Avec les attentats de ce week-end, et la mort de quatre personnes dont trois enfants, la crise thaïlandaise s’enlise un peu plus chaque jour dans la violence et l’impasse politique.

Une possible porte de sortie pourrait tout de même être entrevue jeudi 27 février, date à laquelle Yingluck Shinawatra doit comparaître devant un tribunal anti-corruption.

En attendant une éventuelle résolution juridique du conflit, l’opposition dirigée par M. Suthep Thaugsuban cherche de nouveaux leviers pour faire pression sur le gouvernement. Ce sont maintenant les intérêts économiques de la famille Shinawatra qui sont visés par les manifestants, comme en témoigne le blocage, jeudi 20 et vendredi 21 février, des immeubles propriété des Shinawatra dans Bangkok.

Un blocage qui s’accompagne d’un appel à boycotter les sociétés appartenant à la famille Shinawatra. Les opposants souhaitent ainsi s’attaquer aux principales  sources de revenus des pro-Thaksin qui comprennent des entreprises comme SC Asset Corporation (immobilier) ou encore Shin Corporation (télécommunication).

Pour autant, il est difficile d’évaluer le réel l’impact de cette nouvelle stratégie de l’opposition, même si des résiliations de contrat téléphoniques ont bien été enregistrées.

Malgré les actions menées par les anti-gouvernementaux, Yingluck Shinawatra ne semble pas vouloir céder et reste ferme dans sa gestion de la crise politique, excluant tout possibilité de démission.

Thaïlande : vers un risque de balkanisation ?

Car même si la capitale est devenue un lieu de confrontation pour le gouvernement Shinawatra, il dispose encore de solides appuis dans les régions rurales du nord et du nord-est du pays.

Ce lundi 24 février, les « rouges » ont évoqué la possible création d’un gouvernement en exil à Chiang Mai en réponse aux difficultés que rencontre Yingluck Shinawatra à Bangkok.  Bien que cela soit plus une provocation politique, qu’un réelle alternative à la situation actuelle, elle est symptomatique d’une dissension grandissante au sein de la population, et d’une opposition de plus en plus inconciliable entre le Nord et le Sud.

Petchawat Wattanapongsirikul, qui est aussi un conseiller du ministre du Développement social, a déclaré que le mouvement des “chemises rouges” dans la région du Nord est près a accueillir le gouvernement.

“Si le gouvernement est incapable de travailler à Bangkok, Chiang Mai est prêt à servir de nouvelle capitale pour la Thaïlande. Nous avons les lieux et le personnel nécessaire pour prendre soin du gouvernement. Nous pourrions déployer 5.000 à 6.000 gardes pour assurer la sécurité des membres du cabinet, »

a t-il déclaré devant la presse.

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La carte des résultats des élections de 2011 montre une division politique assez marquée entre les provinces du nord et du nord-est, et du sud.

Par-delà l’actuelle opposition entre « rouges » et « jaunes », pro et anti-Thaksin, c’est une profonde division géographique de la société Thaïlandaise qui resurgit avec l’enlisement actuel de la crise : une confrontation entre le nord  et le sud de la Thaïlande.

Un pays coupé en deux

D’une part les « rouges » sont pour l’essentiel des habitants du Nord et du Nord-Est (Isan) du pays. Majoritairement travailleurs agraires, ils font partie des populations les moins favorisées. La politique sociale de couverture maladie universelle entreprise par Thaksin Shinawatra envers la population des fermiers leurs à directement profité, ainsi que les subventions des prix du riz à des cours très supérieurs aux prix du marché.

Cette politique a permis un accès aux soins médicaux à moindre frais pour une population un peu laissée pour compte de l’industrialisation (instaurant une consultation médicale dès 30 bath). Mais ce vaste programme a aussi témoigné d’un intérêt nouveau pour une franche importante mais silencieuse de la population.

De l’autre côté les « jaunes », se composent de la classe moyenne, de l’élite de Bangkok et d’une large part de la population du Sud du pays. Ils ont bénéficié plus majoritairement du boom économique Thaïlandais des années 90 avec le développement d’une industrie à la fois technique et touristique. Ils sont plus influencés par la culture chinoise que le Nord et idéologiquement souhaite un conservatisme social plus important.

Le risque de « Balkanisation » de la Thaïlande avec une véritable césure entre le Nord et le Sud semble cependant très improbable pour le moment en dépit de la récente escalade verbale des pro Thaksin.

Le passé récent du pays et la crise de 2008, laissent tout de même supposer qu’un scénario de « division » de la Thaïlande est peu probable. Après 18 Coups d’Etats en l’espace de 82 années, la Thaïlande a toujours su garder son unité autour de symboles forts comme le bouddhisme ou l’autorité bienveillante du Roi, même si l’armée est parfois intervenue comme ultime moyen de sortie de crise.