Le nouvel an Thaï en temps normal est une fête assez bon enfant pendant la quelle tout le monde se fait copieusement arroser dans les rues. Mais cette année, le coeur n’y est pas, et c’est l’armée qui est dans les rues avec des canons à eau pour repousser les manifestants vêtus de rouge.
Songkran est pourtant une fête bouddhiste traditionnelle, qui est normalement l’occasion de faire des mérites, et le fait qu’elle soit empoisonnée cette année par la violence et la haine politique, montre à quel point la Thaïlande a changé ces dernières années.
Normalement à l’époque du nouvel an thaïlandais (Songkran), le royaume se transforme en un vaste champ de bataille aquatique. Les munitions sont en général abondante et bon marché, car uniquement à base d’eau, parfois agrémentée de glaçons. Dans tout le royaume, le long des routes et des rues, on peut voir des enfants en embuscade, prêts à arroser les passants (la plupart eux mêmes belligérants) qui osent s’aventurer à découvert. Souvent, des adolescents à mobylette forcent les barrages. Des camionnettes à plateau patrouillent, chargées de combattants, armés d’une joie féroce, puisant leurs munitions dans des barils géants pour les déverser sur les passants.
Malheureusement, il n’y a pas que des glaçons dans les verres des thaïlandais pendant la période de Songkran, et la consommation d’alcool atteint elle aussi des sommets. Il y a par conséquent un endroit à éviter pendant les vacances de Songkran : la route. La nouvel an Thaï est, avec la période autour du réveillon traditionnel du 31 décembre, la période la plus dangereuse pour prendre le volant. Cette année il a été question un temps d’interdire la vente d’alcool pendant les vacances de Songkran, mais devant le coté irréaliste de la chose, la proposition de loi a été promptement remisée dans l’oubli. A l’heure ou cet article est écrit, 46 personnes sont mortes et 410 ont été bléssées sur les routes.
En Thaïlande, la fête de Songkran (สงกรานต์) marque le nouvel an bouddhique basé sur le calendrier lunaire. Originellement mobiles, les réjouissances attachées à cette fête sont désormais fixes et ont lieu tous les ans du 13 au 15 avril, mais suivant les villes, les dates peuvent varier. Cependant, la date exacte du nouvel an est toujours tributaire du cycle lunaire.
C’est le Nouvel An thaï, correspondant au début du nouveau cycle astrologique: le Soleil passe du Bélier en Taureau. Beaucoup d’établissements sont fermés (par sécurité, à cause de… débordements possibles). Tradition millénaire, Songkran (du sanskrit “sankranti “, i.e. révolution, celle de la terre autour du soleil), est sans doute la fête préférée des Thaïs, et beaucoup en profitent pour retourner dans leurs familles afin de célébrer l’évènement, payer leurs respects aux anciens et… arroser copieusement tout ce qui bouge.
Les festivités (hostilités?) peuvent durer une semaine. Ce qui n’était au départ qu’une cérémonie pleine de respect est devenu un défoulement débridé et propre, paraît il, à faire fuir les mauvais esprits (dont je suis !)…
Dans les campagnes, et chez les citadins qui observent les coutumes, la première journée est en principe celle du grand ménage de printemps, on nettoie la maison, puis tout le monde prend un bain “d’eau lustrale” et met des vêtements neufs. Les fidèles vont dans les temples pour écouter des discours sur le Dharma (la Loi Universelle).
Le deuxième jour, on prépare un repas en offrande aux moines et à la parenté. Dans la cour des temples, de petites pagodes de sable sont élevées et décorées de fleurs et de drapeaux (elles peuvent symboliser la maison d’une vie future).
Le matin du troisième jour, on ouvre la cage aux oiseaux, on remet les poissons à la rivière et on asperge d’eau bénite et parfumée les images du Bouddha ainsi que la tête et les paumes des membres de la famille. L’idée sous-jacente est de laver les péchés de l’année… écoulée, et de se purifier.
L’hommage aux aînés est une part importante du rituel. Cela s’accompagne de cadeaux, en général des étoffes offertes par les plus jeunes à leurs aînés, et ceux-ci les bénissent en échange. Des statues du Bouddha sont convoyées en procession sur des véhicules et aspergées par la foule. En milieu de matinée, toutes les villes et les villages sont le théâtre de batailles rangées à coups de seaux et de fusils à eaux.