La Birmanie a annoncé mardi la libération imminente de 14 600 détenus, en vertu d’un programme de clémence dont ne profiteront qu’une poignée de prisonniers politiques. Par ailleurs, les cybercafés, déjà régis par des directives draconiennes doivent désormais faire face à davantage de restrictions a t-on appris par l’organisation Reporters sans Frontières
Le directeur du service pénitentiaire, le général Zaw Win, a annoncé la libération de 14600 prisonniers, dont 2166 femmes, qui seront relâchés de prisons à travers le pays.
L’organisme new-yorkais de défense des droits de l’homme Human Rights Watch a qualifié cette mesure de clémence de «réponse pathétique aux demandes internationales pour la libération immédiate de tous les prisonniers politiques».
L’Australie et la Thaïlande ont demandé à la Birmanie de progresser sur le plan des droits de l’homme, y compris la libération de tous les prisonniers politiques, avant de prendre la présidence de l’Association des Nations du Sud-Est asiatique en 2014.
La Birmanie avait renoncé à son droit à la présidence de l’ASEAN en 2005, sous la pression internationale concernant son non respect des droits de l’homme. Depuis la Birmanie a entrepris, au moins en apparence, des réformes politiques, comme les élections générales l’année dernière et la formation d’un nouveau gouvernement civil avec la libération du leader de l’opposition, Aung San Suu Kyi.
Trois mois après l’élection de Thein Sein à la tête de la Birmanie, la liberté de la presse et la liberté de l’information sur Internet sont toujours bafoués. Alors que le Président a déclaré qu’il respectait “le rôle des médias en tant que quatrième pouvoir”, les condamnations de journalistes à de lourdes peines, les suspensions de journaux et les descentes de police dans les cybercafés illustrent l’inflexibilité du régime qui reste constant dans sa politique d’intimidation et de contrôle. Surtout, tout un train de mesures vient durcir le contrôle de la junte dans l’utilisation du Net.
écrit RSF dans un communiqué publié aujourd’hui
Surveillance renforcée des médias et d’Internet sous l’ère Thein Sein
L’organisation s’est procurée un exemplaire de ces directives, diffusée par le ministère par email en mai 2011, et dont les modalités d’application demeurent floues.
Traduction : Règles pour les propriétaires de centres d’accès public (CAP, cybercafé)
1) Les renseignements personnels des utilisateurs des CAP tels que le nom, numéro de carte nationale d’identité, numéro de passeport (si l’utilisateur est étranger), adresse de contact, numéro de téléphone etc., doivent être enregistrés.
2) Les archives de service de tous les utilisateurs des CAP (date, heure, capture d’écran, URL) doivent être soumises une fois par mois à la Direction de la Communication.
3) L’utilisation d’Internet pour les appels internationaux est interdite car elle est illégale et non autorisée par le ministère de la Communication.
4) Les CAP ne sont pas autorisés à utiliser des logiciels, des programmes et des technologies interdites par le Ministère des Postes et Télécommunications, par la Direction de la Communication et le ministère de la Communication. Les CAP doivent aussi s’assurer que de tels logiciels, programmes et technologies ne soient pas utilisés par leurs clients.
5) Les utilisateurs des CAP doivent être informés au moyen d’un avis écrit que la cybercriminalité (piratage, distribution du virus, balayage de ports, etc) et la visualisation, la copie et la distribution de médias qui ne sont pas en conformité avec la culture de la Birmanie, sont interdites.
6) Les ordinateurs des CAP ne sont pas autorisés à disposer d’un un lecteur de disquette, d’un lecteur de CD, d’un port USB ni d’autres disques externes.
7) Les titulaires de licence de CAP sont tenus d’autoriser des inspections par les fournisseurs de services de CAP, par les fonctionnaires du ministère et de la direction, et par les autorités locales.
8) La location ou le transfert de licence de CAP est interdite. Les propriétaires peuvent demander la permission de la direction s’ils veulent changer l’emplacement du CAP ou les technologies utilisées.
9) Les propriétaires peuvent soumettre une demande de renouvellement de licence de CAP trente jours avant la date d’expiration. Les frais de renouvellement et les frais annuels doivent être prépayés. Les propriétaires qui n’ont pas payé dans le temps seront condamnés à une amende de 30.000 kyats par mois de retard. La licence sera révoquée si le paiement requis n’est pas effectué dans les quatre vingt dix jours.
10) En cas de perte ou de dommage du document original (de la licence), une copie de celui-ci peut être délivré contre paiement.
11) La loi de développement des ordinateurs doit être respectée et les restrictions stipulées par l’arrêté-WAN n° 3 / 2002 du ministère des Postes et Télécommunications, doivent être respectées. Les arrêtés et les directives émis par les ministères du gouvernement, le ministère de la Communication et la Direction de la communication, doivent être respectées. Les personnes en infraction ne verront pas seulement leur licence de CAP révoquée, mais seront aussi punis selon les lois en vigueur.
12) Les informations qui pourraient nuire à la sécurité et à l’intérêt de l’État ne doivent pas être divulguées. Les auteurs de fuites de telles informations seront punis en vertu de la Loi sur le secret d’Etat (State Secret Act).
La législation birmane sur Internet est déjà l’une des plus répressives au monde.
L’Electronic Act, adopté en 1996, concerne Internet, la télévision et la radio. Cette loi interdit notamment l’importation, la possession et l’utilisation d’un modem sans permission officielle, sous peine d’être condamné à quinze ans de prison et/ou à une forte amende pour “atteinte à la sécurité de l’Etat, à l’unité nationale, à la culture, à l’économie nationale, à la loi et à l’ordre”. Trois net-citoyens, Zarganar, Nay Phone Latt, et Kaung Myat Hlaing (“Nat Soe“), croupissent à ce jour en prison pour s’être exprimés librement en ligne.
La Birmanie fait partie des “Ennemis d’Internet” désignés par Reporters sans frontières. Selon Amnesty International, la Birmanie compterait plus de deux mille deux cents prisonniers politiques. La Democratic Voice of Burma compte dix-sept de ses journalistes emprisonnés dans les geôles birmanes. Soutenue par Reporters sans frontières, l’organisation a récemment lancé une campagne pour appeler la libération de ces Vidéo journalistes (VJ).