La Thaïlande n’est pas, loin s’en faut le plus mauvais élève de la région Asie, et le rapport 2008 de reporters sans frontières s’ouvre logiquement sur le tragique cliché du photographe japonais abattu à bout portant par un soldat birman.

“En 2007, le continent asiatique s’est transformé en champ de bataille pour les journalistes. Dix-sept d’entre eux ont été tués et près de six cents ont été agressés ou menacés de mort. Rien qu’au Pakistan, deux cent cinquante reporters ont été arrêtés par les forces de sécurité, après avoir été bien souvent matraqués. Ils couvraient les marches organisées contre le président Pervez Musharraf ou manifestaient eux-mêmes contre les restrictions qui leur étaient imposées dans le cadre de l’état d’urgence.

Au Sri Lanka, plusieurs responsables du journal tamoul Uthayan ont vécu retranchés dans leur rédaction de peur d’être tués dans les rues de Jaffna par les paramilitaires qui y font régner la terreur. En Birmanie, les militaires chargés en septembre de rétablir l’ordre ont abattu un reporter japonais et fait la chasse aux cameramen et photographes birmans”. note en introduction de son rapport Vincent Brossel, responsable Asie de RSF.

Au Sri Lanka, Pakistan, Philippines et bien sur en Chine, les cas graves d’atteintes aux libertés de la presse et d’agression contre les journalistes sont nombreux. Mais la Thailande, où les violences à l’encontre de la presse sont rares, a aussi ses tabous “Critiquer la famille royale en Thaïlande, soulever le problème du poids de la religion en Afghanistan, s’opposer à Lee Kwan Yew l’homme fort à Singapour ou dénoncer la corruption des proches du chef du gouvernement Hun Sen au Cambodge, tout cela peut coûter cher. Les journalistes asiatiques sont souvent contraints à l’autocensure. La loi prévoit de longues peines de prison, et parfois la peine de mort, pour ceux qui s’aventurent à briser les interdits religieux, politiques ou sociaux.” remarque aussi RSF.

Toujours en Thailande, la nouvelle loi contre la cybercriminalité (Computer Crime Act), entrée en vigueur en juillet, autorise la police à saisir le matériel informatique des personnes suspectées de diffuser des messages à contenu insultant ou pornographique. En vertu de cette loi, les fournisseurs d’accès à Internet devront conserver les données personnelles des internautes pendant 90 jours.

Les autorités ont le pouvoir de vérifier ces informations sans aucun contrôle judiciaire. En avril, le gouvernement a bloqué le site de partage de vidéos YouTube, ainsi que plusieurs autres au contenu critique à l’encontre du roi Bhumibol Adulyadej. En août,YouTube a été débloqué après qu’au moins quatre vidéos ont été retirées du site. Le ministre thaïlandais de l’Information et de la Communication s’est félicité de ce compromis.

Google, propriétaire du site, s’est engagé à ne plus mettre en ligne des vidéos qui seraient contraires à la loi ou jugées insultantes envers la monarchie. Le ministre a ajouté que YouTube avait créé un programme permettant aux fournisseurs d’accès thaïlandais de bloquer l’accès de certaines vidéos sensibles. Dans la foulée, le gouvernement a annoncé la mise en place d’un Comité national de supervision des médias pour réguler les contenus diffusés par la radio, la presse, la télévision et Internet.

Ce nouvel organisme doit regrouper des représentants du gouvernement et d’entreprises du secteur d’Internet, notamment Google et Microsoft. Des sites favorables à Thaksin Shinawatra ont également été bloqués par les autorités, notamment http://hi-thaksin.net. L’organisation locale Freedom Against Censorship in Thailand (FACT) a dénoncé une augmentation de la censure sur le Net. Des forums de discussion politiques et des sites pro- ches des mouvements indépendantistes du sud de la Thaïlande (PULO, BIPP, BRN) ont été fermés en 2007.

Enfin, le blogueur Praya Pichaï a été détenu pen-dant deux semaines en vertu de la section 14 sur la “diffamation” et “l’atteinte à la sécurité natio- nale” de la loi contre la cybercriminalité. Il a été accusé de “critiques envers la monarchie” pour un article publié sur son blog (http://www.prachathai.com). Les autorités ont ensuite levé les charges à son encontre, faute de preuves, mais il reste sous surveillance pendant dix ans et risque la prison s’il publie à nouveau un commentaire politique sur un site Internet.