Alors que l’armée annonce avoir arrêté 17 suspects après la série d’attentats à la bombe de la semaine dernière, peu d’informations sont venues étayer l’hypothèse de leur implication dans les attentats.

L’enquête et les déclarations des militaires qui ont procédé aux interpellations tentent toujours d’accréditer la thèse d’une action de l’opposition interne pour déstabiliser le gouvernement.

Mais lors d’un débat qui s’est tenu hier au FCCT, plusieurs experts ont jugé cette piste très peu crédible, et ont nettement privilégié la thèse d’un lien avec l’insurrection qui déchire le sud de la Thaïlande depuis 12 ans.

Mais selon les dernières déclarations du porte parole de l’armée, au moins trois des suspects arrêtés par les militaires étaient des officiers de police et plusieurs seraient des partisans des “Chemises rouges”.

Les 17 suspects auraient cependant nié toute implication dans les attaques. La liste complète des personnes détenues a été publiée par le journal Khaosod.

Depuis qu’elle a pris le pouvoir, l’armée peut détenir des personnes pour interrogatoire sans assistance juridique et sans lien avec la justice ou la police pendant sept jours.

Durant le débat organisé par le FCCT, plusieurs hypothèses ont été évoquées dont la thèse d’une attaque menée par des opposants politiques pro-Thaksin et la thèse des insurgés dans le sud thaïlandais.

Police et armée : confusion et déclarations contradictoires

L’armée thaïlandaise penche toujours vers la piste  d’une attaque perpétrée par des opposants politiques pro-Thaksin, mais la police quant à elle poursuit son enquête plutôt en direction des séparatistes musulmans du sud-thaïlandais.

Les intervenants sont  plutôt tombés d’accord sur le fait qu’il s’agissait certainement d’une attaque de la part des insurgés de l’extrême sud thaïlandais ; plusieurs preuves soutiendraient cette piste.

Tony Davis, un analyste pour le IHS-Jane, estime que de nouvelles attaques en dehors du territoire sud-thaïlandais  risquent d’avoir lieu dans le futur si aucun progrès n’est fait dans ce conflit qui dure depuis près de 12 ans.

Présents lors de ce débat, Rungrawee Chalermsripinoyat, une analyste indépendante qui surveille de près le conflit sud-thaïlandais soutient qu’il y existe trois raisons qui justifient la thèse d’une attaque menée par les insurgés.

Une nouvelle attaque du BRN ?

Les juwae (combattants en malais, c’est ainsi que les insurgés se nomment), n’auraient aucune raison de ne pas étendre leurs attaques sur le territoire thaïlandais.

De plus il ne s’agirait pas de leur première tentative, en décembre 2013 un attentat à la bombe avait été déjoué à Phuket. Toujours à la même période, un autre attentat à la bombe à Songkhla avait causé 27 blessés.

L’an dernier à Samui, une automobile piégée causait 10 blessés et d’importants dégâts matériels.

Le BRN (Barisan Revolusi National), faction indépendantiste avec la plus grande force de frappe pourrait être derrière la récente vague d’attentats, mais d’autres groupuscules essayaient d’attirer l’attention des médias en perpétrant des attaques en dehors de l’extrême-sud thaïlandais.

Le PULO-MKP (Patani United Liberation Organisation MKP avait revendiqué l’attaque à la bombe le 23 mai 2013, dans le quartier de Ramkhamhaeng, attentat qui avait causé sept blessés.

Des lieux “immoraux” ciblés

Deuxième raison, les lieux choisis des récents attentats suivent la ligne des attaques perpétrées par le BRN. Ces lieux ont une importance stratégique pour l’économie thaïlandaise et sont qualifiés de « immoraux », généralement d’importants lieux touristiques.

Les postes de police sont également ciblés, mettant en avant le rejet des autorités thaïlandaises dans l’extrême-sud thaïlandais. De plus les BRN revendique rarement ses attaques et ne cherche pas forcément à faire le plus de blessés.

Des explosifs similaires à ceux utilisés dans le sud

Troisième raison, les EEI (engins explosifs improvisés) utilisés lors des derniers attentats sont identiques à ceux utilisés par les insurgés sud-thaïlandais depuis ces 12 dernières années.

Ces derniers événements démontrent bien que le conflit entre les autorités thaïlandaises bouddhistes et le sud majoritairement musulman est loin d’être fini. Il s’agit d’un conflit qui dure depuis 12 ans, où les négociations ou tentatives de cessez le feu n’ont jamais abouti.

Suite aux derniers attentats, les experts estiment que les autorités thaïlandaises devraient rouvrir les négociations les indépendantistes sud-thaïlandais.

Le risque de nouvelles attaques

Le risque de nouvelles attaques en dehors des 3 provinces de Yala, Pattani et Narathiwat est désormais accru et il s’agirait d’une escalade d’un conflit qui a déjà  fait au moins 6000 victimes, en majorité des civils.

“S’il n’y a pas de progrès dans les prochains mois, d’autres attentats peuvent avoir lieu”, a déclaré Davis.

“Peut-être que ce ne sera pas sur une grande échelle, peut – être juste une ou deux bombes dans des lieux touristiques.”

Un scénario catastrophe qui pourrait avoir des conséquences importantes sur le tourisme, qui reste une des locomotives de l’économie thaïlandaise.