Ce matin un moine et trois villageois ont été assassinés dans la province de Pattani : un fait divers sanglant qui vient s’ajouter à la longue litanie de actes de barbarie quasi quotidiens, dans les provinces à majorité musulmane du sud de la Thaïlande.

La semaine dernière, le 4 février trois jeunes frères âgés de neuf, cinq et trois ans ont été sauvagement assassinés devant chez eux à leur retour de la mosquée dans la province de Narathiwat à majorité musulmane.

Et dimanche 9 février c’est une femme bouddhiste de 28 ans qui a été abattue et brûlée dans la rue devant les passants horrifiés.

« Nous continuerons à vous tuer aussi longtemps que vous êtes sur nos terres » précise une note retrouvée par la police, sur les lieux de l’assassinat de la jeune femme.

Concernant les jeunes garçons, les motivations des assassins restent encore floues. Selon les autorités, il pourrait s’agir d’un acte de vengeance personnelle plutôt que d’un acte politique, tandis que les rebelles accusent les autorités d’être responsable de l’incident.

Etat d’urgence permanent

Trois législations spéciales ont été mise en place dans les provinces du sud : la loi martiale, l’acte de sécurité interne et pour finir la déclaration du décret d’urgence qui stipule quasiment les même choses que celui déclaré à Bangkok le 21 janvier 2014.

A savoir : l’autorisation d’arrêter toutes personnes suspectes et de les retenir prisonnier pour une période maximum de 37 jours ou encore l’imposition d’un couvre-feu.
Cette série de mesures a permise de nombreuses violations des droits de l’Homme de la part des autorités; utilisation de la torture, confessions forcées, enlèvements. Ces dernières ont entraîné de nombreuses représailles de la part des groupuscules séparatistes.

“Les différents gouvernements ont échoué dans leurs tentatives de poursuivre les responsables de ces abus des droits de l’Homme. Il n’y a eu aucune poursuites pour les membre des forces de sécurité thaïlandaises pour ces violations des droits dans les provinces du sud”

dénonce Brad Adams, directeur de Human Rights Watch Asie.

Cependant, bien qu’il est fort probable que les autorités usent de leur pouvoir abusivement, les attaques des différents groupes armés ne visent pas uniquement les forces de police ou l’armée mais également de nombreux civils. Ainsi les professeurs par exemple sont régulièrement la cible d’attaques. Les insurgés leur reprochant d’endoctriner les jeunes aux principes bouddhiques.

“Les abus précédents ne justifient en rien les attaques contre des civils. La situation dans le sud du pays est une tragédie. Ces  abus et actes de violences sont commis par les forces armées thaïlandaises autant que par les séparatistes”

ajoute Brad Adams.

Les origines du conflit

En une décennie le conflit dans les provinces du sud du pays, frontalières avec la Malaisie, a déjà fait plus de 5900 morts et 10000 blessés. Cette année on recense déjà 40 morts. Rares sont les journées sans attaques ou attentats.

Avec une population en majorité musulmane le sud connaît une escalade des violences depuis 2004, mais les origines du conflit remontent au traité siamo-anglais de 1909 lors duquel les frontières du pays ont été dessinées sans prendre en compte les différences ethniques et religieuses des populations. Les trois provinces aujourd’hui rattachées à la Thaïlande faisaient alors partie d’un sultanat musulman.

De plus une  politique d’acculturation et une assimilation forcée des valeurs n’ont fait qu’accentuer la rancune des musulmans malais à l’égard des autorités thaïs.

La répression Thaksin

Depuis 2004, sous le gouvernement de Thaksin Shinawatra, la répression contre les différents groupes armés qui forment le gros des forces révolutionnaire n’a fait qu’accentuer le conflit.

Ce sont les événements de Tak Bai  qui ont mis le feu aux poudres : le 25 octobre 2004 plus de 1500 personnes se sont rassemblés à Tak Bai devant le commissariat pour manifester contre l’arrestation de six personnes.

Les manifestations ont dégénéré et en réponse la police a tiré sur la foule tuant 8 personnes et arrêtant 1300 autres qui se sont retrouvés entassées les unes sur les autres dans plusieurs fourgons.

Cinq heures de route plus tard 78 personnes ont été retrouvées mortes étouffées. Encore aujourd’hui cet événement marque toujours les esprits et fait polémique.

Vers de nouvelles négociations ?

Après dix années  de conflit et de nombreuses négociations qui n’ont mené à aucune améliorations concrètes de la situation, ce sont les rebelles, dont le National Revolution Front qui demandent un maintien des dialogues de paix qui se sont largement atténués depuis le début de la crise politique.

Concernant les trois frères assassinés la semaine dernière, l’UNICEF est intervenue pour condamner les attaques sur des enfants. Pour le reste la communauté internationale ne semble pas se préoccuper beaucoup de la situation.

1 comment
  1. Merci pout cet article.
    Enfin un journaliste pour parler du plus gros problème de la Thailande.
    Loin du regard des médias classiques, la guerre civile continue dans cette région avec des milliers de morts pendant que les politiques et l’armée jouent la guerre de succéssion à Bangkok !!!

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