histoire illustre bien l’impossible dilemme des réfugiés en Thaïlande. Apatrides et pratiquement sans autre possibilité que de végéter dans des camps de réfugiés, il se heurte à la politique de non intégration du royaume.

D’après les agences de l’ONU les immigrés birmans, à l’instar des parents du jeune Thongdee,  sont plus d’1,4 million à gagner leur vie en Thaïlande, mais seulement 490000 d’entre eux sont enregistrés avec un permis de travail. La plupart travaillent donc clandestinement dans l’agriculture, l’industrie du poisson, le bâtiment, les usines de textiles et les emplois domestiques. Beaucoup ont fui les répression de la dictature des généraux birmans, mais aussi la misère quotidienne.

En avril 2008 :  54 travailleurs clandestins birmans étaient retrouvés morts asphyxiés, entassés à l’arrière d’un camion transportant habituellement du poisson. Après un moment d’émotion médiatique intense, le sujet était rapidement retombé dans l’oubli. Vu de Birmanie, la Thaïlande est un pays très riche. Le PIB par habitant est de 1200 dollars par an en Birmanie, contre 8700 en Thaïlande : un niveau de vie plus de sept fois plus élevé, un fossé comparable à celui qui sépare le Maroc de la France.

Un camp de réfugiés karen, près de la frontière avec la Thaïlande

Parfois il s’agit d’un conflit qui dure depuis des décennies entre un pays voisin et une minorité, comme dans le cas des Karens, eux aussi en provenance de Birmanie.  L’Union nationale karen (KNU) se bat depuis 1949 pour que le pouvoir central accorde plus d’autonomie à l’Etat karen, mais la guérilla a été affaiblie ces dernières années en raison des offensives gouvernementales et de dissensions internes. On estime qu’environ 100.000 réfugiés Karens, se trouvent dans des camps en Thaïlande.

Au Myanmar, les Karens sont victimes d’une campagne de purification ethnique semblable à celle qui a causé tant d’atrocités dans l’ancienne Fédération de Yougoslavie. On les oblige à construire des routes sans être payés, on leur fait porter des cargaisons de munitions et d’armes et, parfois, on les tue. On ne tente même pas de cacher les massacres au reste de la population : c’est une tactique pour forcer ce peuple à se soumettre ou à courir se réfugier en Thaïlande.

écrivait en 2001 Daniel Pedersen dans un reportage pour The Nation. Pendant les années 80, la K.N.U a bénéficié d’une politique conciliante de la Thaïlande qui jusque là laissait volontiers les rébellions installer leurs bases arrière sur son territoire, fermant les yeux sur leur approvisionnement en armes contre bois de tek, métaux et pierres précieuses .

Autre problème récurrent, mais cette fois avec des populations en provenance du Laos, celui des Hmongs. Bangkok a donné cette année son accord au rapatriement au Laos de 5 000 réfugiés hmongs, dont certains vivent depuis plus de trente ans dans des camps du nord-est de la Thaïlande, avec l’espoir d’obtenir l’asile politique dans ce pays ou dans un pays tiers.

La Thaïlande, qui considère ces réfugiés comme des migrants économiques, a entrepris depuis plusieurs années des opérations de rapatriement, au grand dam de défenseurs des droits de l’homme.  Demeurant sourdes aux critiques, les autorités thaïlandaises ont ainsi réitéré, le 11 septembre, leur volonté d’honorer un accord signé en début d’année avec le Laos.

En raison de leur soutien aux Américains pendant la guerre, les Hmongs redoutent des représailles de la part du régime communiste. En mai, Médecins sans frontières (MSF), unique présence internationale depuis 2005 dans le camp de Huay Nam Khao, dans la province de Phetchabun (dans le nord-est du pays), avait mis un terme à ses activités pour protester contre l’attitude des militaires thaïlandais, qui forçaient les réfugiés à accepter un retour au Laos.