La récente expulsion de Hmongs au Laos a montré que la puissante armée de Thaïlande demeure le principal intervenant dans les relations entre le royaume d’Asie du Sud-Est et ses voisins immédiats. La politique étrangère étant une zone de pouvoir  contestée entre les militaires et le gouvernement civil.

Les analystes thaïlandais ne sont guère surpris par ce rôle dans la politique étrangère, étant donné la longue histoire de l’armée thaïlandaise dans les relations avec les pays voisins du Laos, Cambodge,  Birmanie et Malaisie. L’idée que l’armée dispose d’une vocation naturelle pour intervenir dans les questions de politique étrangère est enracinée dans la pensée militaire qui a été dominante au cours de la guerre froide, lorsque la Thaïlande était un allié des États-Unis contre l’expansion communiste dans la région.

«L’armée a toujours cherché à être en charge de la politique étrangère de la Thaïlande à l’égard de ses voisins immédiats. La déportation des Hmong révèle une nouvelle relation entre l’armée thaïlandaise et le gouvernement laotien.»,

a déclaré Sunai Phasuk, chercheur en Thaïlande, pour Human Rights Watch (HRW), le groupe new-yorkais mondiale de défenses des droits de l’homme.  «Le traitement des Hmong en est le reflet. Il faut chercher la source de ce comportement à l’époque de la  guerre froide dans une certaine mesure. Ce pouvoir permet à l’armée thaïlandaise de “vérifier qui peut rester et qui ne peut pas rester dans le pays”.

La politique étrangère est un terrain disputé entre l'armée et le gouvernement de Thaïlande

En fait, l’opération qui a vu plus de 4000 hommes, femmes et enfants hmongs déportés le 28 décembre, avait tout d’une opération militaire.  On estime que 5000 hommes de la force armée thaïlandaise, armés de matraques et de boucliers, ont été envoyés pour évacuer tous les membres de cette minorité ethnique dans un convoi de quelque 100 camions militaires pour le Laos.  Un officier de l’armée thaïlandaise a vu la question sous un angle différent, en qualifiant de «volontaire» le retour des  Hmongs au Laos. Le gouvernement thaïlandais s’est d’ailleurs fait l’écho de sentiments similaires en cherchant à caractériser les Hmong comme des «migrants illégaux», et non comme un groupe qui avait fui leur pays en quête d’asile politique.

«Les autorités thaïes ont réussi un retour sûr et ordonné de quelque 4300 immigrants clandestins Hmong laotiens, dans la province Petchaboon et au Centre de détention pour immigrés de Nong Khai, vers la République démocratique populaire du Laos, conformément à la Loi sur l’immigration thaïlandaise », a déclaré le ministère des Affaires étrangères thaïlandais.

Les déportés Hmong appartiennent à une minorité ethnique vivant dans les montagnes du nord du Laos et du centre. Leur crainte de persécution par les autorités du Laos, un pays sous domination communiste, découle des liens entre les Hmong et le gouvernement américain.  Ils se sont battus aux côtés de la CIA pour empêcher la guérilla communiste laotienne de prendre le pouvoir dans une guerre clandestine de 1961 à 1975.

Au moment de la guerre secrète de la CIA au Laos, l’armée thaïlandaise a été du côté des combattants Hmong et des agents de la CIA. Ces liens ont continué même après le triomphe des communistes au Laos – créant un sujet de discorde entre Vientiane et Bangkok.

En septembre 2007 un pas décisif à été franchi pour régler cet héritage de la guerre froide et a donné lieu à une relation nouvelle de l’armée thaïlandaise avec le Laos. Le général Surayud Chulanont, le Premier ministre de l’époque, dirigeant un gouvernement militaire qui était arrivé au pouvoir après un coup d’État de Septembre 2006, a dirigé les négociations qui ont abouties en septembre 2007 à la signature d’un accord entre le Laos et la Thaïlande. Cet accord a classé les Hmongs qui ont fui le Laos vers la Thaïlande comme des «immigrants illégaux» et les a menacés de déportation. Il a par conséquent exclu un rôle pour le Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui avait été impliqué dans l’assistance des quelques 300.000 Hmongs qui avaient cherché refuge en Thaïlande depuis la fin du conflit avec États-Unis dans le milieu des années 1970.

Le black-out des médias, qui est resté en vigueur jusqu’à la dernière expulsion, a confirmé que les militaires, plutôt que le gouvernement civil, a été chargé de la politique hmong,

«C’était le Conseil national de sécurité et plus tard l’ISOC (Internal Security Operations Command), et non le ministère des Affaires étrangères, qui a eu son mot à dire dans le cas des Hmongs.”

a déclaré un journaliste thailandais.

Une évolution prévisible compte tenu de l’actuel contexte politique de la Thaïlande, où le gouvernement de coalition dirigé par le Premier ministre Abhisit Vejjajiva a été formé il y a un an avec le soutien des militaires.

“Cela montre que Abhisit est redevable aux militaires sur certaines questions de politique”,

a déclaré Thitinan Pongsudhirak, politologue à l’Université Chulalongkorn de Bangkok.  “Le gouvernement civil et l’armée ont coopéré dans le traitement des Hmong.”  Cette coopération a marqué une réorientation de la politique étrangère, qui est une «zone litigieuse» entre les gouvernements militaires et civils depuis le début des années 1990, lorsque la Thaïlande a commencé à s’éloigner des régimes militaires vers des administrations civiles. “L’après-guerre froide a vu une relation difficile entre les gouvernements militaires et civils sur la politique étrangère. Le rôle de l’armée avait commencé à diminuer jusqu’au coup d’Etat 2006” a ajouté Thitinan Pongsudhirak.

1 comment
  1. Bonjour,

    Les points développés dans cette article sont plausibles mais ne font qu’excuser une décision qui au final sera au passif de la Thailande et donc de tous les thailandais.
    Cette déportation est une erreur politique à moyen et long terme car les hmongs dans la société Thailandaise sont de plus en plus reconnus pour leur sérieux, ardeur au travail et capacités à soutenir l’avenir de la Thailande.
    Beaucoup de zone en Thailande ont été défrichés et travaillés par la main de milliers de hmongs.
    Le seul pays qui peut et qui devra accepter les hmongs en majorité est la Thailande. Cette dernière devra s’excuser dans 20 ans cet acte indigne d’un pays qui se veut grand et digne d’Asie.
    L’histoire de cette déportation n’est sûrement pas fini car elle n’a pas servi ni les Hmongs, ni la Thailande mais seulement certains militaires désireux de montrer leur force au monde et chez les responsables militaires entre laos et thai.
    Pathétique donc…

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