Au cours de la «guerre contre la drogue» menée par le gouvernement de Thaksin en Thaïlande en 2003, un jeune homme de la tribu Lisu a été tué par la police dans la province septentrionale de Chiang Mai.

Selon la version donnés par la police à sa famille, il a été abattu alors qu’il tentait d’échapper à son arrestation.

Mais quand sa nièce est allé identifier le corps, elle a constaté qu’il avait reçu une balle dans la tête à bout portant.

Elle est convaincue que son oncle a été exécuté de sang-froid – l’une des nombreuses victimes de la répression sanglante de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra contre le trafic des méthamphétamines.

À ce jour, personne n’a été tenu responsable de la mort de son oncle, et sa colère ne s’est pas dissipée. Elle a demandé à ne pas être nommée dans cet article, citant des craintes pour sa sécurité personnelle.

Pour cette femme devenue militante des droits de l’homme, la culture l’impunité en Thaïlande est un fléau  qui a brisé la vie de nombreuses familles innocentes : c’est à dire la facilité avec laquelle les riches, puissants et ceux qui portent un uniforme peuvent littéralement assassiner sans être inquiétés par la justice.

De tels incidents se produisent encore avec une fréquence alarmante, dit-elle, surtout dans les communautés de tribus dans le nord. La police devrait savoir qu ‘«ils tirent sur des humains, pas des animaux”, ajoute elle amèrement

2 800 exécutions extrajudiciaires

Selon Human Rights Watch, la guerre contre les trafiquants de drogue, notamment dans le Nord de la Thaïlande, a fait 2 800 morts extrajudiciaires au cours des trois premiers mois; mais une enquête officielle menée en 2007 a conclu que plus de la moitié des victimes n’avaient aucun lien avec les narcotiques.

La guerre contre la drogue illustre parfaitement le fait que les officiels en charge de la sécurité jouissent depuis longtemps de l’impunité pour leurs crimes, souvent commis au nom de la sécurité de la Nation et de la monarchie.

Tyrell Haberkorn, un professeur universitaire américain auteur d’un prochain livre dédié à l’immunité en Thaïlande, explique que

« les actions individuelles des militaires et de la police échappent à toute responsabilité et cet état de fait est ancré dans le cœur des citoyens thaïlandais qui apprennent dès leur plus jeune âge qu’il n’existe aucune protection contre l’action des représentants de l’Etat, tandis que ces derniers savent pertinemment qu’il ne seront jamais inquiétés pour leurs actes ».

Une pratique, selon lui, facilitée légalement par la détention arbitraire et l’assurance aux officiels de sécurité d’une protection contre la violence commise au nom du ‘devoir’.

Les habitants du Sud de la Thaïlande, où les séparatistes musulmans malais sont traditionnellement rétifs au pouvoir thaïlandais, connaissent également cette situation.

Disparitions forcées et tortures dans le Sud du pays

Dix ans après la mort de 32 suspects de rébellion, abattus dans la mosquée de Krue Sae et les 85 morts de la manifestation de la ville de Tak Bai (beaucoup de victimes sont décédées à la suite d’une asphyxie dans les camions surchargés de la police) les familles des victimes attendent encore des réponses.

Meurtres extrajudiciaires, « disparitions » forcées et actes de torture ont été répertoriés par des groupes de défense de droits de l’Homme dans le Sud du pays.

Amnesty International déclare avoir également reçu des « rapports crédibles de torture et autre mauvais traitement » lors d’interrogatoires mis en place après le coup d’Etat par la junte militaire l’an dernier et s’inquiète particulièrement du fait que les tribunaux continuent d’accepter les confessions et autres déclarations réalisées sous la torture, explique Rupert Abbott, directeur des recherches du programme Asie du Sud-Est et Pacifique d’Amnesty International.

« L’impunité est la norme dans les affaires de torture. Actuellement, les victimes de violations des droits de l’Homme en Thaïlande ont peu d’espoir de voir un jour leur bourreau traduit devant la justice. Beaucoup continuent de vivre dans la peur des représailles s’ils portent plainte officiellement (…) », explique-t-il.

Cette impunité atteint les plus hautes sphères. En août dernier, le procès à l’encontre de l’ancien Premier ministre Abhisit Vejjajiva et de son député Suthep Thaugsuban pour leur implication dans la répression brutale de 2010 contre les chemises rouges à Bangkok a été annulé.

La semaine dernière, le journaliste britannique Andrew Drummond a annoncé son départ du pays après 25 ans suite à une menace contre sa propre sécurité et celle de ses trois enfants : « Ce n’est pas la première fois, mais la dernière menace vient d’un groupe de personnes ayant déjà assassiné en toute impunité auparavant ».

Résumé : Emeline Mainy
Source : The Diplomat

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