En principe je me tiens à l’écart des enquêtes de business surtout quand elles touchent des Thaïs. Ce qu’il ne faut pas oublier c’est que la Thaïlande est pour les Thaïs. Même le premier parti politique s’est longtemps appelé : les Thaïs aiment les Thaïs. Les farangs sont des gens de l’extérieur et les chances ne sont jamais de leur côté.

Nous ne pouvons pas posséder de terrain, nous avons besoin de visa pour vivre et travailler ici, nous avons aussi besoin de mener nos affaires en partenariat avec les Thaïs. Si par malchance un farang se retrouve face à un Thaï dans un problème au sujet des affaires, en général le farang perdra encore plus qu’avant d’aller en cour. Et dans ce cas là c’est si le local joue le jeu. Si le local est du genre véreux, il peut très bien décider de résoudre l’affaire en louant les services d’un type sur une moto qui mettra deux balles dans la tête du farang. Ne riez pas ce sont des choses qui arrivent. Elles arrivent souvent. Bien que ce ne soit pas toujours une balle dans la tête.

Presque toutes les semaines un farang est retrouvé mort au pied de son immeuble, ou dans son lit, la tête recouverte d’un sac plastique. En règle générale, les flics enregistreront ça comme un suicide, mais beaucoup de ces morts sont des meurtres purs et simples. Et beaucoup de ces meurtres sont le résultat de problèmes au niveau des affaires.

J’ai reçu un coup de téléphone un après midi d’un type qui parlait bien l’Anglais. Il m’a dit que je lui avais été chaudement recommandé et qu’il avait un problème pour lequel il avait besoin de mon aide. Au début j’ai pensé que c’était encore un touriste sexuel qui était tombé sous le charme d’une danseuse, mais il m’a ensuite dit qu’il souhaitait me rencontrer avec son responsable régional, le lendemain matin à sept heures pour le petit déjeuner dans un hôtel cinq étoiles. A partir de là, je savais que ça n’allait pas être une enquête sur une fille de bar – les touristes sexuel on tendance à ne pas descendre dans les cinq étoiles, ils ne se lèvent pas à cette heure matinale et ils n’ont pas non plus de directeur régional.

Je les ai repérés au moment où je suis entré dans le restaurant de l’hôtel. Deux hommes en costume qui buvaient du café et lisaient la partie business du Bangkok Post. Ils se sont levé tous les deux pour me serrer la main. Le type qui m’avait appelé se nommait Alistair Stewart. Il était grand avec des cheveux en partance, peut-être dans la trentaine finissante. Son Directeur régional était Eric Holden, un Norvégien avec les cheveux blancs qui avait quelques années de plus. Il était aussi beaucoup plus gros. Il était basé à Hong Kong et avait apparemment fait le voyage spécialement pour le rendez-vous du petit déjeuner.

Ils m’ont fait signer un contrat de confidentialité avant de me parler de leur problème. Je commençais déjà me demander pourquoi j’étais là, mais je me suis dit qu’un petit déjeuner dans un cinq étoiles valait la peine de rester. La société de Stewart était l’un des plus importants transitaires qui avait commencé ses opérations en Thaïlande cinq ans auparavant. Ils avaient eu des résultats en hausse constante et avaient dégagés des bénéfices dès le début. Ils avaient un directeur financier de première classe qui faisait très attention à l’argent, c’est ce qui les a mis en alerte quand la société a commencé à avoir des problèmes de fonds de roulement.

La compagnie avait cessé de grandir et avait même perdu plusieurs clients. Le chiffre d’affaires était en baisse et les bénéfices commençaient à plonger. Stewart et Holden s’étaient mis à réfléchir et n’avaient trouvé qu’une réponse : les malheurs de la société avaient quelque chose à voir avec le numéro trois dans l’équipe locale. Un Thaï qu’ils avaient embauché l’année précédente comme directeur des ventes. Ils n’avaient aucune certitude, c’était simplement ce qui leur semblait le plus plausible, mais ils pensaient qu’il faisait quelque chose qui leur faisait perdre des affaires.

