Mook arrêta sa moto au bout de la soi, puis il parcourut à pied les cinquante derniers mètres qui mènent jusqu’à son domicile. Sa chienne Yoo Yee l’accueillit dans la cour et il la cajola jusqu’à ce qu’elle arrête de couiner.

Alors qu’elle retournait en rampant dans sa niche sous le perron, il sortit sa clé et l’inséra tout doucement dans la serrure. Il en avait graissé régulièrement le mécanisme avec du silicone et la clé tourna sans un bruit. Les gonds de la porte avaient été traités de la même façon et il entra silencieusement dans la maison. Les aiguilles fluorescentes de la pendule bon marché lui indiquèrent qu’il était trois heures du matin, mais il ne se pressa pas.

La partie de cartes qui avait lieu dans l’arrière-salle du magasin de Ba Leang continuerait jusqu’à l’aube, et toute précipitation excessive à ce stade risquait de réveiller son épouse et de le priver de l’occasion de jouir de la chance qui, il le sentait, était avec lui. Il posa son casque de moto sur le sol et ôta la veste rouge qui était son accoutrement de chauffeur de moto-taxi.

Avec fluidité, il enleva son pantalon et sa chemise ; les relents de gaz d’échappement et de fumée de cigarettes dont étaient imprégnés ses vêtements réveilleraient à coup sûr son épouse s’il venait dans la chambre avec.

Il traversa le living-room en sous-vêtement et alla jusqu’au couloir. Il se déplaçait doucement et il n’alluma aucune lampe. Il n’y avait presque pas de meubles dans la pièce, mais des planches du parquet étaient voilées et on aurait entendu le plus petit grincement dans le silence qui régnait dans la maison.

À l’armée, Mook avait appris à se déplacer silencieusement dans la jungle de nuit et en ce moment, il positionnait ses pieds comme on lui avait enseigné, transférant progressivement le poids de son corps sur le pied d’appel avant de faire glisser l’autre au même niveau.

Étienne Rosse
TROIS AUTRES THAÏLANDE
Nouvelles
Traduit de l’anglais (États-Unis) par David Magliocco

En vente sur Livres de Thailande