A la frontière malaise, trois provinces, Pattani, Yala et Narathiwat, regroupent la majorité des 5% de musulmans de Thaïlande et 4/5e d’entre eux parlent malais.

Elles appartenaient anciennement au sultanat de Patani, haut lieu de l’islam en Asie du Sud-Est au XVIIe et XVIIIe siècles.

Début du XXe siècle : les prémisses du conflit

En 1909, est signé entre le Royaume-Uni et celui du Siam, un traité divisant le sultanat. Une partie devient la Malaisie et l’autre est rattachée au royaume thaïlandais.

« Cela a eu des conséquences : dans le Nord de la Malaisie et dans le Sud de la Thaïlande, certaines familles se sont trouvées séparées des deux côtés de la frontière. Mais ils parlent le même dialecte », explique David Camroux, spécialiste de l’Asie du Sud-Est.

Il ajoute que « l’élite militaire thaïlandaise est accusée depuis longtemps par les minorités du royaume de développer la notion de « Thaïté » (thainess) aux dépens de la diversité ethnique qui caractérise la population de l’ancien Siam.

Dans le sud où les habitants parlent un dialecte malais, par exemple, la langue thaïe ainsi que son écriture sont imposées depuis des décennies, alimentant colère et ressentiment. »

L’ancienne génération des séparatistes portait des revendications politiques claires : une autonomie des trois provinces, le malais comme langue d’enseignement et la reconnaissance de leur identité.

13 ans de guérilla

Dans les années 1990, une nouvelle génération apparaît formée dans les écoles islamistes de Sapaeng Basoe, un de leurs leaders spirituels décédé en janvier. Le gouvernement ne mesure alors pas l’ampleur du mouvement.

Cette « petite guérilla artisanale », comme la désigne David Camroux, est fortement localisée, sans rattachement à un mouvement djihadiste international, ni réelle organisation hiérarchique.

Son objectif est de semer le chaos afin de rendre le sud ingouvernable. Ses cibles sont les représentants de l’Etat, les élus des villages, les instituteurs et institutrices et tous ceux considérés comme des « collaborateurs de l’occupant thaïlandais ».

La dangereuse escalade du conflit depuis 2004

Le 4 janvier 2004, le pillage d’une caserne militaire met le feu aux poudres. Une trentaine d’hommes cagoulés tuent quatre soldats bouddhistes et volent 400 fusils d’assaut ainsi que des roquettes dans le camp de Ratchanakarin dans la province de Narathiwat.

Dans le même temps, ils incendient 21 écoles pour faire diversion. Depuis, la loi martiale est instaurée dans les trois provinces du sud.

La minorité musulmane réclame alors le port du hijab pour les femmes dans les lieux publics, l’ouverture de mosquées et l’expansion des études islamiques dans les écoles publiques. Les groupes insurgés déclarent le djihad aux populations bouddhistes et à l’armée thaïlandaise.

“Depuis 2004, on note une dangereuse escalade du conflit”, affirme Rohan Gunaratna, spécialiste du terrorisme à l’Institut de défense et d’études stratégiques de Singapour.

“Ils utilisent du matériel plus moderne, plus sophistiqué, et les rebelles communiquent davantage avec d’autres groupes et se forment à leur contact.”

2016 : le conflit s’étend aux zones touristiques

En août dernier, les rebelles ont pour la première fois ciblé les touristes. Plusieurs bombes ont été désamorcées à Phuket, Phangnga et Hua Hin.

Les autorités thaïlandaises n’ont toujours pas désigné les rebelles du sud comme responsables mais le mode opératoire était similaire au leur.

En 2016, la ligne de train qui traverse les trois provinces touchées par le conflit, a été attaquée trois fois par les terroristes. Ces attentats répétés ont mené le ministère français des Affaires étrangères à formellement déconseiller aux voyageurs de se rendre dans le sud du pays.

Depuis 13 ans, le conflit a fait 6800 victimes et 10 000 blessés. Les civils sont les premiers touchés, notamment les musulmans. Ils sont pris en étau.

La population musulmane d’ethnie malaise « peut ne pas être d’accord avec la brutalité des insurgés… mais elle partage le même sentiment et la méfiance historique pour l’Etat thaïlandais », explique Don Pathan, analyste de l’Asie du Sud-Est.

En dehors du sud, les Thaïlandais sont favorables à des mesures sévères contre les militants islamistes présumés et font pression en ce sens.

Le gouvernement doit certes répondre aux attaques qui s’intensifient mais il doit le faire avec prudence : des arrestations arbitraires et des blessés parmi les populations civiles ne feraient qu’accroître la tension et le soutien dont bénéficient déjà les insurgés.

estime Human Rights Watch

Il faut évidemment apporter une réponse militaire aux tueries quotidiennes par les insurgés bien armés de civils et de membres des forces de sécurité.

Mais la nature clandestine de ces groupes et leur tendance à trouver refuge parmi la population civile fait qu’une stratégie purement militaire est vouée à l’échec.

Le gouvernement doit trouver un équilibre lui permettant d’assurer la sécurité des populations tout en protégeant les droits de l’Homme dans le pays.

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