Les changements ont été nombreux dans la dixième édition du classement de la liberté de la presse. Changements qui reflètent une actualité incroyablement riche, notamment dans le monde arabe

note Reporters sans frontières. En ce qui concerne la Thaïlande, le bilan est pour le moins mitigé: le royaume reste parmi les pays sous surveillance, mais améliore un peu son classement passant de la 153e à la 137e place, à peine mieux que les Philippines (140e) mais loin devant la Birmanie (169e) ou le Vietnam (172) qui reste la lanterne rouge de la région Asie.

Insécurité et censure en hausse en Asie

L’insécurité et l’impunité demeurent au Pakistan, en Afghanistan et aux Philippines, tandis que le Sri Lanka, le Vietnam et la Chine s’enfoncent un peu plus dans la répression

En 2011, l’insécurité demeure la préoccupation majeure des journalistes en Afghanistan (150e) et au Pakistan (151e), sous la menace permanente des taliban, extrémistes religieux, mouvements séparatistes ou partisans politiques. Avec dix tués, le Pakistan est le pays le plus meurtrier pour la deuxième année consécutive.

La Thaïlande reste en rouge en 2012, parmi les pays d'Asie sous surveillance par RSF
La Thaïlande reste en rouge en 2012, parmi les pays d’Asie sous surveillance par RSF, aux cotés de l’Indonésie de la Malaisie et des Philippines. Les pays en noir sont les pays où la liberté de la presse est la plus menacée.

Aux Philippines (140e), qui enregistrent une progression logique après une chute en 2010 due au massacre d’Ampatuan de novembre 2009, les groupes paramilitaires et les milices privées continuent leurs attaques récurrentes contre les professionnels des médias. Comme le montre l’instruction de la tuerie des 32 journalistes philippins, l’action des autorités reste largement insuffisante.

Bien que d’intensité moindre, l’insécurité des professionnels des médias perdure au Bangladesh (129e) et au Népal (106e) où les journalistes subissent régulièrement les menaces des groupes politiques rivaux et de leurs partisans. Ainsi au Bangladesh, les groupes d’opposition et la ligue Awami au pouvoir se rendent tour à tour responsables de violences et d’entraves à l’encontre de la presse. Par ailleurs, malgré un pluralisme réel de la presse, des lois permettent au gouvernement de maintenir un contrôle excessif sur les médias et Internet. Au Népal, la diminution des violences par les groupes maoïstes dans le Sud et l’efficacité accrue de la justice expliquent la progression relative du pays. Les menaces et les attaques perpétrées par des politiques et des groupes armés ont cependant continué d’entacher la liberté de la presse tout au long de l’année.

En fin de classement : entre autoritarisme et transitions incertaines

 La situation de la liberté de l’information s’est fortement dégradée dans deux pays aux mains de régimes autoritaires.

En 2011, la Chine, première prison du monde pour les journalistes, blogueurs et cyberdissidents, a renforcé censure et propagande, par un contrôle accru d’Internet, et notamment de la blogosphère. Depuis les premiers mouvements de protestations dans les pays arabes et les appels à la démocratie qu’ils ont suscités dans les principales villes chinoises, on assiste à une vague d’arrestations dont on ne voit toujours pas la fin.

Dans les régions autonomes du Tibet, de la Mongolie intérieure et du Xinjiang, les protestations des minorités donnent systématiquement lieu à une répression féroce des autorités. À Pékin et à Shanghai, les correspondants internationaux ont été particulièrement visés par les forces de sécurité et travaillent sous la menace perpétuelle de refus d’extension de visas ou d’expulsion. Les autorités ont empêché les journalistes de couvrir la plupart des événements qui nuisent à la stabilité ou donnent une image négative de la Chine.

Le Viêt-nam (172e) semble suivre la voie tracée par Pékin en matière de répression et perd sept places.

À l’image de Pham Minh Hoang, condamné à trois ans de prison et trois ans d’assignation à résidence, le 10 août 2011, pour “tentative de renversement du gouvernement”, les journalistes engagés et les blogueurs pro-démocratie sont harcelés par les autorités, tandis que la justice continue d’invoquer la sécurité de l’État pour prononcer des peines allant de 2 à 7 ans d’emprisonnement.

Au Sri Lanka (163e), l’emprise du clan Rajapakse pousse les derniers journalistes d’opposition à fuir le pays. Ceux qui restent sont régulièrement victimes de harcèlements et de menaces. Si les violences se font plus rares, l’impunité et la censure officielle des sites d’information indépendants ont supprimé tout pluralisme, et contribuent plus que jamais à l’autocensure de la quasi-totalité des médias.

La Birmanie (169e), dont les premiers signes d’ouverture (amnisties partielles, limitations de la censure préalable) ont pu être observés, reste largement sous le contrôle d’un régime autoritaire, aux mains des anciens officiers de la junte militaire reconvertis en parlementaires civils. Près de 10 journalistes y demeurent emprisonnés.

En Corée du Nord (178e), si l’information circule davantage à travers les frontières, nul ne sait si cette tendance durera sous le règne de Kim Jong-un, fils héritier de Kim Jong-il. La continuation de la dynastie, le poids de l’appareil militaire et la volonté de puissance du régime n’incitent en tout cas pas à l’optimisme.

En tête de classement : les traditionnels “bons élèves” à la dérive ?

Les traditionnels bons élèves n’ont pas brillé en 2011. Avec la chute de la Nouvelle-Zélande à la 13e position, plus aucun pays de l’Asie-Pacifique ne figure parmi les dix premiers du classement.

En 2011, Hong Kong (54e) voit une nette dégradation de la liberté de la presse et dégringole au classement. Interpellations, agressions et pressions ont détérioré les conditions de travail des journalistes d’une manière inédite, illustrant un inquiétant changement de la politique gouvernementale.

En Australie (30e), les médias ont été visés par des enquêtes, des blocages dans l’accès à l’information et des critiques de la part des autorités, tandis qu’au Japon (22e), la couverture du tsunami et de l’accident nucléaire de Fukushima, a donné lieu à des restrictions abusives tout en révélant les limites du pluralisme de la presse.

Benjamin Ismaïl

Head of Asia-Pacific Desk
Reporters Without Borders
Paris – France