Le bouddhisme est la principale religion de la Thaïlande: 95 % des Thaïlandais se déclarent bouddhistes. Mais depuis quelques années le bouddhisme traverse une crise profonde, aggravée par les scandales financiers à répétition.

Depuis les années 1990, les scandales concernant les bonzes thaïlandais s’accumulent : détournements de fond, vie dissolue, marchandisation, drogue, viols,…

En 1996 un article paru dans Libération est intitulé « La déliquescence du bouddhisme thaïlandais : Drogue, viols, vols et meurtres ».

Pendant des années, les rapports sur des moines corrompus étaient traités comme des affaires internes, en dehors du cadre commun des lois.

En 2013, Luang Pu Nen Kham défraie la chronique. Surnommé le « moine jet-seteur », ce religieux ne se déplaçait qu’en voiture de luxe et avion privé. Il aurait délesté ses fidèles de sommes considérables.

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Ray Ban, sac Vuitton et jet privé : le bouddhisme selon Luang Pu Nen Kham

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Certains moines ont été jusqu’à assurer à leurs fidèles que le salut dans l’au-delà, un concept d’ailleurs peu bouddhiste, dépendait du montant de leurs dons en liquide.

95 % des Thaïlandais se déclarent bouddhistes, mais plus qu’une stricte observation des préceptes religieux, ces traditions s’apparentent parfois à une culture assez peu en rapport avec les enseignements bouddhistes, se rapprochant davantage d’un mélange de superstitions et de folklore animiste.

Le manque de transparence financière et l’absence de toute comptabilité n’ont rien arrangé. Les scandales à répétition ont déjà passablement écorné la réputation du bouddhisme thaïlandais

Dans son dernier ouvrage « Thaïlande : histoire, société, culture », le journaliste Arnaud Dubus, spécialiste du pays, dénonce « la tare du bouddhisme actuel : une commercialisation à outrance. »

Il s’en prend au temple Dhammakaya, à 20km de Bangkok.

« Ce temple prône une forme de bouddhisme assez particulière qui non seulement ne condamne pas le capitalisme, mais l’encourage.

Un des enseignements des bonzes se résume ainsi : faites de l’argent du lundi au vendredi, venez au temple samedi et dimanche pour méditer, et votre esprit sera beaucoup plus souple et plus clair pour que vous puissiez faire plus d’argent le lundi.

C’est du consumérisme religieux. »

Quant la compassion s’achète avec une carte Visa

Quant à la « compassion » envers autrui, qui est l’un des principaux enseignements de Bouddha, elle peut s’honorer avec une carte de crédit : les donations aux ONG sont défiscalisées, l’acquisition des « mérites » est devenue un véritable marché.

A l’origine, il s’agit de simples bonnes actions qui doivent garantir au fidèle un meilleur avenir dans l’au-delà, comme recueillir un chien abandonné ou libérer un oiseau en cage.

Les plus « rentables », car frappées du sceau divin, sont celles dont les moines bénéficient : nourrir les bhikkhu (ceux qui mendient), leur donner des vêtements, entretenir les temples… Les villageois avaient coutumes d’y consacrer beaucoup de temps et d’énergie.

Seulement aujourd’hui, la plupart des Thaïlandais se contentent de payer. Et forcément plus la somme est importante, plus ils auront de chances de renaître sous une meilleure étoile… Ce qui accentue encore les disparités énormes entre pauvres et riches…

Mais pour certains Thaïlandais, ces dérives concernent surtout un minorité de riches. Encore nombreux sont ceux qui préfèrent s’exprimer plus simplement dans des petits rituels tels que vider les bols à offrandes chaque soir et les remplir tous les matins, ou se prosterner devant un autel trois fois.

Troisième pilier du bouddhisme – avec le Bouddha et le Dharma (la loi)- la Shanga (la communauté des fidèles) a été sévèrement malmenée par la modernité et la croissance exponentielle des inégalités.

Le consumérisme, nouvelle religion de la Thaïlande ?

De 1987 à 1996, l’ancien royaume du Siam, devenu Thaïlande en 1939, a connu un véritable boom économique, avec une croissance annuelle moyenne de près de 10%.

La société de consommation et la libération des mœurs concurrencent de plus en plus les modes de vie ancestraux, tandis que la famille nucléaire est devenue le nouveau pilier de la société thaïe.

On observe une baisse de l’indice de religiosité en Thaïlande, notamment chez les nouvelles générations, comme dans tous les autres pays du globe.

« La Retraite des pluies » est en chute libre. Il s’agissait entre l’adolescence et l’âge adulte, d’un rite de passage quasi obligatoire pour les garçons.

A la saison humide, de quelques jours à quelques mois, ils prenaient la robe des moines et se retiraient de la société. Ce rituel était l’un des meilleurs moyens pour acquérir des «mérites ».

Mais ces dernières années les candidats sont de moins en moins nombreux…

Dans les zones rurales, les villages se sont vidés, la main d’œuvre ayant migré vers la ville. Le temple a perdu son rôle central.

Avant la pagode s’occupait de l’école et les bonzes enregistraient les naissances et décès. Les jeunes qui traînaient tous les soirs dans les salles d’accueil du monastère préfèrent s’amuser au karaoké.

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