En tant que directeur des ventes, Kung passait le plus clair de son temps en dehors du bureau et donc ils voulaient que je le suive pendant une semaine. Pour savoir où il allait et qui il voyait.

J’ai commandé une autre assiette de toasts et je leur ai fait part de mes remarques. Le premier problème c’est que de suivre quelqu’un à Bangkok c’est un cauchemar. La circulation est horrible, les feux peuvent prendre plus d’un quart d’heure avant de changer, le parking est problématique même dans les meilleurs cas. Je préfère prendre des mototaxis mais ils ne sont pas autorisés sur les autoroutes ni sur les ponts qui enjambent les carrefours. Il faudrait donc une grosse équipe. Elle couterait cher et même avec une armada le succès n’était pas garanti.

Le deuxième problème était une question de principe. J’avais comme règle, non écrite, de ne jamais prendre d’affaire sur les Thaïs ou même les compagnies thaïes. Le rendez-vous du petit déjeuner intervenait seulement quelques semaines après qu’un auditeur Australien qui s’occupait d’une société locale ait été tué à l’arrière de son mini van. Je ne voulais pas commencer à m’affoler chaque fois qu’une moto passerait à côté de moi.

Je leur donnais donc mon avis et je leur conseillais de prendre une société locale pour faire la surveillance. Stewart et Holden ont secoué la tête ensemble. Ils ne faisaient pas confiance à une société thaïe pour ce travail. Mais moi, j’avais été recommandé. Ça faisait plaisir à entendre mais malgré tout je n’étais pas chaud pour mener une enquête sur un local. Je n’avais aucun moyen de connaître ses connections. Son frère pouvait très bien être un haut gradé dans la police ou un général dans l’armée et ce n’est pas vraiment le genre de personne que vous avez envie d’avoir contre vous.

Stewart me demanda d’y réfléchir et dit qu’il me paierait la moitié d’avance. J’ai doublé mes honoraires journaliers et il n’a pas sourcillé. Holden a ouvert une fine sacoche en cuir et m’a tendu une pile de billets. Les règles non écrites ne valent pas le papier sur lequel elles ne sont pas écrites, pas quand vous avez en main un gros tas d’argent. J’ai accepté de m’occuper de l’affaire. Holden me tendit une enveloppe kraft qui contenait une photo de l’objectif, le nom et l’adresse des clients de la société, des informations sur sa voiture, sa maison, son numéro de téléphone portable. Holden était très efficace. Dans l’enveloppe il y avait tout ce dont j’avais besoin.

Les deux hommes m’ont serré la main avant de partir. J’ai pris un autre café pendant que je lisais les dossiers qu’ils m’avaient laissés. Le directeur des ventes avait trente sept ans, manifestement un Thaï-Chinois, un peu d’embonpoint avec des joues épaisses, il avait l’air très sûr de lui. Il vivait dans une maison isolée ce qui voulait dire qu’il y avait de l’argent dans la famille. J’espérais seulement qu’il n’y avait pas trop de membres de cette même famille qui portaient des armes à feu…

Warren Olson et Stephen Leather

Extrait des Mémoires d’un détective privé à Bangkok.

un_prive_bangkokDurant les mois d’été, Thailande-fr.com publie les aventures d’un Privé à Bangkok, extraites des “Mémoires d’un détective privé à Bangkok” de Warren Olson et Stephen Leather.

Pendant plus de dix ans Warren Olson a parcouru les rues de la Bangkok. Parlant parfaitement le Thaï et le Khmer, il était capable d’aller là où les autres détectives n’osaient pas trainer. La plupart des histoires des “Mémoires d’un détective privé à Bangkok” sont donc des histoires vraies, basées sur les dossiers de Warren Olson. Pour protéger les innocents et les coupables, elles ont été arrangées par l’auteur de best-sellers Stephen Leather.

Les mémoires d’un détective privé à Bangkok est édité en Thaïlande par Bamboo Sinfonia (Format : 19 x 13 cm , 306 pages) et est en vente sur Livres de Thailande